page d'accueil

Guitare électrique
de bricoleur

guitare électrique de bricoleur
 Guitare remontée au 22 janvier 2017, après modification (changement de micros).
En passant la souris, vous voyez le dos de l'instrument.
En cliquant sur l'image, autre photo montrant un état antérieur avec démontage partiel.
Mise à jour début 2021.

Vous avez bien lu : il n'est pas question que je me prétende luthier, même amateur. Un luthier est un artisan spécialisé, qui a appris son métier auprès d'un maître, et qui continue à l'apprendre toute sa vie. Je respecte et j'admire les luthiers.
Dans les années 1970, où le folk commençait à se développer en France, il y avait des gars qui s'auto-proclamaient luthiers, et construisaient des épinettes, voire des dulcimers (plus compliqué, il faut tordre le bois à la vapeur), qu'ils se permettaient de vendre. Au bout d'un moment, le mauvais bois se décollait, et l'on pouvait discerner la marque des cagettes d'oranges utilisées pour construire l'instrument.
Ce n'est pas mon cas. Je ne vends pas (j'insiste, car quelqu'un a déjà essayé de me passer commande). D'ailleurs, ma guitare est unique au monde, elle est donc inestimable.
J'ai construit cette guitare vers 1990, et je l'ai modifiée plusieurs fois, encore récemment. Ce qui est pratique, avec une guitare de bricoleur, c'est qu'on peut continuer à la bricoler longtemps après. Vous en verrez donc plusieurs états sur les photos.

Mon but était de construire entièrement une guitare électrique, avec les moyens du bord. Et le but de cette page est de vous inciter à en faire autant, si vous en avez la patience.
Mes moyens, ce sont mes outils de bricoleur, perceuse, scies, ciseau à bois, râpe, lime, etc. C'est aussi ma minutie, mon coup d'oeil, et mon obstination. Mon intention était aussi qu'elle me coûte le moins possible. Sinon, je me serais acheté une Gibson, hein ? J'aurais pu aussi acheter un kit, j'y ai pensé, mais ce n'est pas faire soi-même. Construire, c'est un défi qu'on se lance, où l'on prend le risque d'échouer. Si on réussit, on se fait un objet d'art qui ambitionne l'image de ses fantasmes (c'est beau, ce que je dis là). D'ailleurs, je fais aussi mon pain, avec de la farine bio mi-complète et des graines de lin broyées, il est excellent (v'z'en foutez, hein, avouez !).


Vue par la tranche pour indiquer l'épaiseur.

Autrefois, mon copain François, à la fin des années de la Grande Folque (voir cette page), m'avait dit : c'est possible de se faire une guitare électrique, mon frère Paul s'en est fait une, et il a utilisé du bois de chêne. Il me l'a montrée, c'était une basse. J'ai toujours gardé cela en mémoire.
Quand j'ai eu l'envie d'essayer, j'ai d'abord réfléchi aux bois.
 Pour le corps de la guitare, j'avais un bout de madrier en sapin bien sec, récupéré longtemps avant dans les chutes d'un cousin menuisier. Epaisseur 6 cm ; largeur 17 cm ; longueur 80 cm (je n'ai pas mesuré à l'époque, je me fie aux dimensions actuelles de ma guitare). Je l'ai coupé en deux, et ai collé les deux morceaux côte à côte, ce qui me donne un rectangle de 40 x 34 x 6, dans lequel je peux tailler le corps de guitare. Les fibres dans le sens de la longueur, surtout.
Comme j'avais envie d'une Les Paul, j'ai donné à peu près cette forme. Le tout, au pifomètre, ou à vue de nez, comme on voudra. J'ai dessiné sur le bois, et j'ai taillé.
Je n'ai pas d'instruments de luthier, et la scie sauteuse se serait cassée dans cet effort. J'ai donc percé (à la perceuse, of course) une série de trous le long de mon dessin, en prenant de la marge. Dans les trous, j'ai pu finir à la scie sauteuse. Puis, c'est le travail de la râpe à bois pour achever le contour, et ponçage manuel pour finir, au papier de verre (je n'avais pas de ponceuse à l'époque). Penser à adoucir l'angle là où la guitare pose sur le thorax.
Au centre, je creuserai ensuite l'emplacement où coller le manche, et les emplacements prévus pour trois micros. Toujours avec la perceuse, en complétant avec un ciseau à bois affûté et de petites meules au bout de la perceuse. Travail de bricoleur, je vous dis, je n'ai pas de défonceuse. Au dos, de la même façon, deux espaces creusés délicatement pour accueillir d'un côté les potentiomètres et de l'autre un inverseur ; une petite plaque de bois pour les recouvrir, extraite de la surface en chêne d'une lame de parquet, dans la première version.
Là, j'ai donc découpé dans un bloc massif ; il est nettement plus facile d'utiliser deux beaux bouts de planches rabotées qu'on collera ensuite, comme j'ai fait pour ma mandoline électrique. Cependant, ce bout de madrier m'a permis de bien respecter les fibres du bois.
 Pour le manche, il me fallait du bois dur et rigide. Je n'ai ni les moyens ni le savoir-faire pour coller une touche et poser une tige de réglage (truss rod). J'ai utilisé une barre de chêne achetée à Casto, 60 x 6 x 2, si je me fie à ce qu'il en reste. Les fibres dans le sens de la longueur, bien sûr. Travaillée à la râpe, arrondie en-dessous, et un peu au-dessus pour donner un manche légèrement incurvé, affinée en arrivant à la tête. Pour donner l'inclinaison de la tête, j'ai scié au-dessus (scie à métaux), en biais, un morceau que j'ai recollé au-dessous. Le manche est collé dans l'emplacement creusé dans le corps. Les interstices sont colmatés avec une pâte à bois maison, faite avec de la sciure de chêne et de la colle à bois. Pour placer les frettes, une première entaille à la scie à métaux, complétée avec un instrument plus fin (comme une lame de cutter), petits coups de maillet pour enfoncer, c'est un travail de patience. Des coups de lime pour égaliser sur les côtés.
Avantage du chêne frais quand on le travaille : il exhale le parfum de mon Saint-Emilion préféré.
 Les pièces mécaniques. A l'époque, le commerce sur Internet n'existait pas. J'ai trouvé des frettes (à scier) chez un marchand de musique qui avait ça dans ses réserves depuis fort longtemps, il m'a souhaité bonne chance... Il avait aussi des points en nacre qui feraient les repères sur le manche. J'avais trouvé chez lui précédemment d'autres éléments décoratifs, incrustations en nacre que j'ai mises sur mon banjo 4 cordes, je ne trouve plus cela aujourd'hui en magasin, mais il y en a sur Internet (Ateliers Delaruelle). J'ai acheté le jeu de 6 mécaniques (petite taille). J'avais des pièces de récupération : un inverseur (ça se trouve, par exemple chez Milonga, on trouve aussi des potentiomètres), et des pièces de ma Telecaster sur laquelle j'avais monté un kit complet en laiton, en particulier le chevalet, que j'ai scié pour enlever la partie qui tient le micro. Le sillet au niveau de la tête est en laiton, il provient dudit kit, car je n'ai pas osé remplacer celui de la Telecaster. Pour les distances des frettes et du chevalet, les mesures ont été prises sur la Telecaster. Les cordes passent à travers la caisse avant d'arriver au chevalet, il a fallu creuser 6 trous avec une grande précision.
 Les micros. Ils sont montés sur une petite plaque de bois taillée dans une planchette fine, que je présente plus bas dans cette page. Comme je voulais que ça ne me coûte rien, j'ai d'abord mis des micros de récupération. J'en ai changé plusieurs fois, refaisant chaque fois la plaque de bois. Plus récemment, je me suis décidé à booster ma guitare, d'abord avec un Gibson et un Di Marzio achetés sur Internet. Début 2017, comme je me suis acheté chez Thomann une Vintage copie Les Paul, j'ai mis sur celle-ci les micros Gibson dont je disposais, et les deux micros Wilkinson de la Vintage sont passés sur ma guitare de bricoleur, plus en medium un micro Stratocaster de 1969 récupéré autrefois. A noter que le micro medium n'est pas prévu sur l'inverseur, je le branche simplement en plus à l'aide d'un contacteur ; il est alors en mélange avec un autre, mais quand je baisse le potentiomètre de volume des deux autres, il fonctionne seul (il a aussi son potard de volume à lui). Ce contacteur me permet aussi l'opposition de phase. J'ai au total une dizaine de sons disponibles.
 La finition. Après divers essais, j'ai fini par passer l'ensemble au brou de noix, et verni, c'est la couleur du dos et des côtés. Sur le dessus, une peinture rouge foncé, et un vernis brillant. Sur la tête, j'ai dessiné mes initiales et un motif qui rappelle Gibson ou Marshall, ou le lys des Flandres ; avec un tube de... (je lis) Contour couleurs vitrail Or (Gold), de Lefranc & Bourgeois. Pas facile de faire quelque chose de propre avec ça, d'ailleurs, j'ai dû gratter et poncer pour corriger et égaliser. J'ai repassé un vernis brillant par dessus.


Pendant un précédent remontage, au 22 avril 2012. Le micro blanc vient de ma Squier Strat, au milieu l'ancien micro grave de ma Telecaster ; et en aigu, un micro issu... d'une basse bon marché.


Tête de la guitare (ça vaut ce que ça vaut, hein ?)
Le dessin est une sorte de fleur de Lys,
ou plutôt d'iris. En tout cas,
ça essaie d'y ressembler.


Etat en 2021. Les deux micros principaux proviennent de ma Vintage copie Les Paul, comme j'ai expliqué. Le micro central vient de ma Squier Strat. J'avais précédemment mis là un vrai Fender, mais c'était du gâchis, car il sert principalement en mélange avec les autres, en donnant des sons un peu pincés type Fender.

 

Le patron en papier, modèle pour fabriquer la plaque.

La plaque qui tient les micros, version 2013.
Début 2017, j'ai retaillé l'ouverture côté manche
pour faire passer un micro Wilkinson.

Verso de la même plaque. En cliquant, vous verrez la planchette avant découpe.

Cliquez sur les images ci-dessus pour les agrandir.
Avant de refaire en 2013 la plaque qui tiendra les micros, je me suis fait un modèle en papier, que les couturières appellent un patron. J'ai pris des mesures aussi précises que possible. Puis j'ai taillé dans une planchette de bois fin, après avoir dessiné le plan dessus à l'aide du patron. Outils de bricoleur : scie à métaux pour l'extérieur ; cutteur pour l'intérieur (attention aux coups mal placés !), perceuse, petites limes. J'utilise des outils à métaux pour leur finesse et leur précision.
La planchette ? Vous pouvez le constater sur le verso, où j'ai laissé les inscriptions, c'était une planchette circulaire de pizza... Du bois fin, lisse, clair, pas vilain esthétiquement, aspect pin. Que j'ai travaillé à ma façon. Le sens des fibres dans celui de la guitare.
D'abord, un nettoyage, y compris pour enlever les traces diverses. Un ponçage au papier de verre fin pour avoir une surface impeccable. J'ai fait alors toutes les découpes : le bois est tendre, et j'ai travaillé au cutter, avec précaution, et petites limes pour fignoler. J'ai arrondi les bords à la râpe, et re-poncé. Mais ce bois (c'est quand même une sorte de contreplaqué) n'est pas très costaud pour supporter des micros. Je l'ai renforcé en passant une couche de colle à bois des deux côtés ; deux fois, le temps de laisser sécher. La colle imprégnant les pores du bois, il en est devenu nettement plus rigide ; voilà une de mes astuces de bricoleur. Ensuite, un vernis alkyde-uréthane incolore, brillant et dur ; deux couches sur le dessus, une seule suffit en-dessous. Le dessous sera couvert d'une feuille d'aluminium, mais je vous ai laissé ici l'aspect originel.

Le résultat ? Il est certes original, mais satisfaisant, avec quelques défauts. Rustique, dirai-je.
De longues années après, je suis encore épaté que mon manche soit bien dans la ligne, et que rien ne soit faux, même si j'ai dû re-limer quelques frettes. Un copain qui jouait sur Gibson m'a dit qu'il aimait bien ce manche, proche du sien. Il est plus large que celui d'une Fender, et se rapproche de celui d'une acoustique ou d'une Les Paul. Largeur de ma barre de chêne, mais choix volontaire aussi pour que le manche sans "truss rod" ne s'incurve pas trop sous la tension des cordes ; de fait, il s'est légèrement incurvé, mais ça reste tout à fait jouable. Le fait qu'il soit collé participe au sustain, c'est un fait connu.
Je trouve que le corps épais en sapin donne une profondeur et un sustain corrects. Les micros Wilkinson extraits de ma Vintage sont de bonne qualité. Avec le micro Gibson que j'avais mis en position chevalet, en distorsion, c'était l'enfer ! A présent, l'enfer est sur ma Vintage, mais je n'en suis pas loin avec celle-ci.
Les défauts : mon vernis n'est pas parfait, car je l'ai mis au pinceau, et je n'ai d'ailleurs pas une surface aussi lisse que si j'avais pu utiliser des machines de luthier. J'ai dû limer pour corriger des problèmes sur les frettes au niveau de la 15ème case sur certaines cordes. J'ai eu des problèmes avec des soudures, il n'y a rien de facile, cent fois sur le métier remettez votre ouvrage de bricoleur. Rien n'est nickel nulle part, mais mon ami Michel Waligora l'a trouvée sympathique. J'ai même eu l'occasion de montrer cette guitare au luthier Michel Scamps, qui s'est simplement étonné de la couleur, mais ne m'a pas pourfendu d'un commentaire assassin.

 En conclusion, je m'interroge sur les bois de lutherie. Les guitares électriques se font généralement en bois dur, comme l'érable, le palissandre et l'acajou, l'ébène pour la touche. Bois chers, de plus en plus rares, dont l'exploitation contribue à la disparition des forêts primaires. Le tilleul et certains arbres fruitiers, voire le buis dont on fait des flûtes, sont bien moins chers et bien plus faciles à trouver, pourquoi ne pas les utiliser ? Et pourquoi pas le sapin, du moment qu'il est bien sec et sans noeuds ? Quant au chêne, je sais qu'il peut se déformer et devenir cassant à la longue, mais ma guitare a une bonne trentaine d'années en 2021, et je ne vois pas d'évolution néfaste. Un bricoleur n'a pas à sa disposition des bois nobles et ne saurait pas les travailler, alors il utilise des bois roturiers. Je suis un roturier.