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LA PHRASE

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II - LA PHRASE MODÈLE

Quand on veut étudier la grammaire de la phrase, c'est-à-dire ce qui se passe dans la phrase, on se heurte à une difficulté : il n'y a pas une phrase en français, mais des formes multiples. Ainsi :

Le petit chat est mort. (Molière) / Mes amis, notre nouveau président ! / Pas bien frais, ton Muscadet ! / Et ton foie ? / Un seul mot : bravo ! / Entrez ! / Défense de marcher sur les pelouses.

Seule la 1ère phrase est à peu près "normale", et l'avant-dernière est verbale aussi, mais ne contient qu'un impératif. Une phrase complexe, elle, peut contenir un certain nombre de subordonnées et être assez longue (voir Proust).

Aussi est-il nécessaire de fixer un cadre qui permette de regrouper toutes ces formes et de les analyser de la même manière : c'est celui de la phrase canonique.

1) La phrase canonique

La phrase canonique, c'est une phrase simple (pas de subordonnées), assertive (déclarative : pas d'interrogation, etc.), neutre sur tous les plans (pas négative, sans procédés de mise en relief...), avec les mots dans l'ordre le plus simple, le plus caractéristique de leur fonction. L'ordre sera le suivant :

sujet - verbe - complément(s) / attribut

Avec éventuellement un ou des compléments circonstanciels, facultatifs et mobiles ; au total :

(CC) - sujet - (CC) - verbe - complément(s) / attributs - (CC)

Dans certains cas, la phrase étudiée est conforme à cette forme. Si elle ne l'est pas, il faut la modifier pour qu'elle le soit, en perdant bien sûr tous les effets propres à l'expression :

(1ère phrase : rien à changer) / Je vous présente notre nouveau président. / Ton Muscadet est frais. (on enlève la négation) / Ton foie va bien. (on enlève la tournure interrogative) / Je vous dis un seul mot ; je vous félicite. / Vous pouvez (devez) entrer. / On peut marcher sur les pelouses. (plus de négation)

Cette transformation peut inverser le sens de la phrase, en particulier quand on enlève une négation. Sans aller aussi loin, on peut toujours faire une transformation qui conserve le sens et modifie simplement ce qui n'est pas analysable : on rajoutera en particulier les verbes faibles comme être ou il y a qui disparaissent dans les phrases averbales, comme la 3ème phrase.

Les phrases à peu près canoniques sont relativement fréquentes dans le discours oral ou écrit. Mais la phrase canonique n'est pas, comme on a pu le dire, un point de départ dans l'apprentissage du langage ou la constitution de la pensée : les enfants n'apprennent pas forcément à parler ainsi. C'est un cadre théorique, qui est une sorte de point de rencontre de toutes les phrases, et qui permet d'analyser le contenu des phrases. Cela représente donc un effort d'abstraction dans l'étude du langage.

2) La phrase minimale

Au-delà de la phrase canonique, et constituant un cadre encore plus théorique, toujours destiné à permettre des analyses, se trouve la phrase minimale. C'est à elle que l'on fait référence quand on doit étudier une fonction : le sujet, le COD, l'attribut entrent dans le cadre de la phrase canonique minimale. Le complément du nom, l'apposition, les compléments circonstanciels n'entrent pas dans ce cadre.

On réduit la phrase au maximum, et on observe ce qui est essentiel, non supprimable sous peine de rendre la phrase agrammaticale, incorrecte, ou de modifier fortement le message. Exemple donné par Riegel dans la Grammaire méthodique du français :

Pendant des années, l'affreux gros chien noir de l'ancienne concierge de l'immeuble effrayait tous les enfants qui passaient plusieurs fois par jour devant la loge.

Phrase minimale : Le chien effrayait les enfants.

La phrase minimale est donc elle aussi, et encore davantage, un cadre théorique pour étudier ce qui se passe à l'intérieur de la phrase. Elle montre que toute phrase canonique est réductible à une séquence qui se résume en :

Groupe nominal - Groupe verbal (GN - GV) [groupe, ou syntagme]

Cela dans l'ordre. Le GN correspond à la fonction sujet. Le groupe verbal contient, s'il y en a, le ou les compléments essentiels ou l'attribut.

Contrairement à ce que l'on voit dans une analyse traditionnelle, on s'aperçoit que le sujet (GN) n'est pas à mettre sur le même plan que le complément d'objet, simplement parce qu'il occupe la place inverse, le verbe étant le pivot. Il y a des relations de solidarité entre le sujet et le verbe, une dépendance réciproque. La phrase minimale comprend deux constituants ; le COD ne fait pas le 3ème, il entre dans le 2ème, malgré l'apparence de symétrie avec le sujet.

On utilise généralement le terme de prédicat pour exprimer la fonction, le rôle à la fois syntaxique et sémantique du groupe verbal ; c'est un terme qui fait allusion aux rapports nécessaires et réciproques entre le sujet et le GV.

Dans une phrase qui n'est pas forcément minimale ni canonique, on parle de thème et de propos : ce dont on parle, et ce qu'on en dit. Le thème n'est pas forcément le sujet, cela peut être un élément mis en relief :

Ma voiture, je l'ai vendue. (COD)
Les Alpes, j'y suis allé souvent. (CC lieu)

3) Au-delà de la phrase modèle

Enfin, on parle de phrase étendue quand on rajoute une ou plusieurs expansions. A côté du GN et du GV peuvent se trouver des éléments mobiles et facultatifs qui sont des compléments circonstanciels ; et dans un groupe nominal, on peut rajouter des adjectifs ou d'autres éléments équivalents.

La phrase étendue peut être une phrase complexe si elle comporte des éléments phrastiques. C'est-à-dire que la phrase complexe peut être constituée d'au moins une principale et une subordonnée, mais aussi de propositions indépendantes coordonnées. C'est ce que dit la nomenclature officielle, bien qu'on puisse contester cette définition quand on est simplement dans la coordination. Ceci est à savoir, par exemple, quand on se trouve devant un jury de CAPE, CAPES ou autre, et il faut alors effectuer un choix clair. Position personnelle : il semble anormal d'évoquer la complexité en l'absence de subordinaton, mais ce n'est pas la position officielle.

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