La Terre creuse

Vous l'ignorez, braves gens, mais les deux pôles, Nord et Sud, de la Terre n'ont jamais été explorés, ni même découverts, et pour cause : ils n'existent pas ! A leur place, un gigantesque gouffre circulaire gît de tout son long dans l'océan et s'enfonce dans les entrailles de notre bonne vieille planète. Si, si, comme j'vous l'dis, M'ame Michu !
A l'origine de cette fabuleuse nouvelle ? Eh bien, c'est compliqué.
Commençons par une photo qui a mis... non, remis le feu aux poudres aux temps héroïques de la conquête spatiale.

On voit ici à gauche une photo prise, paraît-il, en juillet 1969 par l'équipage d'Apollo XI en partance vers la Lune. Cette photo a été bien évidemment classée confidentielle par la NASA, mais elle a tout aussi évidemment pu échapper à la censure, on ne sait trop comment, puisque la voici à présent sous vos yeux ébahis.

Quelques détails me chiffonnent.
Par exemple, ce curieux maillage qui semble enserrer la Terre comme dans un filet, ne manquent que les bigoudis. Bon sang mais c'est bien sûr ! ce n'est pas une photo, ma cousine, mais une reconstitution, un collage de photos multiples. On voit d'ailleurs à droite une sorte de grande fracture, qui est la ligne de collage, où les grandes masses ne sont pas jointives. Le montage est donc issu d'un balayage de l'hémisphère Nord par un satellite qui varie chaque fois un peu plus dans sa course. Et ce satellite, ma cousine, n'a pas survolé le Pôle Nord, qui n'était pas sur sa trajectoire. D'où ce trou dans l'image.
En outre, on se demande bien comment et pourquoi Apollo XI, parti de Cap Carnaveral, se serait éloigné pile au-dessus du Pôle au lieu de suivre la trajectoire courbe imposée par les lois de la balistique. La Lune serait-elle donc à l'aplomb du Pôle Nord ? Voilà une grande perturbation des lois de la gravitation, où je sens même comme une vergence dans la Force, Maître Ioda.

Et puis, quoi ? En 1969, les astronautes auraient-ils oublié leurs pellicules couleur, grâce auxquelles je conserve pourtant de superbes diapositives de leur expédition ? Voici à droite une photo authentique prise par Apollo 11. Le module n'est pas à l'aplomb du Pôle, la Terre est vue par le côté, et aucun gouffre ne se dessine.

En fait, en fait, mes enfants, cette histoire ne date pas d'avant-hier au soir. Figurez-vous que la notion de mondes souterrains se trouve dans nombre de mythologies et croyances religieuses depuis l'Antiquité. Plus tard, en 1692, l'astronome Edmond Halley élabora une théorie dont il pensait qu'elle expliquait des irrégularités magnétiques ainsi que les aurores boréales. Mais surtout, c'est John Cleves Symmes qui, en 1818, en reprit et développa l'idée, celle de sphères concentriques, avec des ouvertures de 2300 km de circonférence au niveau des pôles. Coup de chance, il mourut en 1829 avant d'avoir pu mener une expédition de vérification au Pôle Nord, sans quoi il serait mort de froid et de ridicule. L'idée fut exploitée ensuite par d'autres, au XIXème siècle, puis au XXème, comme Marshall Gardner, qui ajouta un soleil intérieur pour faire joli.
Alors, évidemment, quand on construit ainsi un monde secret, il ne faut pas que ce soit pour des prunes, hein ? Bien sûr ce monde est habité, vous vous en seriez douté. D'aucuns y ont placé la très mystérieuse Agartha. Puis quand la mode des OVNI fut venue, il devint évident qu'ils devaient y entrer et en sortir. Ce monde souterrain abrite donc des êtres supérieurs, qui nous observent, nous influencent certainement, nous laissent parfois des messages cryptés mais déchiffrables, etc. Même Hitler se serait fait avoir, paraît-il.

Si vous fouillez sur Internet, vous pourrez trouver des documents de quelqu'un qui se fait appeler Olivier de Rouvroy comme moi je me fais appeler Antoine de Saint-Bernard (c'est plus classe). Rouvroy est un petit patelin près de chez moi, qui n'a rien de glorieux, et où personne ne connaît le prophète. Le cher Olivier nous révèle que ces cavités, reliées à un océan central par de vastes tunnels, sont habitées, entre autres, par ce qu'il appelle la Race Bleue. Bien avant Homo Erectus, de nombreuses civilisations d'outre-espace colonisèrent nos profondeurs. Divers peuples galactiques, venus des Pléiades, du Centaure, de la Lyre, du Bouvier, de Cassiopée, etc., y côtoient des Lémuriens, des Cathariens (tiens, je n'ai pas vu les Atlantes), ainsi que Saint-Jean, Nicolas Flamel ou Jésus himself still alive. Mais les plus importants sont les Grands Gris, très beaux et très bleus, qui sont les Exécuteurs directs de la volonté du Père au sein de notre Univers (je respecte les majuscules de l'auteur).

photo de famille

Ce qui est extrêmement étonnant, vous avouerez, c'est la tout aussi extrême précision donnée par Olivier sur ce monde interdit auquel nul n'a jamais pu avoir accès. Comment sait-il tout cela ? Comment se fait-il que les Grands Bleus ou les Petits Vert-de-Gris ne lui aient pas encore fait la peau pour avoir révélé au monde entier leur existence et leurs secrets ? Quelles forces le protègent, plus puissantes que celles de l'élite de la galaxie ?

*Accessoirement, je rappellerai à Olivier, à ses confrères, aux astrologues aussi, que les Pléiades, la Lyre, Cassiopée, etc., ne sont pas des étoiles, mais des constellations. Qu'est-ce qu'une constellation ? C'est une figure qui se dessine pour nous sur une voûte céleste considérée comme une surface en 2 dimensions (une cloche, une coupole), à partir d'étoiles située dans un univers en 3 dimensions. De ces étoiles, l'une peut se trouver à 10 années-lumière, une autre à 150, une 3ème à 3000, et ainsi de suite. Une constellation n'est pas un ensemble cohérent, mais une illusion d'optique, qui ne vaut que pour nous, les observateurs. Déplacez-vous dans la galaxie, et la figure se déforme puis disparaît.

Le phénomène de la croyance est classique. D'abord, vous acceptez l'idée de base, les Pôles n'ont jamais été découverts. Si vous mordez à l'hameçon, vous êtes piégé, vous ingurgitez tout le reste. C'est le phénomène de ce qu'on appelle la théorie du complot, qui demande une bonne dose d'ignorance et de crédulité. Dès lors, tout le monde est complice, en premier lieu les scientifiques et les militaires, toutes les autorités se liguent pour interdire au peuple fragile l'accès au redoutable secret. Seul le gourou peut vous mettre dans la confidence, généralement moyennant finance (ne serait-ce que l'achat de ses livres).

A vrai dire, autre phénomène classique, les livres qui sont écrits à la suite de la première révélation n'apportent aucune recherche supplémentaire, aucune vérification, ils se contentent de se nourrir de l'original pour développer la fable. C'est ainsi que Charles Berlitz a inventé l'affaire du Triangle des Bermudes à partir de données truquées, et tous les autres ont recopié et imité.