La fin du monde

 

La fin du monde du 21 décembre 2012, comme celle du 11 novembre 2011 à 11h 11mn, n'a pas eu lieu ! Quoi ? Vous êtes déçu ?...

Le 11-11-2011, à 11h 11, j'ai, comme tout le monde, attendu vainement la fin du monde prévue par des numérologistes distingués, avec le retour promis de Lucifer et des anges déchus (z'ont pas peur de se ridiculiser sur Youtube devant le monde entier !).
La plupart de leurs confrères situaient cependant l'épisode ultime soit le 12-12-2012, à 12h 12, soit plutôt, se fiant aux Mayas, le 21-12-2012, même heure, à moins que ce ne soit à 21h 12, ce qui semblerait plus logique. Là encore, j'ai attendu vainement en me passant un film catastrophe pour me faire patienter.
Je ferai remarquer à tous ces honorable savants qu'ils font une erreur de calcul digne d'un cancre de CE2 : la fin du monde ne peut intervenir que le 21-12-
2112, à 21h 12 exactement, en fonction de la concordance intégrale des chiffres inversés, si vous voyez ce que je veux dire.
Ce qui nous laisse encore un siècle de sursis.
On notera pourtant que le monde a déjà connu une fin du monde ratée : celle du 11 novembre 1111, à 11h 11 précises. On se demande quel est le grain de sable qui a grippé le rouage.

    A vrai dire, il faut rappeler que l'an 1 n'a été décrété qu'en l'an 525.
    Je vois que vous ne saisissez pas.
    C'est au VIème siècle de notre ère, dite
    Ere commune, qu'un certain Denys le Petit - Dionysius Exiguus (sic), suite à ses calculs perso sur son boulier domestique, a fixé une date de la naissance du Christ fondée sur l'Evangile de Luc, l'un des 4 évangiles conservés sur 70 existants, et décrétés canoniques. Jusque là, personne ne se souciait réellement de savoir en quelle année on était, sinon en l'an 5 de tel souverain, par exemple. Ce nouveau mode de datation ne sera généralisé que sous Charlemagne, sous l'influence d'un moine anglo-saxon appelé Bède le Vénérable, soit près de trois siècles plus tard. Mais le commun des mortels resta dans l'ignorance, et l'an 1000 passa entièrement inaperçu (caramba ! encore une fin du monde ratée !).
    A noter que la datation du père Denys comporte quelques lacunes :
    1) La date de naissance du Christ est une pure spéculation, étant donné l'absence totale de témoignages, tous les prétendus témoignages (ex : Flavius Josèphe) s'étant révélés être des faux réalisés entre le Vème et le XIIIème siècle. Les Evangiles, pour ceux qui leur donnent foi, balancent entre l'an -2 et l'an 4, en fonction des personnages publics cités, Denys a fait une moyenne.
    2) Au temps du père Denys, on ne connaissait pas encore le zéro. L'Ere Commune, dite
    Ere Chrétienne en Occident, commence donc directement en l'an 1, et l'année précédente est l'année -1, ce qui peut surprendre plus d'un mathématicien, et pose un sacré problème aux historiens, préhistoriens, géologues et astronomes. On obtient ainsi l'équation : 1 - 1 = -1 au lieu de 1 - 1 = 0. Vous tâcherez d'expliquer ça au cancre de CE2 cité plus haut, qui va en déduire que 1 = 0, ce qui bouleverse l'informatique.

* * *

Toutes les mythologies ont essayé de décrire ce qui aurait pu être le début du monde ; parallèlement, elles ont imaginé ce qui pourrait en être la fin. C'est normal : ce qui commence doit finir un jour, c'est ce que je me dis chaque fois que j'entame une bouteille d'apéro, heureusement je sais que j'en ai une autre à la cave.

La cosmologie évoque un Big Bang, une singularité initiale, calculée selon les équations gravitationnelles d'Einstein, le grand Tout étant réduit à l'origine en un point d'une densité et d'une énergie infinies. Puis l'univers a commencé son expansion, faisant naître à la fois l'espace et le temps, et l'énergie se transformant en matière. Il ne s'agit pas d'une explosion dans un vide préalable : l'espace n'existe pas auparavant ; l'espace, c'est l'univers, et il se forme avec lui, ainsi que le temps, qui n'en est qu'une des dimensions. J'ajoute que les lois physiques, qui paraissent universelles, dépendent de l'état initial de l'univers. Cette naissance n'est pas une création ex nihilo, c'est une expansion, une évolution. La physique quantique nuance ce scénario, je vais y revenir.
A l'autre bout, les cosmologistes émettent des hypothèses sur la fin de notre univers : expansion continue, avec refroidissement progressif, jusqu'à la dispersion des moindres particules avec évaporation même des trous noirs, c'est le
Big Chill (grand froid) ; ou bien Big Crunch, ralentissement de l'expansion, inversion, contraction jusqu'à l'écrasement, avant, sans doute, un nouveau Big Bang suivi lui-même de... ; ou encore, le Big Rip, la grande déchirure, l'univers se désintégrant brutalement en une soupe de particules subatomiques. Rien ne se passera sans doute avant des milliards de milliards d'années, nous avons le temps de voir la fin du match à la télé.
Oui, mais...
Les théories les plus récentes, sans nier le Big Bang, remettent sérieusement en cause sa possibilité réelle. A partir d'un certain niveau de concentration, ce ne sont plus les lois de la gravitation qui l'emportent, celles de la physique quantique prennent le relai. La densité infinie avec chaleur infinie est impossible. Le point zéro n'existe pas.
Les observations des dernières années montrent un univers en expansion accélérée sous l'influence d'une énergie encore inconnue. Le
Big Crunch n'arrivera pas, mais le Big Chill et le Big Rip restent possibles je vais y revenir.
Tout récemment, suite à la découverte du Boson de Higgs et à son calibrage, un autre scénario est né. Il montre que l'univers est dans un état dit métastable, ni stable ni instable, comme une bille coincée dans un creux sur le versant d'une montagne. Ce versant, c'est le vide, ou plutôt son état. S'il était stable, il serait immuable ; instable, tout s'effondrerait. Métastable, il subsiste tant qu'une profonde fluctuation ne le remue pas. Car les fluctuations existent, mais infinitésimales : dans le vide complet, des particules apparaissent mystérieusement et disparaissent, le vide n'est pas vide... Un jour, une grosse fluctuation le fera basculer et s'effondrer instantanément dans une autre dimension, et l'univers avec lui. Cela engendrera peut-être un autre univers, avec des lois différentes, un temps différent, etc.
La physique quantique autorise l'existence de bulles d'univers, dans lesquelles régneraient des lois physiques différentes, des constantes différentes. Il existe peut-être une infinité d'univers différents dans des dimensions différentes, l'ensemble n'ayant ni début ni fin.

Actualisation septembre 2017 : les dernières mesures de l'expansion de l'Univers donnent un nouveau frisson.
Ces mesures indiquent que l'Univers s'étend un peu plus vite que prévu. Et cette petite différence remet sur le devant de la scène l'hypothèse violente du Grand Déchirement. En même temps, les calculs en rapprochent drastiquement la date, soit dans 20 milliards d'années à peine (vous me direz...).
La force inconnue qui dilate l'Univers, dite Energie Noire, prend le pas sur la Gravitation, qui est aujourd'hui dominante. Les amas de galaxies s'éloignent les uns des autres, puis se disloquent. Puis c'est le tour des galaxies, dont les étoiles se dispersent. Quelques années avant la fin, les étoiles perdent leurs planètes, tous les astres errent isolés. Puis, au sein des astres, la gravitation faiblit, ce qui les réduit en poussières en quelques minutes, une heure avant la fin. Ces poussières se dispersent instantanément dans un univers devenu obscur. Dans la dernière seconde, la force d'expansion réduit les poussières en atomes, puis brise les forces qui lient les constituants. Aucune particule ne survit, pas même un photon. A l'instant zéro final, l'Univers est totalement vide et sa vitesse d'expansion est infinie. Le temps s'arrête. Joyeux, hein ?

    Voilà pour les amateurs de cosmologie. Oui, mais, direz-vous, ce qui m'intéresse, c'est MOI. Qu'est-ce qui va se passer pour MOI ?
    Je vous répondrai : pour moi, le début de l'univers, c'est ma naissance, ou du moins le premier éclair de conscience dans le fœtus que je fus. La fin du monde se produira quand mon cœur cessera de battre et que mon cerveau s'embrumera. Essayez un peu de me contredire là-dessus.
    Cela étant, on peut essayer d'imaginer la fin de notre monde familier.

Les catastrophes planétaires brutales sont possibles : un astéroïde d'une dizaine de kilomètres de diamètre nous infligerait un sort semblable à celui des dinosaures il y a 65 millions d'années. Cependant, les oiseaux actuels sont les descendants des dinosaures, ce qui laisse un léger espoir : pour ma part, je crois ardemment en l'avenir de nos amis les rats.
Sans attendre les astéroïdes ravageurs, nous sommes en train de vivre une catastrophe lente, de moins en moins lente, dont voici les ingrédients :
L'accumulation du CO
2 par combustion des carburants fossiles (pétrole, charbon, gaz de schistes...) élève irrésistiblement la température globale de la planète. L'océan s'asphyxie. La banquise du Pôle Nord sera fondue, en été, dans quelques années ; il y a quelque temps, les prévisions plaçaient cet événement à la fin du siècle ! Une grande plaque réfléchissante disparaissant, voilà un grand coup de booster au réchauffement, qui s'accélère puissamment. Viendront ensuite le Groënland, puis le Pôle Sud. Chaque zone libérée des glaces devient un nouveau champ qui sera exploité industriellement, jusquà épuisement final. Dans les régions qui se dégèlent, le méthane contenu dans le sous-sol s'échappe, kilomètres cubes d'un gaz à effet de serre 23 fois plus puissant que le gaz carbonique. Or, les quantités de glace de méthane stockées jusqu'à présent au fond de l'Arctique sont bien supérieures à la totalité du carbone contenu dans les réserves mondiales de charbon, charbon lui-même bien plus abondant que le pétrole... Montée des océans, désertifications... nous allons vite être grillés et/ou inondés. L'étude des glaces australes accumulées sur 800 000 ans montre le rapport indéniable entre réchauffement et accumulation de CO2 + méthane, il n'y a que Claude Allègre pour nier l'évidence, comme il en a toujours fait profession.
Jamais l'humanité n'a manifesté une solidarité d'espèce. Les privilégiés ont toujours conservé égoïstement leurs privilèges. Des nations s'effondreront, les guerres se multiplieront. Les empires se sont toujours maintenus et étendus par l'écrasement des faibles ; aujourd'hui, les empires sont : les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde. Personne n'aura envie d'arrêter son développement pour sauver l'espèce humaine, autant demander à Monsanto de tout faire pour préserver les espèces naturelles. Dans les nations, ceux qui auront amassé une fortune feront tout pour se protéger, en sacrifiant les faibles. Mais à terme, nul ne reste riche s'il n'y a pas une nuée de pauvres à exploiter.
Les ressources de toutes sortes s'épuisent, les prix flambent, les révoltes de la faim se multiplient, les mafias profitent de toutes les pénuries. Au milieu du siècle, il pourrait bien ne plus y avoir de poissons dans l'océan. Les disparitions d'espèces s'accélèrent, c'est la sixième grande extinction sur notre planète, extinction qui peut être grandement favorisée par le développement des OGM. Rassurons-nous, les rats, les fourmis et les cafards sont extrêmement résistants, et remarquablement organisés ; ce seront les nouveaux maîtres.

    Quelques propositions pour ralentir la catastrophe en marche :
     La seule énergie propre, idéale, c'est
    l'électricité. Plus exactement, c'est une énergie secondaire, ou un vecteur d'énergie. Il faut absolument l'utiliser à grande échelle. Le problème, c'est le stockage. L'invention de batteries fiables, durables et puissantes permettrait de remplacer tous les moteurs thermiques par des moteurs électriques, ce qui pourrait d'ailleurs être fait autoritairement (note : la voiture électrique est parfaitement au point depuis les années 1990, et elle a failli vaincre la voiture à pétrole à la fin du XIXème, mais les pétroliers ont acheté tous les brevets afin de les enterrer). On verrait alors disparaître cette aberration écologique qu'est le diesel, la pollution afférante, les maladies respiratoires, une partie des cancers, d'où l'amélioration franche des comptes de la sécu...
     Oui, mais en amont, il est indispensable de produire l'électricité en masse, et proprement. Les solutions existent, il faut investir massivement, en diversifiant. Les éoliennes ne sont qu'une roue de secours, irrégulières, moyennement rentables, et en plus dangereuses pour les oiseaux et les chauves-souris. Les
    hydroliennes, qui récupèrent la force des marées, sont bien plus puissantes et régulières, et peuvent être installées au bord de nombreuses côtes. La géothermie pourrait être nettement plus développée. Et le solaire : le solaire brut, par transformation de la chaleur en électricité au moyen de turbines à vapeur ; la technique a progressé, et le développement ferait fortement baisser le coût ; en couvrant 1% de la surface des déserts, on assure les besoins de la planète ; la plupart des pays pauvres disposent d'une ressource solaire considérable, et pourraient devenir riches, à condition que les dirigeants corrompus acceptent de partager. Bien sûr, on continuera la recherche sur le photovoltaïque, dont le rendement pourrait monter à 80%, pour peu qu'on investisse dans ladite recherche, avec une chute des prix grâce à des matériaux biologiques. A terme, le thermonucléaire viendra assurer une énergie illimitée, si nous sommes toujours vivants. Le nucléaire devra être abandonné, car nos centrales vieillissantes commencent à devenir dangereuses ; mais il faudra rendre les déchets inoffensifs, ou les larguer en direction du soleil (euh... non, ça coûterait cher, et si la fusée explose à l'allumage...). Je n'ai pas dit les enterrer en Afrique, hein !
     Pourquoi l'Europe a-t-elle peur de froisser la Russie (voir la guerre de Géorgie) ? Parce que celle-ci pourrait nous couper le gaz. Solution : développer à grande échelle la méthanisation des déchets biologiques. La France est un grand pays d'agriculture et d'élevage, il y a de la matière, si je puis dire. Et savez-vous qu'une vache éructe 1000 litres de méthane par jour ? Mangez du poulet, c'est plus propre !
     Bien sûr, recyclage, recyclage, recyclage...
    Voilà probablement quelques portes ouvertes que j'enfonce, histoire de planter à mon tour le clou du bon sens dans le mur de l'insouciance.
    La planète devrait d'ores et déjà se trouver en situation de mobilisation générale, si nous voulons que nos petits-enfants survivent. Avez-vous entendu sonner le clairon ? Moi, pas.

Sinon, il y a des solutions plus expéditives.