LA PHRASE : corrigé des exercices
Exercice IIIb – Approfondissement
Dans le texte suivant, relevez et analysez les subordonnées, en indiquant tous les éléments nécessaires à leur reconnaissance.
Pendant l'été de 1892, notre père décida, dans une brutale illumination, que nous voyagerions tous en terre inexplorée. Selon lui, tout individu qui ne s'était pas une fois dans sa vie confronté au désert ou à la jungle n'était pas digne du genre humain. Les voisins goguenards purent donc voir la famille entière embarquer dans une incroyable carriole acquise lors d'une vente aux enchères. Au premier coup de manivelle, chacun se demanda si la rutilante machine n'allait pas se désagréger, mais enfin le moteur démarra, dans un grand tintamarre et beaucoup de fumée. Pourtant, avant que nous fussions sortis des faubourgs de Pantin, une sourde explosion retentit sous le capot...
1) Pendant l'été de 1892, notre père décida, dans une brutale illumination, que nous voyagerions tous en terre inexplorée
[Pendant l'été de 1892, notre père décida, dans une brutale illumination] : proposition principale.
Une principale est l'élément moteur d'une phrase complexe. C'est le verbe de la principale qui gère la phrase complexe. Dans une phrase simple, les fonctions sont assurées par des mots ou des groupes ; dans une phrase complexe, elles sont ou peuvent être assurées par des propositions subordonnées. Par exemple, l'épithète peut se trouver sous la forme d'un adjectif, ou celle d'une subordonnée relative ; un sujet ou un complément d'objet pourra être un groupe nominal ou bien une subordonnée conjonctive, interrogative (voire exclamative) ou infinitive ; un complément circonstanciel pourra être un adverbe ou un groupe nominal, ou bien une subordonnée conjonctive ou participiale.
que nous voyagerions tous en terre inexplorée : subordonnée
conjonctive pure (complétive)
— a) le subordonnant : que, conjonction de subordination
morphologie :
une conjonction de subordination est invariable.
contexte :
c'est une marque de subordination, c'est-à-dire un pur
subordonnant, qui ne se trouve que dans une situation de
subordination, en tête de la subordonnée conjonctive qu'elle
est chargée d'introduire.
syntaxe :
une conjonction n'a pas de fonction, elle permet à la subordonnée
d'en avoir une.
sémantique :
cette conjonction ne remplace rien (ce n'est pas un pronom), et
elle ne possède aucun aspect sémantique.
— b) la subordonnée :
fonction :
une subordonnée conjonctive pure assure une fonction nominale ;
celle-ci assume la fonction la plus fréquente : COD du
verbe de la principale, le verbe décida.
transformation :
elle se transforme en phrase simple par suppression de la
conjonction, et l'on obtient Nous voyagerons tous en terre inexplorée, si l'on rétablit le présent
dans le récit, ou les paroles du discours direct.
contraintes :
le verbe de la principale étant déclaratif, il n'entraîne
aucune contrainte modale ; tout au plus peut-on constater
la disparition d'une contrainte temporelle, due à la concordance des temps ;
le futur simple remplace le conditionnel présent dans la
transformation au discours direct. Pour rappel, le conditionnel est en premier
lieu un temps, ou un groupe de temps, qui devrait logiquement être
rattaché au mode Indicatif. Dans d'autres circonstances (expression de
l'hypothèse), il fonctionne comme un mode.
2) Selon lui, tout individu qui ne s'était pas une fois dans sa vie confronté au désert ou à la jungle n'était pas digne du genre humain.
[ Selon lui, tout individu (...) n'était pas digne du genre humain.] : proposition principale.
qui ne s'était pas une fois dans sa vie confronté
au désert ou à la jungle : subordonnée relative
— a) le subordonnant : qui, pronom relatif
morphologie :
le pronom relatif est essentiellement variable en fonction (qui
= sujet / que = COD, etc.), secondairement en sens (quoi
correspond à un élément chose) ; ici, c'est une forme
sujet.
Le pronom relatif peut transmettre un accord : celui du
verbe s'il est sujet, celui du participe passé s'il est COD. Ici, ce
pronom transmet à son verbe l'accord en masculin singulier, puisque ce
sont le genre et le nombre de son antécédent individu.
contexte :
le pronom relatif est une marque de subordination, un pur subordonnant, qui ne se
trouve que dans une situation de subordination, en tête de la
subordonnée relative qu'il est chargée d'introduire.
syntaxe :
un pronom relatif assure une fonction nominale à l'intérieur de
sa subordonnée ; ici, il est sujet du verbe se confronter.
sémantique :
le pronom relatif est un pronom remplaçant anaphorique total :
il remplace totalement son antécédent tout individu,
situé juste devant lui.
— b) la subordonnée :
fonction :
une subordonnée relative assure une fonction adjectivale par
rapport à son antécédent ; celle-ci est épithète de
son
antécédent tout individu, dont elle n'est pas détachée,
et dont elle exprime une caractéristique essentielle, un élément
de reconnaissance déterminatif.
transformation :
une subordonnée relative se transforme en phrase simple quand on
remplace le pronom par son antécédent : Cet individu ne
s'est pas une fois dans sa vie confronté au désert ou à
la jungle. Evidemment, on perd certains éléments sémantiques
propres à la phrase complexe, comme c'est toujours le cas pour une relative déterminative. Ici,
nous sommes amenés à dire Cet individu, celui à
qui on fait allusion, et qui est imaginaire.
Il en serait de même pour un adjectif épithète à
valeur déterminative. Par exemple, dans la phrase suivante, Un loup
vert, ça n'existe pas, essayez de supprimer l'adjectf vert, et
vous obtenez une absurdité : Un loup, ça n'existe pas.
L'adjectf épithète est essentiel pour la détermination
du nom.
contraintes :
pas de contrainte modale ici (un subjonctif pourrait être entraîné
par un superlatif par exemple) ; on peut faire disparaître
la concordance des temps, et mettre le verbe au présent, mais ce
n'est pas significatif.
3) Les voisins goguenards purent donc voir la famille entière embarquer dans une incroyable carriole acquise lors d'une vente aux enchères.
[ Les voisins goguenards purent donc voir] : proposition principale. Il saute aux yeux que cette proposition est incomplète, la tournure est incorrecte, puiqu'on supprime le COD du verbe voir. L'infinitif voir n'est pas le verbe d'une subordonnée, puisqu'il se rattache au sujet voisins, le verbe pouvoir ayant un rôle de semi-auxiliaire.
la famille entière embarquer
dans une incroyable carriole acquise lors d'une vente aux enchères :
subordonnée infinitive
— a) le subordonnant : il n'y en a pas.
— b) la subordonnée :
place :
la subordonnée infinitive se situe dans le contexte droit immédiat
du verbe qui la régit, juste derrière le verbe voir,
non détachable (aucune ponctuation ne peut séparer la subordonnée
du verbe principal).
construction :
le verbe embarquer est à l'infinitif, et il a un sujet
propre, qui est le syntagme nominal la famille entière. Le
sujet n'est pas inversé ici, parce que le complément qui suit
le verbe fait l'équilibre.
fonction :
la subordonnée infinitive assure une unique fonction nominale :
elle est COD du verbe de sa principale, le verbe voir.
transformation :
elle se transforme en phrase simple quand on conjugue le verbe : la famille entière embarqua
dans une incroyable carriole acquise lors d'une vente aux enchères.
contraintes :
le verbe de la subordonnée est à l'infinitif, et passe à
un mode personnel dans la transformation en phrase. La subordonnée
infinitive se trouve normalement, comme ici, derrière un verbe de perception
(voir, regarder, entendre, écouter, sentir). D'autres
cas sont plus discutables.
4) Au premier coup de manivelle, chacun se demanda si la rutilante machine n'allait pas se désagréger, mais enfin le moteur démarra, dans un grand tintamarre et beaucoup de fumée.
[Au premier coup de manivelle, chacun se demanda] : proposition principale. Comme précédemment, cette principale est grammaticalement et sémantiquement incomplète puisqu'on lui supprime son COD. Le découpage scolaire en propositions est artificiel, la subordonnée n'est pas en-dehors de la principale, elle lui appartient, elle fait partie d'elle !
si la rutilante machine n'allait
pas se désagréger : subordonnée conjonctive
interrogative totale
— a) le subordonnant : si, conjonction de subordination interrogative
morphologie :
une conjonction de subordination est invariable.
contexte :
c'est une marque de subordination, un pur subordonnant, qui ne se
trouve que dans une situation de subordination, en tête de la
subordonnée qu'elle est chargée d'introduire.
syntaxe :
une conjonction n'a pas de fonction, elle permet à la subordonnée
d'en avoir une.
sémantique :
cette conjonction ne remplace rien, et elle ne possède aucun
aspect sémantique autre que de montrer le sens interrogatif de
la subordonnée.
— b) la subordonnée
fonction :
la subordonnée interrogative assure la fonction nominale de COD
de se
demander.
transformation :
la subordonnée interrogative se transforme en phrase
interrogative directe : « La
rutilante machine ne va-t-elle pas se désagréger ? ». On constate que la conjonction interrogative disparaît,
ce qui est le cas dans les interrogations totales, dont la réponse
est Oui ou Non.
contraintes :
on note simplement la disparition de la concordance des
temps.
[mais enfin le moteur démarra, dans un grand tintamarre et beaucoup de fumée] : proposition indépendante, coordonnée par mais à la proposition principale qui précède. Une indépendante est une phrase simple, et la coordination joint deux éléments équivalents, souvent de même nature et de même fonction, avec des nuances (des équivalences, précisément). Les grammairiens ne sont pas forcément d'accord entre eux, mais on a le droit de faire un choix logique, qui consiste à réserver l'expression phrase complexe à la phrase qui contient des subordonnées. Par exemple, dans un oral d'agrégation, il faut exprimer clairement son choix.
5) Pourtant, avant que nous fussions sortis des faubourgs de Pantin, une sourde explosion retentit sous le capot...
[Pourtant, une sourde explosion retentit sous le capot] : proposition principale.
avant que nous fussions
sortis des faubourgs de Pantin : subordonnée conjonctive circonstancielle,
dite adverbiale
— a) le subordonnant : avant que, conjonction de subordination
morphologie :
une conjonction de subordination est invariable.
contexte :
c'est une marque de subordination, un pur subordonnant, elle se
situe en tête de la subordonnée qu'elle est chargée
d'introduire.
syntaxe :
une conjonction n'a pas de fonction, elle permet à la subordonnée
d'en avoir une.
sémantique :
cette conjonction possède une valeur sémantique, puisqu'elle va
conférer à sa subordonnée un sens temporel.
— b) la subordonnée :
fonction :
cette subordonnée assure une fonction adverbiale, celle de complément
circonstanciel de temps, un complément de phrase.
transformation :
elle se transforme en phrase simple par suppression de la
conjonction, et l'on obtient : Nous sommes (serons) sortis des faubourgs
de Pantin.
contraintes :
la conjonction avant que est nécessairement suivie du subjonctif,
car elle fait comprendre que l'action (ou le fait) n'est pas encore accomplie,
ce qui laisse planer un doute sur sa réalisation. Cette contrainte modale
disparaît dans la transformation de la subordonnée en phrase.