MORPHOLOGIE ET SYNTAXE |
La langue latine repose sur un système de déclinaisons, qui s'estompe en ancien français, et disparaît totalement dès le moyen français. Un état de langue est remplacé par un autre, sur un certain nombre de plans.
I - La déclinaison latine du nom et de l'adjectif
Elle comprend 6 cas. Le locatif de l'indo-européen connaît une légère survivance, mais en général, le locatif et l'instrumental ont été absorbés par l'ablatif. Prenons dominus, nom modèle de la 2ème déclinaison :
cas
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singulier
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pluriel
|
nominatif |
dominus
|
domini
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vocatif |
domine
|
domini
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accusatif |
dominum
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dominos
|
génitif |
domini
|
dominorum
|
datif |
domino
|
dominis
|
ablatif |
domino
|
dominis
|
On considère souvent que les cas correspondent à des fonctions bien reconnaissables en français :
Ce classement, qui a été longtemps la base du classement des fonctions en français, ne correspond que très partiellement à la réalité. D'abord, on peut constater aisément qu'il ne recouvre pas la totalité des fonctions. En fait, il faut nuancer, compléter, et admettre que des confusions existaient.
1) Complétons :
2) Nuançons :
Quand on regarde les déclinaisons, malgré le 6 cas théoriques, on n'a jamais 6 désinences différentes. La plus complète est celle de dominus exposée plus haut, la seule qui possède un véritable vocatif. Pour les autres, le vocatif est absorbé par le nominatif. Pour beaucoup de mots, le datif et l'ablatif sont identiques : souvent au singulier, et toujours au pluriel. Pour tous les mots neutres, nominatif, vocatif et accusatif sont identiques, que ce soit au singulier ou au pluriel. Dans certaines déclinaisons, le nominatif et le génitif sont identiques.
Bref, le latin ne dispose pas réellement d'une morphologie complète et indiscutable. En fait, il s'agit souvent de formes correspondant à des usages multiples, et seul le contexte permet de s'y retrouver.
On sait aussi que dans l'usage, dans le latin parlé ou
dans la correspondance familière, les règles strictes n'étaient
pas forcément respectées, et qu'elles ont varié au cours
du temps.
II - Du latin à l'ancien français
Le relâchement phonétique a été une des causes de l'affaiblissement des déclinaisons. Par exemple, l'accusatif en -um : on sait que Cicéron lui-même, quand il parlait familièrement, estompait le m final. Cette disparition s'est faite très tôt, et de manière générale, dans le latin parlé. L'accusatif en [u], s'ouvrant légèrement en [o], s'est alors confondu avec le datif et l'ablatif en [o]. On a abouti à une forme complément quasiment unique. De même, les noms qui avaient un accusatif en -em et un ablatif en -e ont perdu le m, et on voit que les deux formes se confondent aussi.
En fait, du latin à l'ancien français, deux formes seulement ont survécu : le nominatif, et l'accusatif confondu avec les autres compléments. On obtient deux cas seulement en ancien français : le cas sujet et le cas régime (complément).
Compte tenu des réductions considérables de la morphologie (disparition des déclinaisons les plus marginales ou les plus complexes), voici les formes dominantes, du latin à l'ancien français :
masculin
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||||||
sing.
|
plur.
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sing.
|
plur.
|
|||
nominatif
|
murus
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muri
|
![]() |
murs
|
mur
|
CS
|
accusatif
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murum
|
muros
|
![]() |
mur
|
murs
|
CR
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féminin
|
||||||
sing.
|
plur.
|
sing.
|
plur.
|
|||
nominatif
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filia
|
filias
|
![]() |
fille
|
filles
|
CS
|
accusatif
|
filiam
|
filias
|
![]() |
fille
|
filles
|
CR
|
Les détails
sont donnés dans la page sur l'histoire de la
morphologie.
III - Le nouvel état de langue
Le système fondé sur des désinences disparaît, il est donc remplacé par un autre déjà amorcé en fait en latin populaire parlé :
1) L'ordre des mots dans la phrase :
En latin, pour
dire «Pierre frappe Paul», on pouvait varier : Petrus Paulum ferit
/ Paulum Petrus ferit / Paulum ferit Petrus...
Le français
moderne n'a qu'une construction : sujet + verbe + COD. Cette tendance s'observe
déjà dans les textes de langue vulgaire ou tardive.
En ancien français,
il faut se fier aux désinences, car l'ordre des mots peut être
similaire à l'ordre moderne, mais il peut aussi ne pas l'être.
Ainsi, un nom terminé par un s, derrière le verbe, est
un sujet singulier, si le verbe est au singulier. Le COD peut donc se trouver
devant le verbe. Le verbe n'a pas forcément (pas souvent) de pronom sujet,
et il ne faut pas prendre le COD ou l'attribut pour un sujet, à cause
de sa place :
2) Prépositions et ordre des mots : l'exemple du complément du nom
en latin :
il est exprimé par le génitif, placé devant ou derrière
le nom dont il dépend : Petri filius = le fils de Pierre.
en ancien français,
on a la concurrence de 3 constructions :
ultérieurement,
actuellement :
survivances
: