Le pluriel n'est plus ce qu'il était
Dans la mesure du possible, évitez de vous exprimer comme certains journalistes, ou tous ces braves gens qui, croyant bien faire, massacrent la syntaxe française sur les médias :
On ne s'étonnera pas qu'elle
penche, la Tour de Pise, si elle reçoit d'un coup un paquet d'un million
de touristes ! Comment peut-on dire autrement ? 999 999 touristes ont visité...
Bon. Rajoutez 1 : on arrive à 1 million de touristes, non ? Ce
n'est pas pour cela que un million est devenu un nom commun ! C'est
toujours un déterminant, un adjectif numéral
cardinal.
De même qu'une trentaine, ou une centaine,
qui ne sont qu'une approximation de trente ou cent. Il ne viendrait
pas à l'idée des journalistes de dire : Trente personnes
a été évacuée... La langue française est ainsi, nous utilisons des termes
qui ont une apparence de noms parce qu'ils intègrent un ancien article, mais
ce ne sont pas des noms, mais des déterminants ;
pas plus qu'il n'y a d'article véritable dans les pronom possessifs le mien,
les nôtres... Il faut considérer ces locutions comme des
déterminants quantitatifs approximatifs
(proches des adjectifs numéraux). L'accord doit donc se faire
obligatoirement avec le nom pluriel qui suit, qui est le véritable sujet !
Il en sera de même avec les expressions la
majorité des... / Une partie des... / un tiers, un quart, la moitié
des..., etc. Si le nom qui suit est pluriel, le verbe s'accordera avec ce
nom.
Exception : quand une majorité (ou autre ensemble) est
bien constituée et possède une unité, comme une majorité
politique à l'Assemblée Nationale ou au Sénat. Est-ce vraiment
le cas concernant ladite majorité des journalistes et actionnaires du
journal Le Monde (Télérama), ou, pire, celle des
plus de 55 ans (Challenges) ou celle des espèces (Sciences
& Vie) ?
On distinguera ainsi :
Et la plupart ? Cela existe, une plupart ? Vous en avez déjà eu une dans votre poche ? Depuis quand ce terme est-il un nom ?! Il le fut certes à l'origine, au XVème siècle, lors de la création d'une locution avec l'adverbe plus et le nom part, mais la forme soudée par l'usage ne joue strictement aucun rôle nominal. Même un certain nombre, c'est un déterminant approximatif, mais ce sont les enfants qui ont peur du noir ! Grammaticalement, tout cela appartient à la grande catégorie des déterminants quantitatifs. Ceux qui sont précis, chiffrés, sont à considérer comme des adjectifs numéraux. Les autres, vagues comme la plupart de...ou bien des.., beaucoup de..., nombre de..., sont des adjectifs indéfinis, catégorie hautement hétérogène. Ces déterminants se transforment en pronoms en cas d'ellipse du nom, dont on conservera alors le genre et le nombre implicites pour accorder le verbe, le participe ou l'adjectif. Il se trouve tout simplement que la langue du XVIIème siècle, friande de périphrases, a voulu remplacer des termes d'apparence archaïque comme maint ou moult par des locutions plus vigoureuses ; ce fut un enrichissement ; il n'y a aucune raison pour des gens qui monopolisent les micros se permettent de décarcasser la syntaxe française, par ignorance des règles.
On remarque d'ailleurs souvent un embarras des journalistes qui choisissent, par hypercorrection (correction abusive), d'utiliser le singulier à la place du pluriel. Le verbe ou l'auxiliaire est ainsi accordé au singulier avec le pseudo-nom chef de groupe, le participe ou l'adjectif qui suit reste au singulier, mais s'accorde en genre avec le nom pris faussement pour un complément, mais qui est le véritable sujet. La logique voudrait pourtant qu'on obtienne :
J'imaginerais volontiers entendre un jour « Une
dizaine de gros machos est présente à une réunion contre
l'homosexualité... ».
Une journaliste de la presse écrite m'a confié
que la question était évoquée dans les rédactions. Il est pourtant étonnant
que, particulièrement sur les ondes nationales, jamais l'on ne demande l'avis
d'un véritable spécialiste de la langue, c'est-à-dire un grammairien.
Retour à la page Langue Française