Accueil

La municipalité

L'école

Plans

Actualités

Patrimoine

Activités

Histoire

Renseignements
généraux

Liens

ÉTYMOLOGIE DU NOM ACHEVILLE

La toponymie, étymologie des noms de lieux, est une science difficile. Les noms de lieux remontant généralement à la « nuit des temps », on en est souvent réduit aux hypothèses. Pourtant, ils portent les traces les plus anciennes. Par exemple, le nom de Paris vient du peuple gaulois des Parisii ; les gaulois l'appelaient Lutèce, nom qui venait de leurs prédécesseurs pré-indoeuropéens.

Quelques points d'Histoire préalables

Les premiers habitants connus de nos régions aux époques historiques sont les celtes. La Gaule n'était pas un pays constitué, mais un ensemble d'une soixantaine de tribus, auquel César a donné le nom Gaule pour désigner la partie qu'il avait conquise, et la différencier des régions voisines non conquises, auxquelles il a donné le nom de Germanie (ce qui signifie « semblable », comme pour les cousins germains). Il ne reste pas grand-chose de la langue celte, environ 200 mots dans notre vocabulaire, mais aussi la langue bretonne qui est son héritière comme le français est l'héritier du latin. Cependant, les toponymes, souvent très anciens, peuvent contenir des éléments celtes.
L'essentiel de notre langue provient du latin, suite à la conquête romaine. Il ne s'agit pourtant pas du latin classique, celui qu'on apprend à l'école, mais du latin populaire, celui des légionnaires, le latin parlé, sensiblement différent sur le plan de la prononciation comme sur le plan de la morpho-syntaxe. Ainsi, en latin populaire, le h n'était plus prononcé, les syllabes en situation faible étaient escamotées, la déclinaison était simplifiée, et des tournures avaient été développées, comme un futur périphrastique composé de l'infinitif suivi du verbe avoir au présent, ce qui a donné ensuite notre futur français (ex : chanter + ai / as / a /...ont). Si les copistes (moines) du Moyen-Age ont bien conservé les textes écrits, il reste malheureusement peu de traces du latin parlé, en dehors du Satyricon de Pétrone, et... des graffitis sur les murs de Pompéi et Herculanum. Dommage, car c'est la source réelle de notre langue.
Au Vème siècle, les Germains ont déferlé, et renversé l'Empire romain. Parmi eux, surtout, les Francs, nettement plus nombreux chez nous que dans le reste de la Gaule (20% de la population dans l'ensemble). Ils ont dominé une grosse moitié Nord de la Gaule, imposé leur pouvoir et leur monarchie (Clovis, roi des Francs, s'est converti à la religion dominante chrétienne pour des raisons purement politiques). Les Germains, dont les Francs, étaient des « allemands » (pour simplifier). Les aristocrates et les rois ont parlé « allemand » presque jusqu'à l'an 1000, puisque Hugues Capet (987) fut le premier roi à ne plus parler le germanique mais la langue commune à base latine. Le dialecte franc a laissé des traces dans notre vocabulaire (3500 mots) et dans notre prononciation : c'est à lui que nous devons notre superbe accent du Nord...
Les toponymes français portent les traces de ce métissage : beaucoup d'éléments latins, mais aussi des éléments germaniques et celtes, parfois des éléments pré-indoeuropéens provenant de langues dont on n'a pas d'autres traces.

Évolution du nom dans l'Histoire

 Liste recueillie par René Jacques, avec ses sources :

Date

Nom

Source

Date

Nom

Source

1070

Axseville

Miraeus t . 1, page 160

1246

Aiscierville

cart. De St Pierre de Lille, p. 300

1129

Alciovilla

abb. Hénin D.

1251

Achevilla

reg. Kartarum, f ° 272, v °

1143

Aisenvilla

carte de Dommartin, f ° 79

1328

Aisseville en Artoys

chap. de Lens

1198

Asselville

abb. Hénin d. 1

1407

Asseville

arch. Du nord, p. 2060

1207

Aisseville

cart. des Chapelleries d’Arras, f °21 r °

1430

Daisseville

arch. Nat. J J 998, n° 3, f ° 15, r °

1227

Asceville

carte de St Josse, f ° 14 v °

1569

Hascheville

cent. Rég. A, f °16

1229

Ascevilla

abb. Hénin

1789

Acheville

 

1237

Aissevilla

abb. Du Vivier

 

 

 

René Jacques note aussi : En 1070, Eustache de Boulogne donne à la collégiale de Lens des terres labourables sur Acheville qui, à cette époque s'appelait Caseseville.
Cette appellation, nettement différente de toutes les autres, en particulier de la première de notre tableau, à la même date, n'est pas expliquée. On peut imaginer un élément Case collé devant Axseville, à condition de lui trouver une origine : en ancien français, une case est une maison rurale, un casel est une maison ou un hameau, un casal est un domaine.

Comparaison avec d'autres communes

Plusieurs communes de la région portent des noms proches, qui ont été l'objet de recherches identiques. On notera pourtant des différences. Voici leurs noms, avec des recherches historiques similaires :

     Achicourt : 1027 Harcicorte ; 1218 Herchicourt ; 1225 Hachicourt ; 1237 Harchicourt, Harchecort ; 1257 Hachicourt ; 1267 Harchycort, Hachicourt ; 1270 Harchicourt ; 1271 Harcicourt ; 1272 Hacycourt ; 1296 Harchicourt, Harchicourdel ; 1310 Hachicourt, Achicourt.
     Achiet : Asceel (1081), Ascehel (1098), Aisseel (XIIe), Asseil (XIIIe), Assiet le Chatellain (1407), Aziet le Petit (1651), Achiés le Petit Bergam (XVIIe), Achel le Chatelain (1779), Achiez le Petit (XIXe), Achiet-le-Petit (XXe).
     Acheux-en-Vimeu est appelé Asseium et Aisseu en 1146, Asseu en 1186, Aissieu en 1244 et 1290, Aysseu en 1301 et même Acheul, en 1752.
     Acheux près Doullens est Aceium en 1147, Aicin en 1184, Aceu en 1186, Acheu en 1220, Acheul en 1648.
     Il n'est pas exclu de rajouter Biache. Certains font encore un rapprochement plus douteux avec Aix (près d'Orchies), qui provient plutôt de aqua (l'eau), au pluriel aquas, ce qui est logique dans une ville thermale.

Hypothèses étymologiques

Les comparaisons ne sont peut-être pas valables à 100%. En effet, on constate que le nom d'Achicourt commence par un H systématiquement, jusqu'à la forme définitive où il disparaît. Le h latin n'a laissé aucune trace (il a été remis artificiellement en moyen français, aux alentours de la Renaissance, il n'empêche pas la liaison ni l'élision : des hommes, l'homme). On peut supposer que celui-ci est d'origine germanique, car le h germain a laissé des traces, qu'on retrouve dans l'absence de liaison (la hache, des haches). En outre, le nom se trouve longtemps sous la forme Harchicourt (avec un r), que l'on retrouve dans le patronyme Darchicourt (= d'Harchicourt). Acheville n'est donc probablement pas la cousine d'Achicourt. A l'inverse, la proximité est bien plus grande avec Achiet ou Acheux.

En ce qui nous concerne, l'élément ville est le plus connu. Il provient du latin villa qui désignait une grande exploitation agricole, et on sait que les villages se sont constitués autour de ce genre de propriété : l'administration romaine a encouragé le défrichement et le développement des établissements agricoles jusqu'à la désagrégation de l'Empire. Il en est de même pour l'élément court qu'on trouve dans Achicourt, Méricourt, etc., ou dans l'ancien terme courtil qui signifie « jardin », et qui existe encore en patois picard. L'élément litigieux est donc le premier : Ache.

Remarques sur l'orthographe et la prononciation : la lettre x (Axseville) est utilisée au Moyen Age comme une abréviation, représentant la suite -us quand cet élément est en fin de mot. Le u est à prononcer comme « ou » ; devant la consonne s, il correspond à une prononciation particulière, dite vélaire, de la consonne l, avec la pointe de la langue en arrière du palais. Il est à remarquer qu'on trouve la même consonne l dans une autre orthographe du nom (Alciovilla). Cependant, ce n'est pas ici situé en fin de mot ; à l'intérieur d'un mot, le x remplace simplement un s : il faut donc interpréter Asseville. La variante Alciovilla, à peine postérieure à la précédente, semble être une relatinisation, comme on en faisait au Moyen Age, quitte à s'appuyer, à l'époque, sur une fausse étymologie. Cette variante est jolie, mais n'est pas significative. La voyelle finale est e ou a, ce qui n'est pas significatif non plus, car il s'agissait d'une prononciation intermédiaire, le a latin final s'étant affaibli pour parvenir à une prononciation moyenne de type « eu », jusqu'à devenir un e muet.
Le groupe ch, avec la prononciation que nous connaissons, s'est développé en dialecte picard à partir de la consonne c (prononcée [k] en latin) devant les voyelles e et i : ici devient ichi, pièce devient pièche, etc. On trouve cette orthographe ch au XIIIème siècle (Achevilla), puis elle disparaît, pour réapparaître au XVIème (Hascheville). Dans l'orthographe, ce groupe a pu être utilisé au Moyen Age, en concurrence avec d'autres, mais il ne l'a été définitivement qu'au XVIème, et c'est ce que nous constatons. La prononciation ("tch", puis "ch") est de toute évidence médiévale.

Hypothèses :

     Un nom d'homme, du type Ascius, de même que pour Achicourt on évoque un certain Haricerius (mais nous émettons des réserves sur le h d'origine latine). Il serait étonnant qu'un nom propre unique puisse correspondre à plusieurs localités non voisines.
     Certains évoquent (pour Achicourt) harcia signifiant « osier » en latin, achinus signifiant « jardinier », ache signifiant « champ cultivé ». Nous ne connaissons pas personnellement l'origine de ces hypothèses. Ces mots n'existent pas en latin classique. D'autre part, la suite ch se trouve en latin dans des mots d'origine grecque, avec la prononciation [k] ; par la suite, elle n'a été adoptée qu'en moyen français pour exprimer le son que nous connaissons. D'autre part, les éléments ville et court évoquant déjà des exploitations agricoles, on se demande pourquoi le premier élément en ferait de même. Généralement, le premier élément correspond à un complément du nom : le terme qui complète est placé premier en latin, alors qu'il est second (avec préposition) en français.
     Hypothèse plus sérieuse : le frêne. Il se nomme fraxinus en latin, mot d'origine grecque (d'où la consonne x). On le retrouve dans Fresnoy, ou Fresnes-lès-Montauban (ce n'est pas l'article les, mais lès ou lez, terme issu du latin latus qui signifie « à côté de »). Le terme germain qui le désigne est ask, par exemple sous la forme eski en vieux norrois (ville d'Esquetot en Normandie, l'élément -tot vient des vikings, et joue le même rôle que -ville ou à -court). On retrouve clairement ce terme dans Ascq. Le frêne est l'arbre cosmique dans la mythologie celte : après un cataclysme où meurent la plupart des dieux, un couple humain, enfermé dans le bois de frêne, survit et repeuple l'humanité ; l'homme s'appelle Askr, nom qui renvoie directement à celui de l'arbre. Or, le frêne est un arbre très courant dans notre région, de même qu'on trouve des Fresne, Fresnay, Fresnoy, etc., dans d'autres régions. Nos localités pourraient bien évoquer cet arbre, pas seulement par son omniprésence, mais aussi et surtout par son importance religieuse ; Tacite, parlant des germains, et César, parlant des gaulois, expliquent que ces peuples donnaient aux localités les noms des divinités qui y recevaient un culte. En anglais (langue à base germanique), le frêne se dit ash ; le même mot exprime la cendre, généralement au pluriel, ashes ; dans la mythologie, la cendre est celle des morts ; le frêne était utilisé pour allumer le feu nouveau, et lui demander de faire tomber la pluie pour ranimer la végétation engourdie par l'hiver.
     Une confusion, ou un rapprochement, a pu s'établir avec le nom Esus qui est celui du dieu Mars chez les gaulois, et aurait été prononcé Aesis. C'est le dieu Arès en grec, et le frêne (bois d'arc) lui était lié. Ceci reste très douteux, car il est délicat de rapprocher les celtes des grecs, qui considéraient les non-grecs comme des barbares. En outre, le passage de Aesis à Ache n'est pas conforme aux lois d'évolution phonétique.

     Pour conclure, l'étymologie remontant au frêne possède beaucoup d'arguments convaincants.
    Nous rajouterons une dernière hypothèse, sans garantie. L'auteur romain Tacite expliquait que certains dieux germains, deux frères, se nommaient Alci, et rappelaient les fameux Castor et Pollux. Ils étaient vénérés par une peuplade germanique. Des dieux germains, ce peut être une idée intéressante, mais encore faudrait-il que ce soit cette tribu qui se soit installée chez nous. A moins qu'il y ait là encore confusion, mélange des mythologies...
    Mais n'oublions jamais qu'entre l'arrivée des Francs et les premiers documents, il s'est passé un demi-millénaire, où la langue a évolué sans qu'on écrive quoi que ce soit. Alors, quelles certitudes ?

Bernard Bouillon

tile_up.gif

 

© Bernard Bouillon