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INTRODUCTION : L'ÉVOLUTION DES LANGUES

L'évolution d'une langue peut se comparer à celle des espèces animales ou végétales. Certains changements, concernant l'homme ou une autre espèce, sont perceptibles dans le cadre d'une vie, mais pour qu'on en arrive à considérer qu'une espèce a fait place à une ou plusieurs autres, il faut beaucoup plus longtemps, et nul ne peut être témoin d'un changement de cette importance.

A brève échéance, on est témoin des changements lexicaux : des mots nouveaux apparaissent, ou bien encore des mots peuvent changer de sens suite à une mode ; c'est particulièrement facile pour les mots importés, comme “cool ”, qui n'a pas le même sens pour ceux qui l'ont utilisé dans les années 70 et pour leurs enfants. Un adverbe comme trop prend aujourd'hui le sens de très, voire celui d'un adjectif au superlatif (c'est trop = c'est très bien). Quant à grave...

Dans la durée d'une vie, on est encore témoin de certains changements phonétiques, c'est-à-dire de prononciation : confusions  é /  ait (= é / è), un / in (à l'oral) ; les liaisons sont nettement en perte de vitesse, comme on le constate avec le nom euro, prononcé comme s'il commençait par un h ; dans le langage des « djeunes », les t et les d ne sont pas identiques à ceux de leurs parents.

Par contre, les changements syntaxiques sont beaucoup plus lents, et quasiment imperceptibles dans le cadre d'une vie : changements de constructions, modification des désinences ou des formes verbales, nouveaux mots-outils (pronoms, déterminants, prépositions, conjonctions). On constatera pourtant qu'on est censé dire « je me le rappelle » (+ COD), alors que la plupart des gens disent « je m'en rappelle » (+ COI, tournure analogique d'après je m'en souviens ; de même, pallier à copié sur remédier à). Autre exemple, le subjonctif est moins utilisé qu'avant (chez Molière, les paysans utilisent des subjonctifs imparfaits... fautifs) ; pourtant, on a tendance à le mettre aujourd'hui derrière après que, par ressemblance avec avant que.

En l'espace de quelques siècles, une langue évolue tout en gardant son identité : on peut compter à peu près 8 siècles entre l'ancien français et le français actuel (de 1200 à 2000) ; il en est de même pour passer du haut allemand à l'allemand moderne.

Si on double la durée au moins, une langue donne naissance à une ou plusieurs autres langues : on passe du latin (2ème ou 3ème siècle après JC) au français, à l'italien, à l'espagnol, au portugais, au roumain. Les différences syntaxiques sont alors considérables ; le français est très différent du latin.

Les 4 domaines d'évolution :
(appliqués à la langue française)

1) Évolution phonétique :

La prononciation se modifie, bien que les mots restent théoriquement les mêmes ; on passe du latin classique au latin populaire, sensiblement différent, puis au gallo-roman (les gens ont longtemps cru qu'ils parlaient encore latin). La loi principale est la loi dite « du moindre effort » (appellation non scientifique !) ; c'est-à-dire que les locuteurs cherchent à réduire les difficultés, ils produisent moins d'efforts d'articulation ; les mots, ainsi, se raccourcissent à la longue, des syllabes finissent par disparaître.

Exemples, à partir du latin :

Comme aujourd'hui :

2) Évolution morphologique :

La morphologie concerne les désinences, comme pour les conjugaisons ; elle marque la variabilité des mots selon leur rôle dans la phrase.

les déclinaisons :

les conjugaisons :

3) Évolution syntaxique :

Elle est liée à la précédente, car il s'agit de morphologie syntaxique. Les constructions changent, par besoin de clarté : la morphologie simplifiée par rapport au latin conduit à un ordre des mots différents, et à l'utilisation de mots-outils, comme les prépositions. Exemple : le complément du nom se construisait au génitif, sans préposition ; en AF puis en FM, on ajoute une préposition, à cause de la disparition du génitif, et l'ordre des mots est obligatoire. De même pour le datif, sans préposition, remplacé par le COI 2nd, avec préposition à.

L'effet est d'ailleurs réciproque : l'utilisation de mots-outils rend inutile une déclinaison par ailleurs déjà confuse. (=> quel est l'effet ? quelle est la cause ?)

4) Évolution sémantique :

Les mots changent de sens ; ils peuvent s'affaiblir, ou prendre un sens figuré métaphorique, etc. Il y en a aussi qui disparaissent, parce que d'autres ont pris leur place.

Exemples :