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Un exemple de dialecte d'Oïl :
Le Picard

Nous (les gens du Nord, improprement appelés Ch'timis) connaissons le Picard comme patois régional, vu généralement comme le mode d'expression "naturel" des gens peu cultivés, et finalement comme une forme de français déformé, de "mauvais français", affligé d'un accent plutôt vulgaire, avec quelques incorrections typiques...

Cette vision est extrêmement réductrice. Rappelons que la notion de "mauvais français" est principalement un préjugé d'ordre historique : la monarchie a fortement contribué à étendre le français d'Ile-de-France en tant que langue nationale (pour Vaugelas, il fallait se conformer à l'usage de «la plus saine partie de la cour») ; puis, ce dont la Révolution a rêvé, Jules Ferry l'a fait, avec l'école laïque, obligatoire, gratuite et française : interdire à l'école l'usage des langues régionales, en renforçant le préjugé à leur égard.

Certes, l'essentiel de la littérature "de haut niveau" (comme diraient les sportifs) est d'expression française "centrale", par nécessité. Eussions-nous eu des rois picards que la face de la langue française en eût été profondément changée.

Le picard est bien plus qu'un vague patois ; les spécialistes le considèrent comme une véritable langue régionale, dotée d'une morphologie complexe et d'un lexique conséquent et évolutif. En fait peu de gens aujourd'hui le maîtrisent réellement, et c'est vrai que cette langue riche, d'origine paysanne comme toutes les langues régionales, se trouve aujourd'hui bien appauvrie. On remarquera que c'est une des rares langues régionales à être passée de paysanne à ouvrière. Ce transfert, avec les mélanges de populations d'origines diverses (apports d'autres régions de France et de populations d'origines étrangères), a certainement entraîné une réduction dans l'usage de la morphologie propre (peu connaissent aujourd'hui les subjonctifs picards) et celui du lexique rural. Son phonétisme germanique lui confère une rudesse qui contribue à alimenter le préjugé, alors que le provençal, et tout caractère méridional d'ailleurs, apparaît comme nettement plus poétique.

I - Histoire

Le picard est une langue d'oïl, comme le francien ou le normand. Il est à base latine, ce qui ne renvoie pas au latin classique, celui de Cicéron, mais au latin parlé, celui des légions romaines qui ont conquis la Gaule, assez différent dans sa morphologie, son phonétisme ou son lexique. Ce latin s'est superposé à un substrat particulier, similaire à celui des tribus du Belgium. Mais ce qui l'a profondément modifié, c'est l'apport germanique, par une présence des Francs sans doute plus importante et plus durable que dans les autres régions d'oïl. La proximité des zones flamandes, donc germaniques, entraîne aussi nécessairement une influence linguistique.

Littérature :

II - Phonétisme

Quelques traits picards, classiques en patois du Nord. L'orthographe proposée est souvent approximative. Les quelques éléments en API ci-dessous (entre crochets) utilisent des polices de caractères normales.

1) Voyelles

2) Consonnes

III - Morpho-syntaxe

IV - Lexique

Le lexique picard est riche d'un grand nombre de mots originaux, ou qui paraissent tels. En fait, soit il s'agit de vieux mots français, d'étymologie parfaitement latine (nous parlons donc plus ou moins en ancien français...), éventuellement modifiés par le phonétisme régional ; soit il s'agit effectivement de termes originaux, d'étymologie germanique. Voici quelques exemples typiques :

1) Mots anciens

2) Termes originaux :

Toute remarque sur certaines étymologies proposées ci-dessus comme incertaines sera la bienvenue.