Introduction / I - Les dérivations / II - Les compositions / III - Procédés non classiques / Exercices
I - LES DÉRIVATIONS
1) La dérivation (proprement dite)
Un mot dérivé est formé par l'adjonction d'un ou plusieurs affixes (préfixes ou suffixes, soudés) à un morphème lexical appelé base ; la base ultime, minimale est appelée radical. Rappel : préfixe au début, suffixe à la fin ! Les désinences (pluriel, féminin...) ne sont pas des affixes, et ne participent pas à la dérivation, à l'exception des désinences verbales d'infinitif.
Notons que certains ouvrages comptent environ 260 préfixes et 175 suffixes en français ! A vrai dire, certains éléments relevés dans ces listes relèvent plutôt de la composition savante, même s'ils tendent à fonctionner comme préfixes ou suffixes (comme anti).
Toutes les combinaisons sont possibles :
La base peut être assez diverse. Dans un certain nombre de cas, elle est facilement identifiable : fierté (nc) vient de fier (adj). Dans d'autres cas, c'est plus flou : danseur (nc) vient-il de danser (v) ou de danse (nc) ? Le danseur est celui qui danse ; la danse est le fait de danser ; le verbe a donné un nom par dérivation, l'autre par dérivation inverse (voir plus loin), mais cela ne saute pas aux yeux.
On peut former des mots sur des bases étrangères : débriefer (questionner au retour d'une mission) vient du nom un briefing (une réunion d'information avant une mission). Ou sur des sigles : CAPES > capésien ; SMIC > smicard ; sida (SIDA) > sidéen. Ou sur des constructions syntaxiques entières : le je-m'en-foutisme ; un jusqu'au-boutiste.
Quand la base est une racine latine, on peut parler de dérivation savante, mais il faut vérifier si on n'est pas plutôt dans la composition savante, ou l'emprunt pur et simple au latin, comme dans putréfaction (qui a remplacé pourrisson).
L'étude d'un mot dérivé, méthode :
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Sur
le plan morphologique : un préfixe est forcément invariable,
mais on signalera, comme précisé ci-dessus, les changements éventuels, telle la modification de
in- devant certaines consonnes : illisible, irrésistible.
Variantes : mangeable / possible / soluble (= même suffixe,
3 allomorphes : notion de capacité). De même coopérer
/ concourir / commémorer (de cum : simultanéité,
= « ensemble ») ; examen > examiner (ajout d'une
désinence verbale d'infinitif, qui se comporte comme un suffixe verbal niveau
zéro ; modification
de l'orthographe et de la prononciation : -en (prononcé « in »)
> in (prononcé i + n ; conformément à
la prononciation : fin > finir). Une personne (nc) > personnel (+ suffixe
d'adjectif) > personnaliser (+ désinence minimale de verbe ;
changement phonétique et orthographique) > dépersonnaliser
(+ préfixe exprimant un éloignement ou un contraire, dans le sens
de « défaire ce qui a été
fait »).
Le suffixe est variable selon la catégorie obtenue : un suffixe d'adjectif entraînera une variabilité en genre et nombre, et un nom variera simplement en nombre ; un suffixe d'adverbe (-ment / -ons) entraînera une invariabilité.
Le suffixe est toujours collé au mot de base, alors que certains préfixes peuvent posséder un reste d'autonomie, qui se manifeste par exemple par un trait d'union ou une apostrophe : le suréquipement / le sous-équipement / entr'ouvrir ou entrouvrir. En particulier, les préfixes qui viennent de prépositions ne sont pas toujours collés (entre, sous, contre).
Sur le plan
sémantique, les préfixes et les suffixes ont le même
effet : apporter une modification de sens par rapport à la base.
Dans l'étude d'un mot, on précisera quelle est cette modification,
en se méfiant des variantes ou des apparences :
Sur le plan
syntaxique : un suffixe change généralement la catégorie
grammaticale, il sert même à cela, alors qu'un préfixe ne
la change pas. La preuve qu'une désinence (pluriel, féminin, imparfait...)
n'est pas un suffixe, c'est qu'elle sert à confirmer la catégorie
grammaticale, et non à la changer (voir le cours d'orthographe).
Il existe des suffixes de noms (-age, -ure, -aison, -ation, -ment...), d'adjectifs (-able), d'adverbes (-ment), de verbes (-iser, -ifier). Il n'existe pas des préfixes de noms, d'adjectifs, etc. La désinence d'infinitif change évidemment la catégorie, puisqu'elle sert à former un verbe.
Quelques suffixes ne servent pourtant pas à changer la catégorie grammaticale, puisqu'ils s'appuient sur elle : ce sont des diminutifs, ou des suffixes péjoratifs, approximatifs, ou mélioratifs :
On
ne forme pas n'importe quel type de mot sur n'importe quel autre. Ainsi,
il est très rare qu'un nom puisse en donner un autre directement
par suffixation ; il y a généralement une étape
verbale entre les deux, qui ne laisse pas de trace, puisque la désinence
disparaît dans la suffixation suivante (règle > régler
> règlement). Les adverbes en -ment se forment sur
des adjectifs au féminin ; les adjectifs en -able / -ible
/ -uble se forment sur des verbes.
Ne
pas chercher des affixes là où il n'y en a pas :
quel est le préfixe dans enfant ? dans épinard ?
2) La conversion, ou dérivation impropre
C'est un procédé qui porte (portait) aussi les noms de transfert, transposition, translation...
Un mot change de catégorie grammaticale sans changer de forme, c'est très courant, et très économique sur le plan de la langue, très facile à comprendre aussi :
Une blonde ; le vrai et le faux ; le rouge et le noir (adj. > nc)
Méthode :
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Exemples de modifications sémantiques : « une fille blonde » ; « les choses vraies ou fausses » (dans des paroles, des affirmations) ; « la couleur rouge ou noire ».
Exemples de conversions :
Sur le plan de l'orthographe, ces mots peuvent conserver la morphologie de leur catégorie d'origine ; par exemple, on n'écrit pas des sis.
Notes : Pour certaines analyses, en grammaire, il faut penser que tout est a priori possible (bien que tout ne soit pas réellement possible). C'est-à-dire qu'un mot d'une certaine catégorie peut trouver un emploi correspondant à une autre catégorie.
Par exemple, pratiquement n'importe quel élément peut être employé comme nom commun, quand on l'utilise avec un déterminant :
C'est un peu comme si l'on mettait cet élément entre guillemets, comme une citation. Dans un texte imprimé, on l'écrit en italiques.
De la même manière, un nom commun peut avoir exceptionnellement une fonction purement adjectivale, comme l'épithète. C'est le cas des adjectifs de couleur invariables, comme cerise, citron, marron... ; par exemple, ce dernier est bien « senti » comme un adjectif, mais il ne peut pas s'accorder, au moins au féminin (le pluriel en marrons commence à entrer dans les moeurs). On continue à sentir qu'avec cerise ou citron, c'est une comparaison ; avec rose, orange ou marron, on ne le sent plus.
Dès qu'on ne sent plus que ce mot est utilisé comme citation ou comparaison, il est complètement lexicalisé, il a changé de nature, et il tend à prendre la variabilité de sa nouvelle catégorie, quand ça ne pose pas de problème de sonorité ou de sens.
3) La dérivation inverse
Elle consiste à tirer un mot plus simple d'un mot plus long ; dans la pratique, on part souvent d'un verbe, qui donne la notion de base (fait, action), et pour former un nom, on enlève simplement la désinence d'infinitif, en formant ce qu'on appelle alors un déverbal :
Le problème, c'est que cela se situe sur un plan historique, et qu'il est parfois difficile de déterminer si c'est le verbe ou le nom qui est venu en premier. L'étude des définitions permet souvent de conclure : un refus, c'est « le fait de refuser », mais refuser, ce n'est pas « opposer un refus », c'est « ne pas accepter ». Le nom se définit par référence au verbe, et non l'inverse.
Il existe deux adjectifs tirés (au XIIème siècle) de noms communs hérités du latin :
La méthode d'analyse est similaire à la précédente, avec indication de la syllabe retranchée.
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