LE VERBE
CORRIGÉ
Exercice XV
(Étude des temps dans un texte de Victor Hugo)
Ce récit se déroule au passé. Il commence avec l'imparfait revenais, qui exprime l'action en cours, envisagée sous un aspect inachevé et duratif : aucune limite précise, début ou fin, n'est imaginable. Il s'agit là d'une sorte de trame de fond, comme un décor. Puis le récit lui-même démarre avec le passé simple je m'assis, suivi de je me mis : deux actions précises, successives, envisagées sous l'aspect achevé. C'est la première étape du récit. Suit une action qui va être interrompue : l'imparfait j'achevais, qui correspond précisément à... de l'inachevé, puisque l'auteur n'aura pas vraiment le temps ou la disposition d'esprit pour poursuivre ce qu'il a entrepris, et l'interruption est faite par deux autres actions précises et successives : les présents je lève et j'aperçois. L'imparfait regardait exprime enfin une attitude de l'ours qui dure depuis quelque temps, sans qu'on sache depuis quand, et on ne sait quand elle se terminera : aspect inachevé et duratif. Dans ce paragraphe, les actions j'achevais et regardait se mêlent dans la durée, elles se déroulent quasiment en même temps.
Ce qui est original et intéressant, c'est l'utilisation du présent, et les différentes valeurs des présents du texte. Je lève et j'aperçois sont bien sûr des présents de narration, qui remplacent des passés simples, et donnent plus de vie, de vigueur, à la narration, en mettant la scène sous les yeux du lecteur ; c'est un effet stylistique, ils correspondent à la surprise extrême, peut-être l'effroi de Victor Hugo, qui n'en croit pas ses yeux, ce que souligne le rythme de la phrase, coupée par des virgules qui font attendre la révélation finale ; l'imparfait regardait montre bien ce dont l'auteur prend conscience : l'ours est là à le regarder depuis un certain temps, sans qu'il s'en doute. Avant ces deux présents de narration, dans la remarque incise entre deux tirets, se trouve un présent véritable : je vois. Il nous indique, comme avec un geste de la main, ce que l'auteur constate en écrivant ce texte, car il a son " livre vert " sous les yeux, témoin de son ahurissement passé. C'est là une utilisation normale du présent, sa valeur de base. Cette incise au présent véritable rend plus aisé l'emploi des deux présents de narration qui suivent, ceux-ci s'intègrent plus facilement dans le récit. D'autant qu'à ce paragraphe va succéder un autre présent lui aussi parfaitement " naturel ", sans effet stylistique.
Le présent des verbes a et peut est en effet un présent de vérité générale, exprimant ce qui est toujours vrai, en fonction de l'expérience humaine. Cinq imparfaits descriptifs termineront ensuite le texte sur une sorte de portrait de l'ours.
Comme cela est fréquent, l'emploi du présent de narration est très limité, dans un contexte (et même une phrase) qui débute au passé et se termine de même. Ce qui est original, c'est la façon d'encadrer ce présent stylistique par deux autres présents sans valeur stylistique, et de favoriser ainsi son intégration.