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HISTOIRE DE LA PRONONCIATION
(PHONÉTIQUE HISTORIQUE)

L'utilisation de l'alphabet phonétique (API) est ici limité, pour des raisons pratiques liées aux polices de caractères. Les notations phonétiques en API sont entre crochets.

I - L'évolution générale de la langue

1) Problèmes et méthodes

Il n'est pas facile de faire avec précision l'histoire de la prononciation, car on a besoin d'indications aussi exactes que possible ; pour l'écrit, on dispose de documents, à partir du XIème siècle surtout ; pour l'oral, on n'a pas d'enregistrement de la voix parlée avant 1877, et les premières études datent de 1889. Pour les périodes qui précèdent, il faut reconstituer, et on manque de textes pour toute la période où le français s'est constitué. Quelques éléments toutefois :

2) Les causes de l'évolution

II - Caractéristiques du latin

Ceci ne concerne bien sûr que les polysyllabes. Les monosyllabes portent un accent, sauf s'ils font corps avec le mot qui précède, comme -que (= enclitiques) ou avec celui qui suit (= proclitiques), comme en français les articles ou les pronoms sujets ne portent pas d'accent ; il en est de même pour certaines particules en latin (les prépositions). Les mots de 2 syllabes portent l'accent sur la 1ère.

En français moderne, l'accent est en général à la fin d'un groupe rythmique, mais les intentions stylistiques créent d'autres accents.

III - Principaux phénomèmes touchant les voyelles

1) L'effacement des voyelles atones

tonique : qui porte l'accent

atone : qui ne porte pas d'accent

amuïssement : un phonème s'amuït quand il perd progressivement son articulation et qu'il cesse de s'entendre (s'amuïr = devenir muet)

Les voyelles atones s'effacent quand elles sont :

placées après la voyelle tonique, dès le latin :

placées avant la voyelle tonique, aux IVème - Vème siècles :

ou simple affaiblissement en e central (faussement appelé "muet") :

les voyelles autres que a tombent au VIIème siècle :

la voyelle a, plus résistante, s'affaiblit en e central, au VIIIème siècle :

2) La diphtongaison des voyelles toniques libres

voyelle libre : la syllabe ne se termine pas par une consonne

voyelle entravée : la syllabe se termine par une consonne

une diphtongue est une voyelle qui change de timbre en cours d'émission ; on n'a affaire qu'à une seule syllabe, aucune coupe n'intervient entre les deux segments ; cela implique une certaine durée de la voyelle

Remarque : les oppositions de longueur ont disparu au XXème siècle, sauf en Wallonie, en Suisse, en Normandie. Au XIXème, on marquait encore une différence entre voyelle / voyelle + e muet, différence marquée par la longueur, alors qu'antérieurement, on entendait le e final : un bout / la boue, un ami / une amie (le féminin des adjectifs et des adjectifs substantivés s'entendait). De nos jours, il reste une longueur particulière du â et du ê, bien que cela s'atténue en langue familière.

3) L'affaiblissement ou la disparition des voyelles non accentuées

En position faible, surtout prétonique (devant la syllabe accentuée), ou en fin de mot, la voyelle s'est affaiblie et a souvent disparu, sauf le a, qui s'affaiblit en e central, et en e sourd à la fin d'un mot.

4) La nasalisation

C'est l'influence d'une consonne nasale (n / m) sur la voyelle qui la précède.

IV - Principaux phénomènes touchant les consonnes

Rappel : les consonnes sourdes et les consonnes sonores forment des "couples" :

sourdes
k
t
p
ch
s
f
sonores
g
d
b
j
z
v

(en orthographe normale, non phonétique)

1) Les consonnes finales

2) Les consonnes intervocaliques

3) l devant consonne

Le l devant consonne se vocalise (devient voyelle) en u aux VIIIème - IXème siècles. Cela concerne en particulier (mais pas seulement) le l se trouvant devant un s, à la finale ; rappelons que ce s était à la fois la marque du cas sujet (nominatif) singulier et du cas régime (accusatif) pluriel. La consonne l était plus en arrière, plus vélaire que le l que nous connaissons. Son articulation s'est affaissée, ce qui s'est accompagné d'un arrondissement des lèvres, pour produire une semi-consonne [w], qui s'est ensuite vocalisée en [u], voire [o] :

On comparera :

4) s devant consonne

Il s'amuït, disparaît, aux XIème - XIIème siècles : testa > tete (tête)

Le s est resté dans des mots " savants " comme destrier, ou bien s'est figé dans il est.

5) L'épenthèse

L'épenthèse est l'apparition d'une consonne intercalaire (dite épenthétique), entre 2 consonnes (différentes) dont la succession provoque une gêne articulatoire ; comme ces 2 consonnes sont trop éloignées l'une de l'autre dans l'articulation, on intercale entre elles une autre consonne, toujours occlusive.

6) La métathèse

La métathèse est l'interversion de 2 phonèmes à l'intérieur d'un mot pour obtenir un meilleur enchaînement phonique. Ce phénomène concerne surtout en français la consonne r ; le plus souvent, c'est le passage d'une position implosive en fin de syllabe à une position explosive par association avec la consonne qui commence la syllabe.

7) La palatalisation

La palatalisation est une influence que subit une consonne au contact d'une voyelle palatale, comme i, e. C'est un renforcement articulatoire qui élève le dos de la langue vers le point le plus haut du palais, à la jonction du palais dur et du palais mou (voile). Ce point correspond au lieu d'articulation du yod [j]. Outre l'élévation verticale, la consonne influencée, selon sa position d'origine, devra aussi avancer ou reculer son point d'articulation. Autrefois, on parlait de consonnes mouillées, donc de mouillure, ou de mouillement de la consonne.

Par exemple : n mouillé, palatalisé = gn, comme dans montagne, ou cañon ; ou g mouillé dans l'italien maglia.

Les palatalisations entraînent certains problèmes de graphie : g / j, c / ç

8) L'assimilation

L'assimilation est la communication, partielle ou totale, des traits articulatoires d'un phonème dominant à un phonème plus faible qui se trouve à son contact, voire un peu plus loin.

Exemple dans un texte : "soit ou en forest ou em prez" (Roman du Comte d'Anjou, de Jehan Maillart, 1316)

9) La dissimilation

La dissimilation est un phénomène inverse du précédent. Deux phonèmes identiques, trop proches à l'intérieur du mot, provoquent une difficulté, et l'un des deux change alors d'articulation. Le phonème prépondérant dépossède totalement ou partiellement le phonème qui se trouve à son contact (différenciation) ou à distance (dissimilation) des traits qu'ils ont en commun.