page précédente

Introduction / I - Les dérivations / II - Les compositions / III - Procédés non classiques / Exercices

III - PROCÉDÉS NON CLASSIQUES

Certaines formations de mots peuvent être considérées comme accessoires, soit parce qu'elles sont rares, soit parce qu'elles sont simples, voire simplistes, ou qu'elles ne suivent pas les règles fondamentales de la formation d'un mot à partir d'éléments lexicaux déjà existants, règles qui permettent une richesse pratiquement infinie de création.

 

L'onomatopée, c'est l'imitation d'un son : C'est un procédé qu'on peut qualifier de primitif, pas si rare qu'on le croit pourtant.

Il s'agit là de la création la plus primitive, susceptible de nous faire remonter à la préhistoire. Beaucoup de nos onomatopées remontent d'ailleurs au latin (où murmur évoquait un fracas), au grec (où la grenouille faisait déjà koax), voire à l'indoeuropéen (où le tonnerre évoquait le bruit de la corde tendue de l'arc). Elle est aussi remarquable dans le langage, car c'est la seule formation où l'on puisse dire que les signes sont motivés et non arbitraires (malgré l'opinion de Saussure), c'est-à-dire que les mots sont en liaison avec une réalité, alors que tous les autres mots ne sont en liaison qu'avec le système de la langue elle-même. Bien sûr, cela n'est possible que dans le domaine auditif : comment représenter auditivement une image, ou une abstraction ? A la rigueur, piquer, picoter font image, en associant des sensations. On peut rajouter des termes abstraits et pourtant imitatifs, comme l'adjectif gnangnan, dont le féminin est problématique...

Les onomatopées se multiplient dans la langue des enfants ; certains élèves peu littéraires, médiocres lecteurs, mais téléspectateurs assidus, écriront en rédaction :

« Un grand boum retentit alors dans la rue. » (Ils ne connaissent pas explosion, détonation, déflagration...)

Une mère a dit à son fils : « Tu t'es fait aïe ? ».

 

Le terme « mot-valise » est une traduction - assez peu heureuse - de l'anglais portmanteau word, inventé par Lewis Caroll pour désigner certains mots composés nouveaux (ou nouvellement étudiés) qui se replient comme s'ils étaient rangés dans ces grosses malles de voyage qu'on appelait autrefois en anglais des porte-manteaux, où l'on empilait puis repliait les vêtements.

C'est un procédé assez peu fréquent, marqué par une intention, souvent humoristique ou satirique, qui consiste à prendre le début d'un mot et le coller à la fin d'un autre, d'autant plus facilement qu'ils contiennent une syllabe commune, ou même une seule lettre, à la soudure. Un élément est souvent retranché, à la fin du premier ou au début du second.

 

L'abréviation consiste à tronquer un mot, en n'en gardant que le début ou la fin (pas de règle véritable), tout en conservant en principe le sens de l'ensemble.

C'est un procédé économique pour la mémoire, courant dans la langue familière, surtout quand un mot est long et compliqué (savant). Ainsi, qui dit encore le cinématographe, un stylographe, un vélocipède, une automobile, un pneumatique, un autobus, du supercarburant, regarder la télévision, passer son baccalauréat, faire des photographies... ? Ou bien le chemin de fer métropolitain de Paris (métro) ? On dit aussi un prof, aller à la fac, aller à une manif, se coucher à deux heures du mat'...

La langue a développé dans les abréviations un pseudo-suffixe populaire -o : un mécano (mécanicien), un prolo (prolétaire), un apéro (apéritif), aller à l'hosto (hôpital)... ; on a aussi un polar, le cinoche...

Quand on analyse un peu en finesse, on s'aperçoit que la connotation du mot abrégé n'est pas forcément identique à celle du mot complet (l'hôpital / l'hosto), et qu'on aboutit même parfois à un sens différent, spécialisé :

Les abréviations entrent dans l'usage comme des mots à part entière, et permettent des composés (pourquoi pas des dérivés ?) :

 

Les sigles sont formés de lettres initiales, utilisées en majuscules, en principe suivies d'un point, que l'on oublie souvent. Ils peuvent appartenir à la langue courante ou aux langages spécialisés. Ils se multiplient aujourd'hui à grande vitesse, et on a parfois du mal à les comprendre si on n'est pas initié : les O.G.M. (Organismes Génétiquement Modifiés) / les D.I.B. (Déchets Industriels Banals), etc.

Quand ils sont bien passés dans les moeurs, ils deviennent de véritables mots, généralement noms communs, et cela d'autant plus qu'on a cherché à les rendre prononçables comme des mots normaux (C.I.E.L. = Centre International d'Etude des Langues) ; souvent, on est incapable de reconstituer la locution entière (radar, laser). Ils deviennent susceptibles de prendre des suffixes de noms, voire de verbes, d'adjectifs, d'adverbes, donc de former des dérivés :

Un anti-cégétiste pourrait dire qu'il faut décégétiser, un pro-cégétiste qu'il faut recégétiser... ; on peut inventer onusiennement parlant, etc.

Quand la sonorité des sigles s'y prête, on peut créer nombre de nouveaux mots par dérivation.

 

L'emprunt aux langues étrangères n'est pas un procédé nouveau, loin de là : à toutes les époques, toutes les langues ont toujours enrichi leur lexique par des emprunts à des langues culturellement influentes ; aujourd'hui, c'est surtout l'anglo-saxon qui domine, mais ce n'est historiquement qu'un prêté pour un rendu.

Au départ, un emprunt est souvent un xénisme : un mot étranger utilisé pour désigner une réalité étrangère (un goulag)

La particularité de l'emprunt, c'est qu'il ne se fonde pas sur des éléments préexistants dans la langue ; les mots étrangers s'intègrent dans la langue comme des mots isolés, avec ou sans adaptation phonétique ou orthographique (riding coat > redingote ; mais week-end reste inchangé). Les emprunts dépendent énormément de la situation (culturelle, politique...). Ils correspondent à des domaines où le français ne possède pas de formes appropriées, pour désigner des réalités nouvelles : jazz, rock, football... Parfois, une réaction aboutit à une francisation : walkman > baladeur (terme lancé par la FNAC).

On pourrait rajouter qu'il existe aussi des emprunts de sens, comme pour challenge (passé de « compétition sportive » à « défi »), réaliser (« effectuer » > « constater la réalité »), excitant (exciting = « passionnant »)... Voire des emprunts de syntaxe : considérer utilisé sans comme : On considère le mark la monnaie la plus stable de l'Europe (lu dans un journal d'enseignants !)

Dans le vocabulaire sportif, invincible signifie « invaincu », et l'invincibilité d'une équipe, c'est son caractère invaincu, depuis... 3 ou 4 semaines ?? De même, ou pire : l'adversité a progressé (authentique) ne nous plonge pas dans les affres de la tragédie antique, mais signifie que l'adversaire a progressé ! Ce sont là d'amusants enprunts à l'intérieur de la même langue, comme si elle fonctionnait comme une langue étrangère...

Bref, les procédés de création de mots nouveaux, les néologismes (la néologie), sont multiples. Et les créations sont nombreuses : chaque année, l'Institut National de la Propriété Industrielle examine 45 000 mots nouveaux dont les inventeurs voudraient qu'on leur garantisse l'exclusivité d'emploi !

Exemples :

Page d'accueil de Linguistique