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II - LES COMPLÉMENTS DE PHRASE

Les compléments circonstanciels sont des compléments de phrase.

Ils n'entrent pas dans le cadre de la phrase canonique, puisque qu'ils s'ajoutent à elle. Toutefois, on aura avantage à conserver une phrase verbale, affirmative, déclarative, sans effet stylistique.

Définir la notion de circonstant a toujours présenté des difficultés, et ce, peut-on dire, depuis le grec ancien... Cette notion repose surtout sur une intuition sémantique, ce qui explique les incohérences dans la tradition. Les auteurs se sont souvent contentés de dresser une liste, d’ailleurs jamais exhaustive, ou bien ils ont défini le circonstant comme ce qu’il n’était pas. Nous ferons état de ces difficultés ou de ces insuffisances.

Suivant la méthode qui consiste à rechercher la catégorie la plus simple pouvant assumer la fonction, nous dirons que le complément circonstanciel est au départ une fonction adverbiale. Le procédé de reconnaissance traditionnel à base de questions utilise précisément un questionnement adverbial : Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? etc.

Le panorama des « natures » possibles est un peu plus large :

Tous ces moyens syntaxiques ne sont pas interchangeables : on ne trouve pas systématiquement d’équivalence entre préposition et conjonction, ni un adverbe de substitution : quels sont les adverbes de conséquence en français ? Comment former une subordonnée circonstancielle de moyen ?

Le complément circonstanciel n'entretient pas de liaison morphologique avec les autres éléments de la phrase.

Le complément circonstanciel est un complément de phrase ; il est en principe mobile et détachable ; il peut même se glisser entre le sujet et le verbe :

Contrairement aux compléments de verbe, le nombre des circonstants n’est pas limité par la construction syntaxique, il ne l’est que par les exigences stylistiques : on peut accumuler un ou plusieurs compléments de temps, de lieu, de but, de cause, etc.

On peut juxtaposer ou coordonner deux circonstants différents, possédant suffisamment de points communs sémantiques (voir à la fin de ce chapitre) :

Quand il s’agit d’un syntagme, il est presque toujours prépositionnel : sur, sous, dans, avec, pour, malgré... + SN. Les rares constructions directes peuvent poser des problèmes d'analyse (complément de verbe ou de phrase ?) :

Remarques :

Dans le premier cas, l’enfant est chez lui, il a jeté des tomates chez moi ; dans le deuxième, il est chez moi, et il a jeté des tomates soit chez lui, soit chez moi ; ou bien, il m’a rendu service en éliminant des tomates pourries…

Comme pour d’autres notions, il faut prendre celle de la mobilité dans un sens aussi syntaxique que possible, et l’allier à la suppressibilité : le message de base reste bien « le fils du voisin a jeté des tomates ».

Un syntagme prépositionnel équivalent pourra pourtant récupérer la mobilité caractéristique des circonstants et se trouver antéposé, détaché :

Le complément circonstanciel est un constituant immédiat de la phrase : il ne se rattache ni au verbe directement, ni à un syntagme quelconque ; il ne participe pas à la valence verbale, il n’est pas prévu dans le « schéma actanciel » du verbe. Tout complément de verbe doit être exclu des circonstant, en dépit de l’intuition première. Dans un schéma en arbre, il se rattache à la racine de la phrase, comme le syntagme sujet et le syntagme verbal.

Le circonstant est un élément facultatif (ce qui ne signifie pas que tout élément facultatif soit un circonstant !). Il est donc supprimable :

Les réserves précédentes concernant la mobilité se retrouveront ici. On rappellera que la réduction d’une phrase à sa forme canonique est un artifice syntaxique. Le dernier exemple ci-dessus ne laisse pas deviner le sens précis du verbe jeter, mais ne contredit pas non plus le « message » de la phrase complète.

Aucun circonstant n’est pronominalisable par pronom personnel. Quand le lexique le permet, un circonstant est adverbialisable. Pourtant, les reprises anaphoriques véritables sont rares ; ce peut être le rôle d’un adverbe comme ou alors. Les pronoms adverbiaux en et y s’utilisent bien davantage pour les compléments de verbes.

Un complément circonstanciel, isolé, reste identifiable comme circonstant.

Le choix de la préposition est relativement libre par rapport au verbe. Ce choix est lié au contenu du syntagme qui suit. Une fusion s’opère entre le sémantisme de la préposition et celui du syntagme. La présence d’un lexique particulier ne relève donc pas du hasard : la préposition dans ne prend un sens de lieu que suivie d’un élément spatial, en deux ou trois dimensions (un champ, une salle…) ; on dira dans un champ, mais non *dans une place publique. La recevabilité d’un syntagme circonstanciel dépend également des autres éléments lexicaux de la phrase, le verbe surtout : on peut travailler, manger, dormir dans un champ, mais ne peut pas planer dans un champ.

L’autonomie sémantique du complément circonstanciel est grande sans être totale. Outre les contraintes lexicales que nous venons d’évoquer, nous rappellerons l’ambiguïté du syntagme dans mon jardin, antéposé ou postposé à la phrase le fils du voisin a jeté des tomates. Ce syntagme reste néanmoins identifiable comme complément de lieu, mais c’est sa place qui modifie le sens de la préposition dans, et le jardin deviendra soit « le lieu où est le sujet », soit « le lieu où il n’est pas ».

Ce qui est vrai d’un syntagme l’est aussi d'une subordonnée conjonctive, dont le sens (causal, etc.) est déterminé par la conjonction (ex : parce que), mais en liaison avec le sémantisme de la principale. La subordonnée participiale, elle, même isolée par sa ponctuation, prend un sens plus flou, bien que toujours circonstanciel :

Son cœur battant à rompre,... (concession ? [il continua] cause ? [il s’arrêta])

On considérera donc que le complément circonstanciel est sémantiquement sélectionné par la phrase. Mais on peut étudier plus finement la manière dont s’opère cette sélection.

Nous empruntons les deux remarques qui suivent à Langue Française n° 86, mai 1990, Sur les compléments circonstanciels, présenté par Danielle Leeman ; en particulier, les articles de Laurent Gosselin et Jean-Pierre Maurel.

Classement

La tradition dresse une liste confuse des circonstants, que l’on peut essayer de clarifier :

A l’intérieur de l’un de ces trois sous-ensembles, on peut souvent coordonner deux compléments différents : temps + lieu / manière + moyen / cause + but, etc.

Remarques :