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Corrigé des exercices sur les natures

PERDICAN
Insensés que nous sommes ! nous nous aimons. Quel songe avons-nous fait, Camille ? Quelles vaines paroles, quelles misérables folies ont passé comme un vent funeste entre nous deux ? Lequel de nous a voulu tromper l'autre ? Hélas ! cette vie est elle-même un si pénible rêve ! pourquoi encore y mêler les nôtres ? O mon Dieu ! le bonheur est une perle si rare dans cet océan d'ici-bas ! Tu nous l'avais donné, pêcheur céleste, tu l'avais tiré pour nous des profondeurs de l'abîme, cet inestimable joyau ; et nous, comme des enfants gâtés que nous sommes, nous en avons fait un jouet. Le vert sentier qui nous amenait l'un vers l'autre avait une pente si douce, il était entouré de buissons si fleuris, il se perdait dans un si tranquille horizon ! Il a bien fallu que la vanité, le bavardage et la colère vinssent jeter leurs rochers informes sur cette route céleste, qui nous aurait conduits à toi dans un baiser ! Il a bien fallu que nous nous fissions du mal, car nous sommes des hommes ! O insensés ! nous nous aimions.
     (Musset, On ne badine pas avec l’amour, Acte III, scène VIII)

Vérification par transformation : Nous sommes insensés (remplacement du pronom par son antécédent)
Le pronom : c'est un mot variable selon sa fonction ; ici, c'est la forme régime direct, correspondant souvent au COD, mais on sait que le sujet réel et l'attribut du sujet ont beaucoup de ressemblances formelles avec le COD.
Ici, ce pronom est attribut du sujet nous, ce qu'on vérifie dans la transformation.
Le pronom remplace son antécédent, ici l'adjectif insensés. C'est un cas de figure qui existe.

La subordonnée : le pronom relatif introduit une subordonnée relative, [que nous sommes]. Cette subordonnée assume des fonctions adjectivales : normalement, elle devrait être épithète de son antécédent ; cela ne pose pas de problème quand l'antécédent est un nom, mais ici, c'est un adjectif ; la fonction complément de l'adjectif serait également impossible à justifier. La réalité est que nous sommes en présence d'une mise en relief de l'attribut, et cette tournure ne suit pas les règles syntaxiques normales. C'est dans cette mise en relief qu'on peut trouver un adjectif antécédent du pronom relatif, mais l'analyse devient problématique.

La transformation en phrase d'une subordonnée relative se fait par remplacement du pronom par son antécédent : Nous sommes insensés.

C'est un mot variable en genre et nombre, accordé ici avec le nom songe, masculin singulier. C'est le déterminant de ce nom, devant lequel il est placé, et qu'il actualise en lui permettant de former un syntagme (ce syntagme est COD du verbe faire). Il sert à interroger sur le songe en question, et donne ainsi la tournure interrogative de la phrase.

C'est un mot invariable, qui introduit un groupe nominal (un vent funeste) pour lui permettre de prendre une fonction dans une phrase. On analysera cette fonction comme un complément circonstanciel de comparaison. Rappelons qu'une autre analyse est possible, qui ferait de comme une conjonction de subordination, et du groupe nominal le sujet d'une subordonnée conjonctive elliptique.

C'est un mot variable en genre et nombre, ici au masculin singulier (le pronom interrogatif est globalement variable selon son sens, secondairement selon sa fonction, mais la présente forme, que nous qualifierons de passe-partout, marque surtout le genre et le nombre, et se contracte avec les prépositions à et de). Il assume une fonction nominale, sujet du verbe vouloir. Il trouve son référent de manière partielle et cataphorique dans le pronom nous situé derrière lui, et exprime une interrogation sur ce référent.

C'est un mot variable en genre et nombre (en principe, mais la forme est unique pour les deux genres), ici il est au singulier. Il assume une fonction nominale, COD de tromper. C'est un quantitatif vague, avec une incertitude concernant l'élément de la réalité auquel il renvoie.
Morphologiquement, ce pronom fonctionne comme une locution (il en est de même du déterminant), puisqu'il est associé à un premier mot qui est au départ un article défini (ce pourrait être un article indéfini). Les indéfinis posent des problèmes de définition et de reconnaissance.

C'est un mot variable en genre et nombre, ici au féminin singulier, accordé avec le nom vie. C'est le déterminant de ce nom, devant lequel il est placé et qu'il actualise dans la phrase. Il sert à désigner avec précision la vie à laquelle le locuteur fait allusion.

C'est un mot invariable, grammaticalement supprimable, et qui vient apporter une notion sémantique de degré, d'intensité, à l'adjectif pénible devant lequel il est placé (rappelons qu'un adverbe de mot a une place fixe).

C'est un mot invariable, qui assume une fonction de type adverbial, complément circonstanciel de cause. Une fonction adverbiale a la caractéristique de s'appuyer sur son sens, les aspects syntaxiques et sémantiques étant indissociables. Ce mot exprime donc la cause à lui tout seul, avec l'aspect interrogatif qui donne la tournure de la phrase. Bien qu'il soit placé en tête, il n'introduit pas la phrase (rien n'introduit une phrase), puisque le langage familier place les mots interrogatifs en fin de phrase.

C'est un mot délicat à analyser, car il peut être pronom ou adverbe, et la tradition parle de pronom adverbial, ce qui reste forcément ambigu. Nous l'analyserons comme adverbe quand il assume une fonction adverbiale (complément de lieu), tout en signalant que même dans ce cas, il remplace un groupe nominal assumant une telle fonction. Nous l'analyserons sans hésitation comme pronom personnel quand il assume une fonction nominale, du type COI. Ici, il s'agit de mêler une chose à une autre, et le verbe mêler est suivi d'un COD 1er (les nôtres) et d'un COI 2nd. Le pronom y est donc ici COI 2nd de mêler. Il remplace, selon l'interprétation, soit le GN cette vie, soit l'attribut de celui-ci un si pénible rêve (il y a identité entre les deux). Il a donc les caractéristiques syntaxiques et sémantiques des pronoms personnels, qui sont en outre variables selon leurs fonctions, comme c'est le cas ici : il correspond à un complément (COI) introduit par la préposition à. C'est un remplaçant total du GN qui est son antécédent, ce qui est une caractéristique des pronoms personnels de 3ème personne.
Le pronom en (voir plus loin) se trouve dans la même situation, correspondant à un complément introduit par de. Mais il peut être soit remplaçant total, soit remplaçant partiel, avec un sens partitif qui peut le faire analyser comme indéfini. On peut aussi dire que dans ce cas, il remplace totalement un GN dont le déterminant serait un article partitif...

Ce pronom a une forme de locution (les ne fonctionne pas comme un déterminant). Il est variable en genre, nombre et personne. Ici, il est au pluriel, avec une forme commune au pluriel pour les deux genres, et il marque un lien à une première personne du pluriel. Il assume une fonction nominale, COD de mêler. Il renvoie anaphoriquement au nom rêve situé dans la phrase précédente, mais c'est un représentant partiel, puisqu'il ne reprend que le sens général du nom, ce ne sont pas les mêmes rêves ; d'ailleurs, le nom était au singulier, et ici il s'agit d'un pluriel  ce sont les rêves « de nous » ; ce pronom établit un lien à une première personne du pluriel, correspondant au locuteur et à son allocutaire.

 Vérification par transformation : Nous sommes des enfants gâtés (remplacement du pronom par son antécédent)
Le pronom : c'est un mot variable selon sa fonction ; ici, c'est la forme régime direct, correspondant souvent au COD, mais aussi au sujet réel et à l'attribut du sujet.
Ici, ce pronom est attribut du sujet nous, ce qu'on vérifie dans la transformation.
Le pronom remplace son antécédent, ici le GN des enfants gâtés.

La subordonnée : le pronom relatif introduit une subordonnée relative, [que nous sommes]. Cette subordonnée assume des fonctions adjectivales : ici, épithète de son antécédent, qui est un GN, et cela ne pose donc pas le même problème que précédemment.

La transformation en phrase d'une subordonnée relative se fait par remplacement du pronom par son antécédent : Nous sommes des enfants gâtés.

L'analyse est similaire à celle du pronom y précédemment. La forme correspond à une 3ème personne, complément indirect introduit par de (quand c'est un GN). Sa fonction est nominale : COI de faire (on notera au passage que le GN un jouet est attribut de ce COI, ce qui est une situation unique avec le verbe faire). Il remplace intégralement le GN le bonheur exprimé plus haut dans le texte.
Faire du bonheur un jouet = le bonheur est devenu un jouet. C'est une situation attributive, marquant le changement d'état du COI.

c'est un mot invariable, qui n'assume pas de fonction, ne remplace rien, n'exprime aucun élément de sens.

son rôle est d'introduire la subordonnée conjonctive qui est ci-dessus entre crochets, et de lui permettre de prendre une fonction nominale, ici sujet réel du verbe impersonnel il a fallu ; ce mot est une marque de subordination, c'est-à-dire qu'il n'existe pas en dehors de la subordination.

la transformation en phrase de la subordonnée se fait par simple suppression de la conjonction : La vanité, le bavardage et la colère viennent jeter leurs rochers informes sur cette route céleste. La contrainte modale due au verbe falloir disparaît, et le verbe se met à l'indicatif ; il se met aussi au présent, la contrainte temporelle disparaissant également.

C'est un mot invariable. Il relie deux éléments à égalité syntaxique, qu'on peut appeler deux sous-phrases : une principale d'abord (suivie de sa subordonnée), et une indépendante ensuite. Il a une place fixe entre les deux. Il n'établit aucun lien syntaxique (il n'introduit pas une subordonnée !), mais établit un lien sémantique, qui relève de l'explication plutôt que de la cause.