page précédente

LIAISONS ENTRE ÉLÉMENTS DE MÊME STATUT

Page précédente : aspects syntaxiques

III - ASPECTS SÉMANTIQUES

Les conjonctions de coordination et la juxtaposition sont aptes à exprimer un certain nombre de rapports sémantiques, que l'on retrouve aussi en gros dans la subordination circonstancielle, mais avec des nuances différentes souvent. Ces rapports sont variés, et ne sont en aucun cas un critère suffisant pour faire la différence entre coordination et subordination. Nous allons en envisager un certain nombre pour la coordination (ce seront les mêmes pour la juxtaposition), sans que ce soit forcément exhaustif.

Ils portaient des chapeaux ronds et carrés : adjonction (addition, réunion) de deux notions distinctes.
Ils portaient des chapeaux ronds et rouges : intersection de deux notions concernant une réalité unique.
Il abattit l'arbre et écorça le tronc : succession temporelle.
Ils poussèrent le peuple à la révolte, et le peuple prit d'assaut la Bastille : rapport logique, de cause à conséquence.
Vos enfants saccagent mon potager et vous ne faites rien : rapport d'opposition.

Ces rapports sémantiques ne sont pas exprimés par la conjonction, mais par le rapport naturel entre les éléments coordonnés ; ils existeraient sans la conjonction, dans la juxtaposition.

C'est une alternative, une disjonction, avec deux nuances :

Elle a eu un garçon, ou une fille ? Les notions s'excluent mutuellement, le choix n'est pas possible. C'est une disjonction exclusive.
Nous cherchons un garçon ou une fille pratiquant l'informatique : un choix est possible et indifférent. C'est une disjonction inclusive.

C'est le négatif de et surtout, ainsi que de ou : ni l'un ni l'autre n'est venu (l'un des deux devait venir, ou bien les deux).

Cette conjonction ne peut coordonner plus de deux termes, de même que car et or ; rappelons que ces 3 conjonctions sont surtout destinées à relier des phrases, ce qui se justifie sur le plan sémantique, car elles sont utilisées dans l'argumentation, elles possèdent une valeur logique que les autres n'ont pas. Cela explique d'ailleurs qu'on ne puisse pas les répéter.

Il ne faut pas réduire de façon trop simpliste la conjonction mais à la notion d'opposition.

Je ne bois pas d'alcool, mais du jus de fruit : une correction, avec élimination d'un élément par une négation.
Tu peux y aller, mais sois prudent : le 2ème terme est un argument plus fort que le 1er, il oriente dans une direction différente, sans forcément contredire complètement le 1er argument. On est alors dans une expression d'arguments qui se heurtent plus ou moins.
Non seulement il est égoïste, mais il s'en vante : en corrélation, il s'agit ici d'un renforcement, et non d'une opposition.

Cette conjonction exprime plus ou moins une idée de cause, mais ce n'est pas si simple :

Il n'est pas venu, car il était fatigué / Il n'est pas venu, parce qu'il était fatigué.

Le sens de car est assez proche de celui de parce que, mais pas complètement identique. Avec parce que, on est dans le récit, et la 2ème partie de l'énoncé s'appuie sur la 1ère, pour en donner la cause directe ; les deux faits exposés sont au même niveau, strictement celui de l'énoncé, de ce qui est raconté. Avec car, c'est une explication qui est donnée par quelqu'un ; le 1er membre de phrase correspond à une annonce. Nous sommes sur le plan de l'énonciation, et non de l'énoncé : ce premier membre de phrase exprime un point de vue. C'est encore plus net dans l'exemple suivant :

Vous n'avez pas à vous plaindre, car vous avez été bien servi.

La 1ère proposition exprime un point de vue : je pense que...

Cette différence est subtile, mais c'est là l'emploi normal de car, qui ne doit pas remplacer parce que, même si on le fait parfois dans un exercice scolaire qui est par nature artificiel. D'ailleurs, car remplacerait plutôt puisque, et exprime une justification plus qu'une cause.

Pour compléter l'étude de cette conjonction, nous noterons qu'elle fait disparaître une ambiguïté que laisse parce que :

Il n'a pas été élu parce qu'il était l'ami du ministre.

A-t-il été élu ou pas ? A-t-il échoué parce qu'il était l'ami d'un ministre impopulaire ? Ou bien, a-t-il été élu, non parce qu'il était l'ami d'un ministre populaire, mais parce qu'il était lui-même populaire ?

Il n'a pas été élu, car il était l'ami du ministre. (= 1ère solution)

On réduit trop simplement le sens de la conjonction or à une opposition, comme pour mais :

Le petit Chaperon Rouge prit le chemin de la forêt ; or, le loup y rodait...

Cette conjonction introduit une nouvelle donnée qui va se révéler décisive pour la suite des événements, ou du raisonnement si c'est dans une argumentation :

Tous les hommes sont mortels ; or, Socrate est un homme ; donc, Socrate est mortel. (syllogisme)

Cette donnée est inattendue, et se trouve parfois à la limite de l'opposition, mais l'opposition n'est pas le cas le plus fréquent.

C'est un adverbe :

Nous étions au pied de l'escalier, l'assassin n'a donc pas pu s'enfuir par cette porte.

Il n'est pas sorti de l'immeuble, et se trouve donc encore quelque part dans les étages.

Sémantiquement, il correspond globalement à une notion de conséquence, mais avec les mêmes réserves que pour car et la cause : nous sommes en fait dans une argumentation. Rappelons que le rapport de cause à conséquence se situe sur le plan de l'énoncé : ce qui est raconté. La justification se situe sur le plan de l'énonciation : l'expression d'un point de vue, ou une attitude. Donc est l'inverse de car dans un raisonnement : "donc, je pense, j'affirme que l'assassin se trouve encore..." ; le locuteur prend position.

Ma voisine est encore à sa fenêtre : son mari n'est donc pas encore rentré.

Cela signifie : "donc, j'en conclus que...". La cause, c'est justement que le mari n'est pas rentré.

Cette maison est délabrée, donc inhabitée.

La cause n'est pas qu'elle est délabrée, mais qu'elle est inhabitée : cause introduite par donc ! En fait, cela signifie encore : "donc, j'en déduis que..."

On rajoutera l'alternative avec soit... soit... ; l'explication avec c'est-à-dire ; la conséquence, ou plutôt la liaison explicative avec c'est pourquoi ; voire correspond à et même (renforcement)...

On peut étudier sémantiquement un certain nombre d'adverbes qui remplacent des coordonnants ou s'ajoutent à eux. Syntaxiquement, les éléments reliés par des adverbes sont à considérer comme coordonnés. Les adverbes apportent une grande variété de nuances, où il faut toujours réfléchir en termes d'énonciation ou d'énoncé : est-on simplement dans un récit, ou bien dans un point de vue du narrateur concernant ce récit ?

Retour à la page d'accueil de linguistique