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UNITÉS LINGUISTIQUES

V – LE MOT

Le mot est intuitivement senti comme l'unité de base du système que forme la langue, mais son statut n'est pas sans poser des problèmes.

Au départ, le mot est une unité du langage écrit : il est constitué de lettres accolées, et dans un texte, il est isolé par des espaces blancs, et / ou par la ponctuation.

— Pourtant, l'histoire du vocabulaire montre que des éléments autrefois séparés forment aujourd'hui des mots : aujourd'hui (au jour d'hui) — lendemain (l'en demain)...

— Faut-il considérer du (ou au) comme un mot, alors qu'il comporte deux parties du discours ?

pomme de terre représente une partie du discours (insécable), mais 3 mots, ou 1 seul ?

Pour l'immense majorité des mots, la manière dont ils se constitue suit deux règles :

Par exemple, un nom correspond à une définition. On peut poser les questions :

Qu'est-ce qu'un guéridon ? C'est une petite table ronde à un pied.

Comment s'appelle une petite table ronde à un pied ? Cela s'appelle un guéridon.

On ne peut pas inverser :

*Comment s'appelle un guéridon ? *Qu'est-ce qu'une petite table ronde à un pied ?

On ne peut pas poser ces questions avec une expression qui est en construction libre :

*Qu'est-ce qu'une grande table ovale à quatre pieds ? Mais : Comment s'appelle une grande table ovale à quatre pieds ? (s'il existe un mot correspondant à cette définition)

Certaines expressions correspondent pourtant à ce questionnement :

Qu'est-ce qu'une pomme de terre ? *Comment s'appelle une pomme de terre ?

On considère alors que ces expressions sont lexicalisées, et fonctionnent comme des mots uniques. On parle alors de "locutions" (plutôt pour les unités grammaticales, comme les prépositions), ou on les intègre dans les mots composés (pour les unités lexicales, comme les noms ou les verbes). A l'intérieur de ces ensembles, les éléments ont complètement perdu leur autonomie.

Enfin, un autre problème se pose quand un mot prend plusieurs formes, selon les circonstances : au minimum, il peut s'agir d'un accord, en genre ou en nombre. Le s du pluriel ou le e du féminin changent peu de choses, et n'empêchent pas de reconnaître qu'il s'agit du même mot ; même le pluriel de cheval en chevaux, avec pourtant un net changement phonétique. Cas extrême : un œil, des yeux.

Pour les verbes : le verbe savoir (sais — savons — sus — sache) ne garde que le s de commun. Quant au verbe aller : vais, va — allons — irai... Intuitivement, on continue de penser qu'il s'agit du même mot, ce qui ne serait pas évident pour un linguiste javanais étudiant le français !

Toutes ces variantes constituent des allomorphes. Une simple terminaison (pluriel, féminin, conjugaison) s'appelle une désinence. L'ensemble des désinences d'un mot constitue sa flexion. La flexion d'un mot est une indication essentielle quant à son appartenance à une catégorie déterminée.

Autre exemple : le pronom personnel. Les formes diffèrent tellement qu'on estime souvent, à tort, que ce sont des mots différents. Il vaut mieux parler des formes différentes du pronom personnel.