Le futur et le conditionnel
1) Le futur
Les formes classiques du futur correspondaient à 2 terminaisons différentes, selon le groupe : -bo (amabo, futur de amare) ou -am (legam, de legere). Le futur en -bo a disparu en latin populaire. Le futur en -am, suite à l'évolution phonétique, tend à se confondre avec le présent, et disparaît en roman. Ce sont des formes périphrastiques (des périphrases) qui vont remplacer les formes classiques et donner le futur français.
En fait, dès le latin classique, le locuteur a le choix entre plusieurs constructions de ce type, utilisant soit le verbe avoir (habeo) derrière ou devant l'infinitif, soit les verbes devoir et vouloir (debeo, volo) devant l'infinitif. On comparera ces périphrases à celles du français : j'ai à faire... / Je dois faire... / Je vais faire... Le futur y est lié à une notion d'obligation. La forme qui l'emportera définitivement, c'est infinitif + avoir (au présent) : cantare habeo = j'ai à chanter, je chanterai.
Le verbe avoir (habere, habeo à la 1ère personne du présent) n'est plus senti comme verbe, mais comme auxiliaire de conjugaison. Puis, assez vite, se soudant à la consonne r de l'infinitif, il devient simple désinence. Il semble que tout cela soit accompli pour la fin du IVème siècle.
cantare
habeo > cantarayo (IVème) > chanterai (2ème
pers. : > cantaras > chanteras) |
Il n'est guère difficile de s'apercevoir que les désinences du futur actuel sont les formes du verbe avoir au présent (-ai / -as / -a / -ont). Les 1ère et 2ème personnes du pluriel ont connu une réduction qui les a amenées à une seule syllabe (-ons / -ez) ; c'est la syllabe av- du radical originel qui est disparue, ce qui prouve bien que le verbe avoir n'était plus senti comme verbe mais comme désinence. Cette disparition semble aussi relativement ancienne. Même disparition, générale, de cette syllabe dans le conditionnel.
2) Le conditionnel
Pour le conditionnel, qui n'existe pas en latin, on trouve en bas latin : infinitif + verbe avoir à l'imparfait :
cantare habebam > cantaream > chanteraie (chanterais) / 2ème pers. : > cantareas > chanteroies |
Cette périphrase est plus tardive que la précédente. La nuance d'obligation y est sensible en latin tardif.
Les désinences du conditionnel ont été corrigées par la suite en même temps que celles de l'imparfait. La finale oie de l'imparfait a été refaite en ais. Au XVIème siècle, Ronsard accepte qu'on ajoute un s à la 1ère personne : avois au lieu de avoi, par licence (poétique?), ou par utilisation de la 2ème personne à la place de la 1ère pour permettre une liaison, et « afin d'éviter un mauvais son ». Au XVIIème siècle, le s final est devenu plus ou moins régulier.
Rappelons que le conditionnel se comporte soit comme un temps (de l'indicatif : le « futur du passé »), soit comme un mode (hypothèse, affirmation sous réserve, etc.).