COURRIER DU COEUR
par
Bernadette Saint-Antoine
Mme
Zélie-Marie-Ernestine Branchedure nous écrit de Vieuxcarreau-sur-Scarpe : J'ai
un mari qui, malgré ses 75 ans bien comptés, continue
à courir après toutes les jeunes filles qu'il rencontre,
comme s'il avait encore 20 ans ! Que puis-je faire ?
Réponse
de Bernadette Saint-Antoine : Chère
Madame, ne faites rien. J'ai un chien qui, depuis des années,
s'obstine à courir après toutes les voitures qui passent ;
je ne l'ai jamais vu en rattraper une.
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De
Mme Léonie Pailledefer, à Fondutrou : Chère Bernadette,
je suis bouleversée par ce qui vient de m'arriver. Hier matin,
je m'apprête à mettre le lave-vaisselle en marche,
et je m'aperçois qu'il ne fonctionne plus. Je constate alors
que la résistance est complètement rongée.
Je cours donc au magasin d'électro-ménager de Marguerite
Lepoivre, qui est une amie d'enfance. Et là, quand j'arrive,
je vois Albert, mon mari, qui sort de l'arrière-boutique
en tenant étroitement Marguerite par la taille, avec encore
du rouge à lèvres sur la bouche. Je suis effondrée.
Que dois-je faire ?
Réponse
de Bernadette Saint-Antoine : Chère Léonie,
vous êtes d'une totale inconscience. Vous n'avez su ni prendre
les précautions d'usage, ni voir les signes annonciateurs.
Les précautions, c'est l'utilisation d'une lessive anti-calcaire,
ou d'un produit détartrant à intervalles réguliers ;
les signes, c'est la vaisselle qui ressort toute blanche après
lavage. A présent, vous allez devoir faire changer la résistance,
mais vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-même,
hein !
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De Stéphanie
X., à Wassinghem : Chère Bernadette,
j'ai 13 ans et demi, et j'aime un garçon qui est beaucoup
plus jeune que moi, puisqu'il n'en a que 12. Comme nous pensons
nous marier, croyez-vous que la différence d'âge soit
un obstacle dans le ménage ? En outre, il hésite
encore entre le métier d'ingénieur atomiste et celui
de grand reporter spécialisé dans les faits divers.
Comme je prépare des études d'hôtesse de l'air,
pensez-vous que nos métiers pourront s'accorder, et que nous
aurons encore le temps de sortir danser ? Enfin, pensez-vous
qu'avoir des enfants soit un obstacle à l'amour ? Lui,
il en voudrait 10, mais moi je n'en veux pas, par expérience,
parce que j'ai une petite sœur qui est une vraie peste. Répondez-moi
vite, avant que je fasse des bêtises.
Réponse
de Bernadette Saint-Antoine : Chère
Stéphanie, je ne vous donnerai qu'un conseil : songez
que l'amour est une chose sérieuse. Ne vous engagez donc
pas à la légère. Il faut que vous soyez sûre
des sentiments de votre fiancé. Aussi, posez-lui franchement
la question de confiance. Sachez qu'une explication noir sur blanc,
cartes sur table, à cœur ouvert, est le meilleur moyen d'asseoir
la confiance sur le siège de votre ménage. Il vaut
toujours mieux mettre de l'eau dans son vin pour éviter de
jeter de l'huile sur le feu.
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De Hortense
de Bellegarde Saint-Joseph, à Villeneuve-la-Vieille-sur-Escarpolette,
principauté de Monaco : Chère Bernadette,
je vous écrit cause que j'ai des problème que je conprent
pas pourquoi qui marrives. C'est pas que je m'émotionne pour
un rien, mais c'est tous le temps quequchose qui faut pas, qui me
tombe dessusse quand qui faut pas. D'abord, ya mon mari qu'est
partit avec une belge. Il a descendu chercher des allumette au bistreau,
et il est pas revenu, ça fait huit jour. C'est pas une perte,
vu qui était tous le temps rond comme un manche de pelle.
Dailleur, les manche de pelle, lui, y s'en servais surtout pour
s'appuiller dessusse. Dans le boulot, y faut que je fait gaffe
à travailler correct, passque ça descend plutôt
sec au chômage. Ya 15 ans que je suis dans la sécuritée
social, et maintenant mon patron y veut me faire sortir de la caisse.
Il dit que je tape pas droit sur ma machine, et que c'est pour ça
que ça tourne pas rond. Il dit aussi que je suis une inutile ;
mais là, il charrie, passque mon patron, il a une mémoire
comme un pannier à salade, et c'est tous le temps moi qui
lui dit quoi qui faut qui fait. Et pis, y sait pas qu'est-ce
qui veut. Y m'dit de m'occuper de ses dossiers, mais ça c'est
pas mon boulot, je suis pas rempailleuse de chaise. Alors, je me
demande si c'est pas pour mes beaux yeux qui m'a engagé.
Mais ça m'étonnerais, passque j'ai des lunette. Qu'est-ce
qui faut que je fait ?
Réponse
de Bernadette Saint-Antoine : Chère
Hortense, votre problème est un problème relationnel.
C'est une simple question de rapports humains, mais je crois que
vous ne savez pas mettre en valeur tous vos atouts. Il est, je pense,
essentiel que vous preniez pleinement conscience de votre féminité
et du pouvoir que cela peut vous donner, même involontairement,
sur les hommes. La solution est simple ; elle se résume
à quelques détails qui sont en fait fondamentaux.
Achetez une nouvelle robe. Si vous êtes un peu forte, ne la
choisissez pas trop large de la taille. Changez de lunettes. Passez
chez votre coiffeuse : une mise en plis, une teinture avec
quelques reflets dorés peut métamorphoser complètement
votre personnalité. Soulignez vos yeux d'une légère
ombre bleue, et renforcez vos sourcils d'un trait de crayon noir,
qui vous rendra le regard plus profond, plus envoûtant. Et
puis, ne regardez pas les hommes : attendez qu'ils vous regardent.
Vous verrez qu'ils seront bientôt tous à vos pieds.
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De
Hippolyte Truchemou, à Trolencourt-Neuville-sur-Deûle : Chère Bernadette,
je ne voudrais pas faire pleurer vos auditeurs en racontant ma vie,
mais il faut que je vous explique ma situation pour que vous puissiez
me conseiller. Sachez d'abord que j'ai eu une enfance très
malheureuse : ma mère est morte en me mettant au monde,
et mon père a été tué dans un accident
de chemin de fer alors que je n'avais que cinq ans. J'ai donc été
élevé par une tante tyrannique qui me donnait des
fessées en prévision des bêtises que j'aurais
pu faire, et qui m'enfermait dans le placard à balais quand
elle sortait faire les courses. A dix ans, j'ai été
mis en pension, où j'ai été pendant six ans
le souffre-douleur de mes camarades et de mes professeurs. En effet,
parce que je m'appelais Hippolyte, tout le monde croyait que j'étais
hypocrite. Aujourd'hui, je suis majeur. J'avais trouvé
un travail chez un boulanger, mais j'ai été renvoyé
à la suite d'une lettre anonyme qui m'accusait de jeter des
mégots et des souris mortes dans le pétrin. Il
y a 15 jours, j'ai voulu accrocher un cadre chez moi. Mais en essayant
de planter le clou, je me suis écrasé un doigt avec
le marteau. Le cadre est tombé, et la glace en se brisant
m'a coupé au pied droit, pendant que le marteau m'écrasait
l'autre pied. Puis, l'ambulance qui me transportait à l'hôpital
a eu un accident, et j'ai eu un bras cassé. Pendant ce temps,
comme j'avais oublié la friteuse sur mon réchaud à
gaz, la graisse a pris feu, et elle a mis le feu à tout l'appartement,
puis à tout l'immeuble. Je dois vous dire que je ne
suis pas assuré, car étant au chômage, je n'avais
pas pu renouveler mon assurance. Je vous écris depuis l'hôpital,
mais le juge d'instruction attend que j'en sorte pour me mettre
en prison. Que dois-je faire ?
Réponse
de Bernadette Saint-Antoine : Cher
Hippolyte, vous avez un gros défaut, c'est de vous laisser
aller trop facilement au découragement. Bien sûr, vous
avez des soucis, mais qui n'a pas ses petites misères ?
Et celui qui ne les a pas, il les attend. Aussi, un conseil :
ne vous laissez pas abattre. Dites-vous bien qu'il y a plus malheureux
que vous, et que tout cela finira par s'arranger. Et puis, prenez
la vie du bon côté, que diable! Il y a tant de belles
choses autour de vous, il suffit de les voir !
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