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Introduction / I - Les dérivations / II - Les compositions / III - Procédés non classiques / Exercices

II - LES COMPOSITIONS

La composition, c'est la juxtaposition de deux éléments (au moins) qui peuvent servir par ailleurs de bases à des dérivés ; c'est-à-dire des éléments qui existent à l'état libre, des mots simples souvent (dans la composition populaire, ordinaire : un bébé-éprouvette) ; ou des éléments qui ne pourraient pas exister en français à l'état libre (ex : radicaux latins ou grecs) mais pourraient engendrer quand même des dérivés (il existe des dérivations savantes, dont le radical est pris sur le latin).

Il se pose un problème concernant les limites de la composition. L'idée qu'on se fait du mot composé est généralement celle de deux mots accolés par un trait d'union ; mais l'usage du trait d'union est assez aléatoire (portefeuille, mais porte-monnaie) ; ce n'est qu'un signe formel, et rien n'autorise à exclure pomme de terre des mots composés. La limite à envisager est celle qui sépare les mots composés des locutions. On considérera comme mots composés toutes les expressions qui fonctionnent comme des mots simples (traduisibles par des mots simples, comme potatoes ou kartoffeln), et sont constituées d'éléments lexicaux les plus fondamentaux (des noms surtout, quelques adjectifs comme aigre-doux, quelques verbes comme tire-bouchonner [ou tirebouchonner]) ; on appellera « locutions » les autres ensembles, qui concernent les autres parties du discours (adverbes, prépositions, conjonctions...).

 

La composition la plus courante associe deux mots (il n'est pas impossible d'en réunir davantage, mais ce n'est pas la tradition française), qui ont une existence autonome par ailleurs en français. Ils peuvent être soudés on non, reliés ou non (par une préposition), ils sont souvent accolés par un trait d'union. Il y a ainsi en français une grande création de noms composés, quelques adjectifs, et quelques verbes, généralement anciens.

Seul l'usage décide si on met un trait d'union ou non, si on colle les mots ou non : un lieu dit / lieu-dit ou lieudit selon les dictionnaires. Les groupes avec préposition ne prennent pas souvent de trait d'union : une salle à manger, un arc de triomphe, mais un arc-en-ciel.

Sur le plan syntaxique, ces expressions fonctionnent comme des mots uniques, avec une seule fonction. On analyse comme « nom commun ». On expliquera la nature grammaticale originelle de chaque élément, voire sa fonction d'origine, et la catégorie à laquelle on aboutit (attention à des mots comme porte ou garde, qui peuvent être noms ou verbes à l'origine). Par exemple : porte-bonheur = verbe + nom COD > 1 nom commun ; un va-et-vient = 2 verbes coordonnés > 1 nom commun.

Sur le plan morphologique, c'est-à-dire celui de l'orthographe, l'accord dépend de l'origine des composants : un passe-partout est invariable (verbe + adverbe). Il dépend aussi du sens : des gratte-ciel (verbe + nom, mais référence au ciel unique). Des choux-fleurs sont des choux qui sont en même temps des fleurs.

Sur le plan sémantique, l'ensemble forme une unité de sens nouvelle, qui dépasse celle des éléments pris isolément. Il s'agit rarement d'une simple addition (par juxtaposition) comme dans député-maire. L'analyse sémantique nécessite une explication, une paraphrase :

On peut être amené à démontrer que certaines expressions où les mots sont détachés fonctionnent comme des mots composés : une pomme de terre - le chemin de fer... On considérera que ce sont des expressions lexicalisées ; on peut conserver cette appellation par prudence si on estime qu'il est abusif de parler de mots composés.

Étant donné que ces éléments sont inscrits dans la mémoire comme des unités, on peut utiliser le critère d'inséparabilité des éléments (les 2èmes noms y sont employés sans déterminant) :

On le vérifie avec les mots composés indiscutables : la grand-mère > *une plus grande mère qu'une autre ; une chaise-longue > *une chaise plus longue qu'une autre...

Aucun des éléments n'est indépendant, modifiable, susceptible d'une expansion.

Autre critère : l'appartenance à ce qu'on appelle un paradigme, et les essais de commutation :

Cas intéressants :

 

Méthode :

  • Procédé et définition
  • Radicaux originels, natures, lien éventuel (ex : verbe + nc COD, préposition, etc.), éléments de forme (trait d'union, mots collés ou séparés)
  • Nature obtenue
  • Sens obtenu

Une certaine variété des mots composés français utilise des emprunts aux langues anciennes qui sont à la base de notre culture, le latin et le grec. Les langues voisines, comme l'allemand, ne connaissent pas ce procédé de formation, ce qui pose des problèmes de traduction. Ce sont des mots dits « savants », médicaux, techniques, scientifiques, philosophiques, etc., qui se forment ainsi. La composition savante (appelée aussi interfixation) se définit donc comme la juxtaposition de deux radicaux (au moins) d'origine latine ou grecque, avec addition éventuelle d'un suffixe (-ie / -iste), qui donnera la catégorie, le genre, et permettra de faire par exemple le tri entre la spécialité et le spécialiste (biologie / biologiste).

Attention : il s'agit bien au départ d'éléments lexicaux autonomes, des mots véritables, des bases (radicaux), et non des préfixes ou suffixes, malgré les apparences. Les éléments d'origine latine ou grecque sont juxtaposés, collés sans trait d'union (on écrit pourtant toujours oto-rhino-laryngologiste, parce que c'est un mot très complexe). Deux éléments peuvent être tous les deux latins, ou tous les deux grecs, ou un latin et un grec. Différents mélanges existent, de même que la présence d'éléments qui relèvent de la dérivation, comme le petit suffixe nominal ou verbal.

Méthode :

  • Procédé et définition
  • Radicaux originels, avec précision de la langue originelle, et du sens de ces radicaux dans cette langue
  • Présence éventuelle d'un suffixe additionnel, rôle de ce suffixe
  • Nature et sens du mot complet

Certains de ces éléments sont habituellement utilisés au début ou à la fin du mot (ex : -mane à la fin : mélomane / mythomane / mégalomane ; idem : anti- / archi- au début), ce qui donne l'impression qu'ils entrent dans la construction normale des mots dérivés, mais il ne s'agit pas de dérivation, puisqu'on peut les trouver à l'autre bout :

Le destin des mots savants dépend de leur usage. Ainsi, qui sait encore qu'un copocléphile est un collectionneur de porte-clés ? (années 1960) [pressophile : les fers à repasser anciens / sigillophiliste : les sceaux / ferrovipathe : les chemins de fer / tégestologue : les sous-bocks de bière]. En outre, dès que l'objet, la technique, la science, etc., se popularise, le mot est abrégé : une auto, un vélo, la télé, un stylo, le cinéma (ciné)...

Des unités complexes mais figées, fonctionnant comme des mots simples, constituent des formes lexicalisées (entrées dans la mémoire du sujet parlant) qu'on appellera locutions. Ces locutions concernent les catégories les plus grammaticales (adverbes, prépositions, conjonctions, etc.) ainsi que les verbes, très rarement les noms :

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