Plan :
I – Classements
II – La méthode d'analyse
III – Inventaire des fonctions

LES FONCTIONS

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Définition : Une fonction est un rapport de dépendance à un autre élément, à l'intérieur d'une phrase. Par exemple, un sujet est forcément " sujet du verbe Untel ". En ce sens, l'apostrophe ne doit pas être considérée comme une fonction, malgré une longue tradition (héritée du vocatif latin).

I - CLASSEMENTS

1) Trois types de fonctions

La nature du mot ou du groupe analysé est liée au type de fonction : nature et fonction ne doivent pas être en contradiction. Par exemple, un adjectif ne peut pas être complément (pas de " COD du verbe être ", pas d'adjectif complément de manière) ; un adverbe ne peut être sujet ou complément d'objet (donc, rien n'est pas un adverbe, mais un pronom indéfini). On détermine ainsi trois ensembles de fonctions :

Les fonctions nominales : sujet, complément d'objet, complément du nom ou de l'adjectif (assumées par le groupe nominal, le nom propre, le pronom, mais aussi l'infinitif et les subordonnées conjonctives [avec que] ; les subordonnées interrogatives et infinitives sont uniquement COD).

Les fonctions adjectivales : épithète, apposé, attribut (assumées par un adjectif qualificatif, ou un groupe à valeur adjectivale, mais aussi par la subordonnée relative). Tout élément dans cette situation joue un rôle adjectival : il sert à qualifier, caractériser un élément de la réalité.

Les fonctions adverbiales : les compléments circonstanciels, ou essentiels, de lieu, temps, manière, etc. (fonctions assumées par l'adverbe, mais aussi par un groupe nominal prépositionnel, ou un gérondif ; subordonnées : les conjonctives circonstancielles, et les participiales). Ce sont des fonctions où l'aspect sémantique est déterminant : elles apportent une modification ou une précision de sens à un autre élément, ou à la phrase. On notera pourtant que les compléments circonstanciels constituent un ensemble hétérogène.

2) Hiérarchie

Les fonctions dites primaires sont celles qui dépendent du verbe.

Les fonctions dites secondaires ne dépendent pas du verbe, mais se trouvent à l'intérieur du groupe, ex : le complément du nom.

 

II - LA METHODE D'ANALYSE

L'analyse des fonctions requiert 5 critères :

1) La catégorie

2) La morphologie

3) Le contexte (la distribution)

4) Les relations syntaxiques

5) La sémantique

 

III - INVENTAIRE DES FONCTIONS

Les explications qui suivent constituent un résumé, et non une leçon complète. Les éléments les plus importants sont exposés, mais pour une étude exhaustive, il importe de suivre la méthode ci-dessus.

A - LES FONCTIONS ESSENTIELLES A L'INTÉRIEUR DE LA PHRASE

1) Le sujet

C'est la première des fonctions nominales, et la plus essentielle des fonctions, puisque le minimum pour faire une phrase, c'est un sujet et un verbe. Il se trouve normalement devant le verbe, non détaché (pas de virgule).

Le sujet entraîne l'accord du verbe (personne, nombre, voire genre).

Sur le plan sémantique, il faut éviter de chercher celui " qui fait l'action ". Le sujet, dans la phrase simple et canonique, c'est ce (celui) dont on parle, et le reste de la phrase (verbe + fonctions essentielles), c'est ce qu'on en dit, qu'on appelle le prédicat. Les relations sémantiques entre le sujet et le verbe sont impérieuses (ex : sujet abstrait / concret / humain...).

Procédés utilisés : question Qui est-ce qui. ? ou Qu'est-ce qui. ? Mise en relief : C'est Untel qui. Remplacement par un pronom personnel il (elle, ils, elles).

Problèmes :

— L'inversion du sujet, dans l'interrogation, mais aussi quand on place un groupe complément circonstanciel ou un adverbe en tête de phrase, ainsi que dans une subordonnée relative ou infinitive, assez souvent :

Ainsi parla le chef de la tribu. L'histoire [que racontait mon grand-père].

— Le verbe parfois n'est pas conjugué, comme dans une subordonnée infinitive ou participiale :

Je regarde tomber la neige. La nuit tombant, nous dûmes rentrer.

Il existe aussi des phrases infinitives, comme pour l'infinitif de narration :

Et Napoléon alors de s'exclamer d'un air dédaigneux...

— Les verbes impersonnels : le pronom il (parfois ce, ça) ne remplace rien, c'est le sujet apparent, grammatical ; le sujet réel, logique, se trouve derrière le verbe :

Il reste du café. Il est (c'est) facile de se tromper. = Du café reste. / Se tromper est facile.

Le complément d'agent ne peut s'étudier qu'en liaison avec le sujet, puisque le sujet devient complément d'agent dans la transformation passive :

Les réparations ont été effectuées par un charlatan = (c'est) un charlatan (qui) a effectué les réparations.

Nous étions entourés d'ennemis = Des ennemis nous entouraient.

Il ne s'agit pas d'une fonction accessoire : quand il est exprimé, il n'est pas supprimable, sous peine de modification inacceptable. Quand il est absent, c'est qu'il correspond, à la voix active, à un sujet indéfini on :

Les réparations ont été effectuées = On a effectué les réparations.

 

2) L'attribut

C'est au départ une fonction adjectivale. Quand elle est assumée par un groupe nominal, celui-ci prend un certain sens adjectival.

L'attribut du sujet se trouve derrière le verbe, non détaché ; l'attribut du COD se trouve derrière le verbe puis le COD, non détaché.

L'attribut s'accorde en genre et nombre avec le sujet ou le COD dont il dépend, sauf pour certains syntagmes nominaux à valeur métaphorique : Les yeux sont le miroir de l'âme.

C'est une fonction essentielle ; un attribut n'est jamais supprimable. Il est relié au sujet ou au COD par un verbe, souvent un verbe d'état ou un synonyme, mais d'autres verbes sont possibles.

Il sert à caractériser, qualifier (dire quelque chose de) le sujet ou le COD. Un nom propre attribut se contentera d'indiquer l'identité.

L'adjectif attribut est simplement relié au sujet ou au COD par un verbe, quel que soit le verbe :

Vous paraissez bien triste. Il est considéré comme honnête. Il rentra fatigué.

Le groupe nominal (parfois l'infinitif) attribut, relié par un verbe d'état ou un synonyme, exprime la même chose ou la même personne que le sujet ou le COD, en rajoutant un renseignement (= pour en dire quelque chose) :

Ma grand-mère était une bonne cuisinière. (ou passait pour, était considérée comme.)

Mon voisin est devenu conseiller municipal. (ou a été élu.)

La difficulté fut de trouver un compromis.

L'attribut du COD :

Certains verbes passifs, utilisés comme synonymes de verbes d'état, permettent de construire un attribut du COD quand on les remet à la voix active :

On la considérait comme une bonne cuisinière. On a élu Victor conseiller municipal.

Il existe un cas d'attribut du COI :

L'imprésario a fait de ce chanteur une vedette.

 

3) Le complément d'objet

C'est une fonction nominale essentielle : un CO est à considérer comme non supprimable, compte tenu qu'il ne doit pas y avoir de modification significative du message de base.

Dans la phrase simple, le CO se trouve derrière le verbe, non détaché. Un verbe qui a un CO est dit transitif.

Le sens du CO est étroitement lié au sens du verbe (sélectionné par lui). Sémantiquement, on peut donc dire que chaque cas est quasiment un cas particulier.

Le COD : sans préposition. Le verbe est dit transitif direct. A la voix passive, le COD devient sujet (sujet > complément d'agent). Morphologiquement, il faut signaler l'accord du participe passé avec le COD placé devant le verbe, quand on a l'auxiliaire avoir, et pour certains verbes pronominaux :

Cette voiture, il l'a achetée / Il se l'est achetée.

Le COI : introduit par une préposition (à, de, mais aussi en, sur, parfois avec, après, dans : ces prépositions perdent alors tout leur sens circonstanciel). Le verbe est transitif indirect.

Gaston ne se souciait guère de ses ennuis. / Il croyait au destin. / Il croyait en son avenir. / Il comptait sur la chance. / Il attendait après Mademoiselle Jeanne. / Il discutait souvent avec elle.

La voix passive est impossible, sauf exceptionnellement pour des verbes qui furent transitifs directs, comme penser, réfléchir, et surtout obéir :

Vous serez obéi de tous. (V passif + c. d'agent)

La construction avec double objet : le verbe est doublement transitif, il est suivi d'un COD 1er (quelques cas de COI 1er : parler, discuter de qqch avec qqn) et d'un COI 2nd (appelé scolairement COS), tous deux essentiels. Le sens du verbe est particulier, il exprime une relation, un transfert entre deux éléments de même type, souvent deux humains. C'est le cas des verbes de don (donner) et leurs contraires (ôter), ou des verbes de parole (dire), qui constituent la majorité des cas. La construction la plus fréquente est celle-ci :

L'enfant offrit un bouquet à sa grand-mère. / Nous leur annonçâmes que nous allions déménager.

sujet humain + verbe de don ou de parole + COD 1er " chose " ou message verbal + COI 2nd humain

Le COI 2nd subsiste dans la transformation passive, quand le 1er est un COD :

La nouvelle leur fut annoncée par un voisin.

La présence d'un COI 1er ou COI seul interdit la transformation passive.

Le complément d'objet interne : cas très particulier, où le complément (direct) n'exprime qu'une redondance ou une précision par rapport au sens du verbe ; la transformation passive est impossible :

vivre sa vie / pleurer toutes les larmes de son corps / suer sang et eau / sentir la rose...

*Sa vie a été vécue par lui... / *La rose est sentie par ce parfum... (incorrects)

Le complément d'attribution est, globalement, l'ancienne appellation du COI 2nd. Cette appellation vieillotte liée au datif latin est à éviter. L'appellation COS aussi, car elle risque de faire croire que c'est un type de CO différent du COI.

 

4) Les autres compléments de verbe

Il existe une frange de compléments qui sont intuitivement " sentis " comme circonstanciels, à cause de leur sens (lieu, temps, mesure), mais qui sont des compléments de verbe, non supprimables, non détachables, en liaison étroite avec le sens du verbe. Ce ne sont pourtant pas des compléments d'objet : quand ils sont directs, ils ne participent pas à la transformation passive, et n'entraînent pas l'accord du participe passé ; ils s'ajoutent aux compléments d'objet ; on peut leur substituer des adverbes, ou les chercher par un questionnement adverbial. Ce sont donc des fonctions adverbiales.

On peut les appeler compléments essentiels de lieu, temps, mesure, etc. :

Il va (se rend, demeure...) à Paris. / Il vient de Paris. / Il habite Paris. (où ?)

Le cours d'histoire dure deux heures. (combien de temps ?)

Il mesure un mètre soixante et pèse cent vingt kilos. (combien ?)

Cet appareil coûte cent francs.

J'ai revendu ce tableau deux millions à un amateur japonais. (COD 1er + c. ess. mesure + COI 2nd)

 

B - LES COMPLÉMENTS DE PHRASE

Les compléments circonstanciels sont par principe des compléments de phrase :

Ils sont a priori adverbialisables : on peut leur substituer un adverbe, ou les trouver par un questionnement adverbial. On parle donc de compléments adverbiaux, ou de subordonnées adverbiales. Outre des adverbes, on trouvera donc des syntagmes nominaux, des pronoms, des infinitifs (avec prépositions le plus souvent), et dans la phrase complexe, des subordonnées conjonctives et participiales.

Un complément circonstanciel est mobile, détachable, supprimable ; il est généralement introduit par une préposition caractéristique :

Il étudiait l'astronomie pour se distraire (c. c. but) / Pour se distraire, il étudiait l'astronomie. / Il étudiait l'astronomie.

Un complément circonstanciel possède une autonomie sémantique ; isolé, détaché, il est encore reconnaissable comme tel. Cela est dû à la liaison entre le sens de la préposition et le sens du syntagme qui suit (ex. : la préposition sur prend un sens locatif si elle est suivie d'un GN concret, correspondant à une surface). Le sens du complément se définit par rapport au reste de la phrase, et non par rapport au verbe seul.

On reconnaît généralement : temps, lieu, les modèles même des circonstances (décor, cadre, de n'importe quelle action ou situation) / les modalités de l'action : manière, moyen / rapports logiques entre les événements : cause, conséquence, concession (ou opposition), but (ou intérêt), hypothèse + comparaison (analyse problématique). L'existence d'un complément circonstanciel d'accompagnement est très discutable : il s'agit très souvent d'un COI introduit par avec.

Il existe de nombreuses subordonnées conjonctives de temps (avec quand, lorsque, dès que, avant que...), de cause (parce que, puisque...), de conséquence (de sorte que...), de concession (bien que, quoique...), d'hypothèse (si, au cas où...), etc. Il n'existe pas de subordonnées de lieu ni de moyen ; pour la manière, à la rigueur avec sans que, mais c'est plutôt l'opposition. Les rapports logiques s'expriment souvent avec des subordonnées.

 

C - LES FONCTIONS SECONDAIRES

Les fonctions secondaires ne se situent plus dans le cadre de la phrase, mais dans celui du syntagme, du groupe nominal.

1) Les compléments dits déterminatifs

Les compléments du nom, du pronom ou de l'adjectif se situent à l'intérieur du groupe. Il s'agit de fonctions nominales, prépositionnelles, non essentielles par rapport au verbe, mais non mobiles, non détachables, et dont la liaison sémantique est forte avec l'élément qui régit le groupe :

la voiture de mes parents : complément du nom voiture

celle de mes parents / quelques uns de mes amis : complément du pronom celle / quelques uns

rouge de confusion : complément de l'adjectif rouge

2) L'épithète

C'est une fonction adjectivale : l'adjectif est placé à côté du nom, non détaché ; il s'accorde avec lui ; il n'est pas essentiel en principe. On peut trouver des équivalents à l'adjectif : certains compléments du nom, et la subordonnée relative, qui est à analyser avec des fonctions d'adjectif (épithète / apposée / attribut [du COD uniquement]) :

un grand personnage / un personnage intéressant / un personnage de grande envergure / un personnage qui a marqué son temps

L'épithète, adjectivale, sert normalement à caractériser, décrire ; des nuances sont parfois à apporter concernant l'importance de l'adjectif, ou le sens lié à la place (un grand homme / un homme grand). Surtout, il existe des adjectifs dits épithètes qui correspondent à un complément du nom, et sont difficilement supprimables : la lumière solaire = la lumière du soleil ; le voyage présidentiel = le voyage du président. L'analyse traditionnelle montre là ses limites, et l'étude du groupe nominal met à jour de nombreuses complexités.

3) L'apposition

C'est une fonction adjectivale, non essentielle, qui peut être assumée aussi par un groupe nominal. L'apposition est à côté d'un nom, en position détachée (le GN apposé est souvent derrière, à cause du risque de confusion). Elle sert à apporter un élément de sens accessoire, à but descriptif, voire circonstanciel (causal, concessif, ou hypothétique, sans être complément). Quand il s'agit d'un groupe nominal, il y a en outre identité avec l'élément dont il dépend, comme pour l'attribut :

Rusé, le renard se méfie des appâts. (adjectif apposé à renard)

Le maire, un paysan du village, connaissait bien ses administrés. (GN apposé à maire)

Ce renard, qui était rusé, ne se méfia pourtant point. (sub. relative appositive, à sens concessif)

 

Remarques :

1) certaines locutions dites énonciatives échappent à l'analyse, comme l'apostrophe :

Toto, mange ta soupe !

ou comme certains adverbes :

Naturellement, il est encore en train de s'amuser !

L'adverbe, ici, ne fait que souligner l'opinion du locuteur. L'enfant ne s'amuse pas " d'une façon naturelle " ! Rappelons que la situation d'énonciation relève du je / ici / maintenant, c'est-à-dire de la position du locuteur.

2) La limite est parfois floue entre les fonctions, en particulier entre les compléments d'objet et les autres compléments de verbe, et entre ces derniers et les compléments circonstanciels ; un complément apparemment circonstanciel peut se révéler difficilement détachable ou supprimable.