LES FONCTIONS

INTRODUCTION

La grammaire telle que l'ont connue des générations d'écoliers au XXème siècle trouve ses bases dans les grandes réformes de 1910. Elle fut appliquée presque sans changement jusque dans les années 1960, voire 1970. C'est ce qu'on appelle la Grammaire Traditionnelle. Les définitions qui en constituent la base sont fortement marquées par des éléments de sens, des aspects sémantiques et notionnels. Les compléments circonstanciels s'y taillent une part disproportionnée (on en comptait 33 au début du XXème siècle...). Les anciennes éditions de l’ouvrage fondamental de Maurice Grevisse, Le bon usage (depuis 1936), sont de facture traditionnelle. Par la suite, cet ouvrage a été complètement refondu à la lumière des méthodes modernes.

Puis vient, tardivement en France, le bouleversement du Structuralisme, plus rigoureux, plus linguistique, qui par réaction bannit des définitions les éléments de sens et privilégie les aspects syntaxiques. Ouvrage marquant : la Grammaire Larousse du français contemporain de Jean-Claude Chevalier et al., parue en 1964, mais fondée sur des travaux qui remontent à 1945.

Depuis, les travaux de nombreux spécialistes ont encore fait progresser cette science, et quelques ouvrages généralistes font actuellement autorité, les plus récents étant bien sûr très novateurs, trop peut-être parfois, c'est une affaire d'appréciation. Citons les plus importants :

Pour les aspects généraux de la Linguistique, on se référera aussi avec profit à l'ouvrage suivant, destiné au départ aux classes de lycée, et assez contestable pourtant dans l'étude des fonctions :

Les définitions et les méthodes d'analyse ont changé, et cela ne doit pas étonner : la grammaire n’est pas une science exacte comme les mathématiques, qui n’ont pas elles-mêmes été à l’abri des évolutions.

La Grammaire Traditionnelle était notionnelle : elle élaborait des définitions en liaison avec les cadres de la pensée, ce qui explique la valorisation des aspects sémantiques. Il suffit de considérer les appellations, la plupart toujours utilisées, d'autres obsolètes : sujet / objet / agent / attribution... Ainsi, la notion de complément d'attribution (rebaptisé ensuite complément d'objet second, ce qui est plus exact, mais néglige l'appartenance du COS aux COI) repose sur le sens d'un verbe comme donner, ce qui pose problème au minimum pour les verbes de sens contraire. D'autre part, la grammaire traditionnelle s'inscrivant dans la lignée de la grammaire latine, cet héritage du datif fut longtemps catalogué comme «complément circonstanciel d'attribution» avant d'être reconnu comme complément d'objet, donc essentiel. On peut citer aussi le cas du complément d'agent, à l'ablatif en latin, et pour cette raison catalogué lui aussi comme circonstanciel, alors qu'étant lié au sujet, il est forcément essentiel.

Les méthodes linguistiques actuelles sont plus rigoureuses : elles font appel aux éléments de forme, de distribution et de syntaxe, en liaison avec des aspects sémantiques propres à l’énoncé. Elles ne cherchent plus à élaborer des définitions, mais à établir des caractéristiques, quitte à modifier les classements. C’est ce que nous détaillons dans la page suivante.

LA NOTION DE FONCTION

L'étude des fonctions syntaxiques appartient à celle de la phrase. Les fonctions concourent à la création d'un énoncé signifiant. Chacune exprime un rôle particulier joué par un élément par rapport à l'ensemble, ou à un autre élément qui lui-même se détermine par rapport à l'ensemble.

Une fonction se définit donc toujours en termes relationnels, puisque l'on parle du sujet de tel verbe, du COD de tel verbe, de l'attribut de tel sujet, du complément de tel nom, etc. Ainsi, l'apostrophe, non définie par relation, ne doit pas être considérée comme une fonction (elle s'étudie bien plus efficacement en termes d'énonciation).

D'autre part, il apparaît que la phrase, du moins telle qu'elle est construite en français, repose sur une hiérarchie. On dira ainsi COD du verbe untel, mais jamais verbe du COD untel. Il en ressort que, dans toutes les phrases verbales, le verbe est le pivot, l'élément moteur autour duquel s'articulent les fonctions principales, les fonctions dites primaires. Puis, à l'intérieur de chaque groupe dépendant du verbe, figurent des fonctions secondaires, comme le complément du nom, l'épithète, etc.

La relation est une relation de dépendance : un élément en régit un autre, ou plusieurs autres, le verbe se trouvant au sommet de la hiérarchie, et n'assumant lui-même aucune fonction, puisque c'est lui qui en confère aux autres éléments. Ou plutôt, sa fonction se confond avec sa nature : un verbe n'est verbe, c'est-à-dire actualisé comme tel, que quand il est le verbe d'une phrase, comme le roi n'est roi que s'il gouverne un peuple. On dira simplement qu'il est le verbe de la phrase étudiée, ce qui est bien encore une fois une définition relationnelle.

Préalable : la phrase de base

Le langage n'est pas réductible à un seul type de phrase. Il existe par exemple des mots-phrases, comme Bravo! etc. Il sera donc toujours avantageux de réduire toutes les phrases à une structure unique, qui servira de modèle, et que l'on appellera la phrase canonique.

  Définition :

Ce sera la phrase simple, minimale, déclarative (assertive).

On éliminera de la phrase tout ce qui n'est pas essentiel syntaxiquement. On réduira aussi tous les effets de style, les insistances si courantes dans la langue orale, les modalités d'énonciation, interrogations, injonctions ou exclamations, les négations, les tournures passives ou impersonnelles. Les constructions atypiques et la phrase complexe seront réduites à ce modèle. Les mots y reprendront leur ordre le plus courant. Cela demandera souvent des manipulations, ou des transformations.

Pour étudier une fonction, il faudra se demander : entre-t-elle dans le cadre le la phrase canonique ? C'est un préalable dont dépendra la reconnaissance de cette fonction.

  Utilité et validité du procédé :

Il ne s'agit pas de prétendre que l'apprentissage du langage démarre ainsi. Les phrases injonctives ou interrogatives, les phrases averbales aussi, les mots-phrases constituent une bonne part du dialogue entre une mère et son enfant. En fait, le langage que l'on assimile avec le temps se construit beaucoup plus de manière globale que suivant une certaine logique qui est celle de l'adulte qui analyse.

Simplement, il se vérifie que pratiquement toutes les phrases peuvent se réduire à un cadre simple : une sorte de structure abstraite, qui correspond à un point commun, un point de convergence de tous les énoncés. Il s'agit là en fait plus d'un aboutissement qu'un point de départ.

Ramener un énoncé à un cadre canonique représente un effort d'abstraction qui permet à cet énoncé, quel qu'il soit, de devenir analysable.

La catégorie, c'est l'appartenance à telle ou telle classe grammaticale, correspondant aux parties du discours, élargies aux constituants phrastiques, c'est-à-dire aux propositions. Dans le discours, quand on a affaire à des groupes, l'élément tête de syntagme définira la catégorie : ce qui est « nominal » concerne le syntagme nominal.

Si on étudie une fonction particulière, il faut se demander quelles catégories sont susceptibles de l'assumer : nous verrons qu'une fonction dite nominale peut être assumée dans le discours par un syntagme nominal, un nom propre, un pronom, un infinitif, certaines subordonnées, etc.

D'autre part, on classe en fonctions nominales, adjectivales, et adverbiales. Pourquoi ?

Les fonctions sont liées à certaines catégories de base dans la phrase canonique. Ainsi, la fonction épithète est une fonction dite adjectivale, la fonction sujet, une fonction nominale, la fonction complément circonstanciel de manière, une fonction adverbiale. C'est la réponse qu'on obtient quand on cherche quelles sont les parties du discours susceptibles d'assumer préférentiellement des fonctions dans la phrase simple (minimale, canonique), soit la catégorie la plus simple susceptible d'assumer la fonction.

Dans la phrase, la variabilité d'un élément se concrétise sous la forme d'un accord, lequel témoigne bien d'une relation entre les éléments de la phrase. En principe, un élément régissant peut imposer ses marques morphologiques à un élément régi. C'est la trace visible d'une dépendance, laquelle peut être réciproque, comme entre le sujet et le verbe. On trouvera cette trace morphologique d'une relation syntaxique quand on s'intéressera au sujet, au trois fonctions adjectivales, voire au COD.

La forme de certains mots peut en outre être en liaison directe avec sa fonction : c'est le cas en particulier des pronoms personnels, qui possèdent des formes sujet (il), régime direct (le) ou régime indirect (lui), ainsi que des pronoms relatifs. Il s'agit là bel et bien d'un reste de déclinaison, où l'on retrouve en quelque sorte un nominatif, un accusatif, etc.

La position d'un élément dans une phrase est souvent, en français, représentative de sa fonction.

Les langues à déclinaison comme le latin admettent volontiers des places différentes pour le sujet ou les compléments, laissant les voies distributionnelles ouvertes aux effets stylistiques, dans une certaine mesure.

En français, dans des conditions canoniques, le sujet se trouve systématiquement sans pause (sans virgule) devant le verbe, le COD derrière celui-ci, comme l'attribut ; les compléments circonstanciels sont mobiles, détachables, etc. Certains compléments sont introduits par des prépositions, qui se comportent comme des marqueurs de fonctions, et on peut constater une fréquence particulière de certaines prépositions pour certaines fonctions (à ou de pour le COI, soit les prépositions les moins sémantiques ; de pour le complément du nom, etc.). Les circonstanciels sont souvent introduits par des prépositions « spécialisées » qui déterminent le sens et la fonction du syntagme : malgré (concession), pendant (temps), etc.

La place, la préposition, et le caractère mobile ou détachable d'un élément syntaxique permettent donc une approche, compte tenu qu'il ne peut s'agir là d'un critère nécessaire et suffisant pour toutes les fonctions : le COD et l'attribut du sujet, par exemple, occupent la même place, sans préposition.

Toutes les fonctions ne possèdent pas la même importance par rapport à leur élément régisseur.

La relation d'un élément syntaxique à l'élément régisseur n'est pas complètement à sens unique : certaines fonctions sont essentielles, d'autres sont facultatives. Il faut se demander si, avec la suppression d'un mot ou syntagme porteur d'une fonction, la phrase reste phrase, c'est-à-dire grammaticalement correcte, sans modification forte du message (de même pour le groupe).

Un changement inacceptable du message de base doit faire considérer l'élément porteur de la fonction comme non supprimable.

Il existe des procédés depuis longtemps utilisés en grammaire traditionnelle, qui consistent à utiliser certains questionnements, ou certaines transformations, telles des mises en relief (extraction). Ce sont des manipulations, où on utilise par exemple, pour trouver un sujet, un pronom reconnu comme sujet à l'aide de ses caractéristiques morphologiques.

Mais des transformations comme un changement de la voix du verbe ne peuvent pas être simplement considérés comme des procédés commodes : un verbe transitif direct, doté d'un sujet et d'un COD, connaît nécessairement la tournure passive, où le COD devient sujet, et le sujet, complément d'agent. C'est une propriété syntaxique de ce type de verbes.

Enfin, on ne saurait oublier les caractéristiques qui se rapportent au sens d'un énoncé, puisque c'est là le but ultime de ce dernier : le discours a pour destination d'être compris !

Il importera donc en fin de compte de s'interroger sur le rôle thématique propre de chaque fonction, en dépoussiérant quelque peu les définitions anciennes.

Ainsi, pour certaines fonctions, la liaison sémantique avec le verbe est forte (les fonctions essentielles) ; d'autres semblent posséder une certaine autonomie sémantique (les circonstanciels). En fait, ces éléments sont sémantiquement sélectionnés par le verbe, ou un élément-tête, ou la phrase entière, c'est-à-dire qu'il y a certains rapports de sens nécessaires entre l'élément régi et l'élément régisseur. Ces rapports sémantiques doivent converger avec les rapports syntaxiques.

CLASSEMENTS DES FONCTIONS

Différentes méthodes permettent de classer les fonctions, aucune n'est totalement satisfaisante. On peut par exemple les classer en fonctions essentielles / non essentielles. Ce classement a le défaut de mettre sur le même plan des fonctions fort différentes, comme l'attribut (fonction adjectivale) et le sujet ou le COD (fonctions nominales) ; ou bien l'épithète (fonction adjectivale) et le complément circonstanciel (fonction adverbiale, souvent assumée par un groupe nominal prépositionnel ou une subordonnée conjonctive). On retiendra plutôt les classements qui suivent, en conservant l'aspect essentiel / non essentiel comme argument d'analyse.

I - Situation dans la phrase

Les énoncés se présentent comme des suites linéaires de mots ; on sait pourtant intuitivement qu'ils sont organisés de manière hiérarchique. On distinguera :

Elles déterminent la structure fondamentale de la phrase, autour du verbe :

Dans le syntagme (qui peut être le syntagme sujet, ou un syntagme complément, de verbe ou circonstanciel), l’architecture s’organise autour de l’élément-tête, et on trouve :

 II - Classement catégoriel

Comme cela a été indiqué à la page précédente, dans la phrase simple, canonique, en un minimum de mots, les fonctions seront assumées principalement par les éléments suivants : nom / adjectif / adverbe, ce qui nous conduit au classement qui suit.

Ce sont les fonctions a priori réservées au syntagme nominal (et non au nom seul), ou à ses représentants et remplaçants, que sont le nom propre, le pronom, l'infinitif (forme nominale du verbe), la subordonnée conjonctive pure (introduite par que, avec ses variantes). Ces fonctions sont pronominalisables, c'est-à-dire qu'on peut remplacer le syntagme concerné par un pronom personnel.

Ces fonctions sont normalement adverbialisables, c'est-à-dire qu'on peut y trouver un adverbe, ne serait-ce que dans le questionnement. Il est pourtant difficile, voire impossible d'adverbialiser réellement certains compléments traditionnellement reconnus comme circonstanciels.

I - LES FONCTIONS LIÉES AU VERBE

1 - LE SUJET

Il y a avantage à abandonner les définitions traditionnelles simplistes comme celle-ci :

« Le sujet est le mot ou le groupe de mots désignant l'être ou la chose qui fait l'action, la subit, ou se trouve dans un certain état ». (L’Étude pratique de la langue française, par A. Rougerie, Dunod 1969).

La notion d’action, opposée à celle d’état, est en effet très discutable, et ne peut recouvrir la totalité des verbes français non attributifs :

S'y ajoutait un procédé pratique mais insuffisant : la question Qui est-ce qui...? Quand le sujet est un pronom, cette question fait trouver le référent de ce pronom, qui n’est pas le sujet.

Par réduction à la phrase canonique, on a pu déterminer la fréquence de 5 types de phrases, par ordre décroissant :

Tous ces types de phrases comportent un sujet, et c'est un résultat syntaxiquement fondamental.

Le sujet est au départ un constituant de type nominal : un syntagme nominal, c'est-à-dire au minimum un nom précédé d’un déterminant. Il s'agit d'une fonction nominale.

Ce syntagme peut être remplacé, comme pour la plupart des fonctions nominales, par un nom propre, un pronom, un infinitif. Dans la phrase complexe, la subordonnée conjonctive pure peut être sujet, ainsi que la subordonnée relative sans antécédent (substantivée), voire une autre subordonnée, substantivée.

Le sujet régit l'accord du verbe, en nombre, en personne, et parfois en genre, avec l'auxiliaire être. C'est là un « pouvoir » tout à fait unique, que ne possède aucune autre fonction.

Certains pronoms possèdent des formes casuelles, héritées des déclinaisons. Au nominatif, les huit pronoms personnels dits de conjugaison, je / tu / il / elle / nous / vous / ils / elles (mais nous, vous, elle, elles sont aussi des formes compléments). Rajoutons on, pronom couramment appelé personnel et indéfini. Le pronom relatif qui, utilisé sans préposition, est un nominatif, une forme sujet. Il en est de même des pronoms interrogatifs composés qui est-ce qui...? et qu'est-ce qui...?

Le nom sujet est en principe toujours déterminé : le sujet est en fait un syntagme nominal, dont le nom est le noyau. Les exceptions se trouvent surtout en style archaïque (proverbes) ou lors d’une énumération générale :

La place canonique du sujet se situe juste devant le verbe, donc dans son contexte gauche, et sans pause : aucune ponctuation, donc aucune pause orale ne viendra séparer le sujet du verbe. Des situations non canoniques peuvent aboutir à une inversion du sujet.

Le sujet est une fonction essentielle ; on ne peut le retirer sous peine de rendre la phrase agrammaticale : Mon voisin plante un clou est correct ; *plante un clou ne l'est pas. Quant à l'impératif, il ne correspond pas à la construction de la phrase canonique.

Le sujet est même la fonction la plus essentielle, ce qui ressort des statistiques évoquées plus haut : toutes les phrases canoniques ne comportent pas de COD ou d'attribut, mais toutes comportent un sujet. C'est une caractéristique tout à fait fondamentale.

Le procédé (Qui est-ce qui...?) utilisé en grammaire traditionnelle est une manipulation qui fonctionne souvent correctement, quand on a pris la précaution de reconstituer la phrase canonique, ou au moins de remplacer un pronom sujet par son référent. Cette manipulation est une pronominalisation interrogative, à l'aide d'un pronom morphologiquement significatif. Une autre pronominalisation est possible : on peut remplacer un syntagme sujet par un pronom personnel préalablement reconnu comme sujet, en principe de la 3ème personne, comme il, elle, ils, elles :

On peut aussi mettre le sujet en évidence ( par une « dislocation », un « clivage », une « extraction ») en l'encadrant par l'introducteur : C'est... qui, où l'on utilise un pronom relatif morphologiquement au « nominatif » :

Autre transformation, décisive, qui n'est possible que dans certains cas : le sujet d'un verbe actif transitif direct devient complément d'agent quand on met le verbe à la voix passive :

Une phrase est une unité de communication, ou si on veut un « message », adressé à autrui, voire à soi-même. Chaque phrase comporte un thème et un propos ; le thème, c'est le point de départ de l'énoncé, ce ou celui dont on parle. Le propos, c'est ce qu'on dit du thème.

Le thème n'est pas forcément le sujet :

Dans cette phrase, grâce à la mise en relief, le thème est le COD, sur lequel on veut attirer l’attention de l’allocutaire (celui à qui on s’adresse).

Dans la phrase ramenée à sa forme canonique, dans la phrase simple, on reconnaîtra un sujet (le thème), et un prédicat (le propos) ; et le verbe est le noyau du prédicat. Le sujet sera ce (celui) dont on parle, et le prédicat sera ce qu’on dit du sujet. On peut poser les questions : « De quoi parle-t-on ? » et « Qu’en dit-on ? ». Cette relation de prédication dans la phrase, cette solidarité entre deux éléments de la phrase, est unique. Elle explique le caractère hautement essentiel du sujet.

Le sujet s'actualise alors dans un verbe, c'est-à-dire qu'il prend une réalité, il entre dans un contexte grâce à lui. Le verbe exprime un procès, c'est-à-dire quelque chose qui se déroule dans le temps, et le sujet est le siège de ce procès.

Le sujet ne possède aucune autonomie sémantique, pas plus que syntaxique : sans verbe, il ne peut être reconnu comme sujet. Au contraire, c'est la fonction qui entretient la plus grande liaison sémantique avec le verbe : la sélection sémantique, du sujet par son verbe, est le fondement de la phrase. Le verbe manger, par exemple, hors emploi métaphorique, ne peut avoir qu’un sujet vivant, animal ; le verbe dire ne peut avoir en principe qu’un sujet humain, etc.

PRINCIPAUX PROBLÈMES CONCERNANT LE SUJET

Il se présente plusieurs situations non canoniques :

— L'infinitif de narration remplace un passé simple :

— Des phrases courtes et exclamatives où le sujet de 1ère personne n’est pas toujours exprimé :

Un infinitif possédant un sujet propre, l'ensemble étant régi par un verbe principal, cela s'analyse généralement comme une subordonnée infinitive, en principe COD d’un verbe de perception (pour les verbes d’ordre, interdiction, autorisation, c’est discutable) :

De la même manière, un participe peut posséder un sujet propre et donner naissance à une subordonnée participiale circonstancielle, détachée par la ponctuation :

[Le niveau du fleuve montant], il fallut évacuer la population. (= parce que le niveau du fleuve montait)

On a coutume d'appeler impersonnel tout verbe gouverné, en apparence, par un pronom qui n'est pas un représentant, c'est-à-dire le pronom il, parfois ce ou ça. Celui-ci n'est qu'un indicateur de la 3ème personne du singulier : n'étant pas représentant, le pronom ne peut être de la 1ère ni de la 2ème personne, ni être au féminin ou au pluriel, il est donc neutre. Un verbe, en français, ne peut guère se passer d'un mot en place de sujet, et ce pronom, absent en latin et en ancien français, a un rôle purement formel.

Diverses situations se présentent, diversement analysées par les spécialistes :

Nous ne retiendrons que la plus indiscutable On analysera le pronom neutre comme sujet grammatical (ou apparent), car il se contente de régir l'accord du verbe ; on trouvera derrière le verbe le véritable sujet, le sujet logique (ou réel), ce que montre la transformation :

2 - LE COMPLÉMENT D'AGENT

Le complément d'agent porte le poids d'un loud héritage, car en latin, il s'exprimait par un ablatif précédé de la préposition a ou ab, utilisée également pour certains compléments de lieu. C'est donc presque naturellement que la grammaire traditionnelle, fidèle à l'héritage, l'a classé dans les compléments circonstanciels, et on peut lire textuellement dans les grammaires du début du XXème siècle « Le complément circonstanciel d'agent ».

Pourtant, en indo-européen, cette fonction s'exprimait par l'instrumental, cas disparu en latin, absorbé par l'ablatif, au même titre que le locatif.

Pourtant encore, en latin, les cas ne correspondent pas réellement à des fonctions : ce sont des marques indifférenciées susceptibles de correspondre à plusieurs usages. Ainsi, l'accusatif est utilisé à la fois pour le complément d'objet, l'attribut de l'objet, le complément de lieu avec déplacement, le sujet d'une subordonnée infinitive. « Ablatif » ne signifie donc pas « circonstanciel », d'autant que sa forme est souvent identique à celle du datif.

Exemples d'études effectuées par des grammaires anciennes :

Une analyse plus rigoureuse conduit à des conclusions quelque peu différentes.

Le complément est un constituant de type nominal : un syntagme nominal, ou l'un de ses substituts (pronom, nom propre, relative substantivée). C'est une fonction nominale.

Le complément d'agent n'entraîne ni ne subit aucun accord.

Ce complément se situe, dans la phrase canonique, obligatoirement derrière le verbe à la voix passive, sans pause, introduit par une préposition qui est le plus souvent par et quelquefois de, quand le verbe s'y prête :

4) Les relations syntaxiques :

Le complément d'agent est une fonction essentielle ; quand il est présent, on ne peut le retirer sous peine de rendre la phrase agrammaticale ou de rendre l'événement indéfini, voire difficilement compréhensible. Quand il n'est pas exprimé, c'est précisément qu'il est indéfini, ou inutile :

(personne n'a besoin de savoir par qui, seul l'entrepreneur lui-même trouvera bon de le signaler, pour sa publicité)

Quand on remet le verbe à la voix active, le complément d'agent devient sujet, le sujet devient COD, ce qui montre que seuls les verbes transitifs directs peuvent subir une transformation passive :

Certains verbes comme obéir, réfléchir, penser, aujourd'hui transitifs indirects, furent autrefois transitifs directs, ce qui leur permet de connaître encore aujourd'hui la voix passive, et d'être parfois suivis d'un complément d'agent :

L'agent est celui qui effectue l'action. Conformément à la tradition, le complément d'agent se trouve derrière un verbe d'action mis à la voix passive. Le complément d'agent est donc a priori un humain ou un être vivant doué de volonté, susceptible d'accomplir des actions. Pourtant, la réalité ne suit pas toujours ces bons principes :

La description trop sémantique de ce complément, comme celle du sujet, conduit à des impasses. Le complément d'agent s'explique beaucoup mieux en termes stylistiques : quel que soit le type de sujet présent dans la construction active, la passivation permet surtout une mise en relief de ce sujet, en même temps qu'une focalisation de la pensée sur l'élément qui a subi la prétendue action. Ainsi, dans le premier des deux exemples précédents, c'est bien à l'arbre que l'on pense d'abord, mais c'est comme si l'on insistait : c'est la tempête qui l'a déraciné. La tournure passive produit ainsi une sorte de double insistance. Elle est aussi particulièrement appropriée, nous l'avons déjà fait remarquer, pour les situations où le sujet actif serait indéfini ou inutile, auquel cas on se dispense de complément d'agent lors de la passivation.

3 - L'ATTRIBUT

Dans la phrase canonique, la construction avec attribut vient statistiquement en deuxième position, après la construction avec COD. Les points communs ne manquent d’ailleurs pas (distribution, certaines transformations).

Il s'agit d'une fonction adjectivale. Il est pourtant nécessaire de distinguer deux situations différentes :

 L'adjectif qualificatif : l'attribut est bien au départ une fonction adjectivale. On peut assimiler à cette catégorie les participes passés et présents, qui sont en fait des adjectifs verbaux :

 Certains déterminants employés adjectivement :

 Des adverbes employés adjectivement, en nombre très limité :

 Des syntagmes nominaux, prépositionnels ou non, qui sont en fait assimilables à des adjectifs, car ils ne possèdent aucun contenu nominal véritable, mais expriment une qualité, une caractéristique de l'élément décrit (voir la description sémantique plus loin) :

 Une subordonnée relative attribut du COD, amenée surtout par le verbe avoir :

— Tout ce qui n'est pas adjectif est remplaçable par un adjectif :

— Ces mots, ces syntagmes, cette subordonnée peuvent occuper d'autres fonctions adjectivales, comme l’épithète ou l’apposition (épithète détachée) :

— Ces éléments acceptent généralement les indications du degré, comparatif ou superlatif, ou à défaut un adverbe quelconque de degré.

— Ils peuvent se coordonner ou (parfois plus facilement) se juxtaposer à un adjectif, mis à part la relative qui possède une construction particulière :

— Sémantiquement, ils caractérisent le nom.

 Un nom commun, la plupart du temps sans déterminant :

 Un groupe ou un syntagme nominal (une précision, comme un complément du nom, peut entraîner l'apparition d'un déterminant) :

 Un nom propre, exprimant l'identité du sujet ou du complément d’objet :

 Un pronom parfois, quand cet attribut est précisé (similitude avec le nom propre) :

 Un infinitif, souvent quand le sujet est un infinitif lui-même, et assez souvent introduit par de (marqueur de l'infinitif) :

 Une subordonnée relative substantivée, en langage assez familier :

 Une subordonnée conjonctive essentielle ? Quel est le sujet, quel est l'attribut dans la phrase suivante ?

 Une subordonnée circonstancielle substantivée ? Même question :

 Une subordonnée interrogative (substantivée) ? Même question :

L’adjectif s'accorde entièrement, en genre et en nombre, avec le sujet ou le COD dont il est attribut :

Les adverbes ou les groupes nominaux à valeur adjective restent invariables :

L'accord ne se fait que quand il existe une identité suffisante entre le sujet ou le CO et l’attribut :

Dans les autres cas, le sens ou la catégorie décide si l’accord est possible :

L'attribut est relié au sujet ou au COD par un verbe. Il fait partie du syntagme verbal. Sa place canonique se trouve juste derrière le verbe, sans pause, pour l'attribut du sujet ; l'attribut du COD se place derrière le COD, lui-même derrière le verbe, le tout sans pause (évidemment, si le COD est un pronom personnel, celui-ci sera antéposé au verbe). L'attribut du COD, quand c'est un nom (SN) est le plus souvent de construction indirecte ; rares sont les verbes permettant une construction directe :

L'adjectif, lui, se construit facilement avec d'autres verbes, sans préposition :

Une inversion de l'attribut n'est possible que quand tout risque de confusion est écarté, quand l'attribut est un adjectif par exemple :

Mais dans la phrase suivante, l'inversion provoque aussi une inversion sémantique :

Un nom attribut seul est rarement déterminé :

Pour qu'il soit déterminé et se constitue en syntagme, il faut en général qu'il soit précisé, par un adjectif, un complément du nom, une subordonnée relative :

Notons que le syntagme se constituera plus facilement sans adjectif ou autre expansion avec un article indéfini, quand le nom possède une valeur qualificative suffisante :

L'attribut est une fonction essentielle, au plus haut degré. En fait, il ne tolère pas d'ellipse : toute phrase dont on supprime l'attribut devient agrammaticale :

La phrase suivante, quand on supprime l'attribut du COD, change complètement de sens :

On distingue au moins deux constructions fréquentes, et une troisième rare :

— Une pronominalisation, par pronom personnel neutre ou pronom relatif régime, est possible dans une mise en relief :

— Quand l’attribut du sujet est introduit par un verbe passif, la transformation active s’opère sans difficulté, et l'attribut du sujet devient attribut du COD :

L'attribut ne possède pas d'autonomie sémantique. Mais la liaison sémantique avec le sujet ou le COD est extrêmement forte.

Un élément de type adjectival joue simplement son rôle descriptif, mais par l'intermédiaire d'un verbe : c'est-à-dire qu'il caractérise le sujet ou le complément d'objet. C'est aussi le cas des syntagmes à valeur adjectivale : dans bon marché, il n'est absolument pas question de marché ; l'antonyme du syntagme est l'adjectif cher. L’antonyme de l’adverbe bien peut être l’adjectif laid.

Un attribut de type nominal assume aussi ce rôle de caractérisation : un renseignement nous est donné sur le sujet ou le CO par l’intermédiaire du verbe.

Un élément nominal est en outre consubstantiel avec le sujet ou le complément d'objet, co-référent, c'est-à-dire qu'il y a identité entre eux : l'acteur et la vedette ne font qu'un, et représentent la même personne (mais on apprend ce qu'est devenu cet acteur, quel est son nouvel état). Les syntagmes à valeur adjectivale ne sont pas consubstantiels avec le sujet ou le COD : Pierre est de bonne humeur ne signifie pas Pierre est une bonne humeur.

Dans certains cas, la caractérisation est réduite à sa plus simple expression, et l’attribut ne fait qu’exprimer l'identité du sujet ou du COD ; c’est le cas des attributs noms propres ou pronoms :

Le rôle sémantique du verbe est très particulier.

On parle traditionnellement de verbes d'état. Qu'est-ce qu'un état ? C'est ce qu'on est. Autrement dit, le verbe être est le seul véritable verbe d'état, au sens propre. Mais c'est aussi le verbe le plus vide de sens qui soit : il ne sert qu'à établir une description, une identité, ou dans d'autres cas une existence. C'est pourquoi, parmi les différentes expressions qui le définissent, la plus exacte est sans doute celle de verbe copule, servant simplement à établir un lien ; l'expression verbe attributif est en effet circulaire : ce qui introduit un attribut est attributif.

L'étude des verbes attributifs permet de distinguer des nuances : état / état apparent / changement d'état / persistance d'un état (être / sembler, paraître / devenir / rester, demeurer + synonymes) :

Ces différentes nuances nous permettent de reconnaître que les verbes entraînant un attribut du complément d’objet sont des verbes de jugement, de transformation, ou de maintien. Ils ont un sens actif, et, dans la transformation passive, constituent les synonymes des verbes d’état. On peut ainsi considérer que les verbes d’état ont un sens passif ; de même que le verbe être est une sorte d’équivalent passif du verbe avoir, on retrouvera un attribut du sujet derrière être, et un attribut du COD derrière avoir :

Les verbes d’état et leurs synonymes ne sont pas les seuls à introduire des attributs. A l’occasion, un verbe quelconque peut devenir attributif, et on obtiendra ce que Martin Riegel appelle un « attribut occasionnel » (« Verbes essentiellement ou occasionnellement attributifs », L’Information grammaticale, 10, pp. 23 à 27). Certains auteurs estiment que l’adjectif ainsi construit fonctionne un peu comme un circonstanciel ; si l’on peut effectivement remplacer parfois un adjectif par un adverbe (tranquille / tranquillement, dans l’exemple ci-dessous), cela ne peut expliquer la totalité des cas ; on peut plus simplement considérer que la phrase utilise un raccourci :

La signification véritable de ces phrases est :

Le verbe copule être est sémantiquement si faible qu’il disparaît aisément et autorise ces raccourcis. On constatera que ces attributs restent non supprimables : Baptiste serait certes surpris si l’on comprenait qu’il veut mourir

4 - LES COMPLÉMENTS DE VERBE

« Au sens traditionnel du terme, un complément du verbe est un syntagme de type nominal ou prépositionnel qui fait partie du groupe verbal » (Grammaire méthodique du français, p. 217).

Comme nous le verrons, les exigences distributionnelles et syntaxiques définissent les compléments de verbe. Toutefois, selon le point de vue adopté, on peut scinder ou non cet ensemble. Contrairement à l’ouvrage précité, nous choisissons de ne pas considérer comme compléments d’objet les syntagmes suivants :

Nous distinguerons les compléments d’objet d’une part, conformément à la tradition, et les compléments de verbe adverbialisables d’autre part (page suivante).

Pour analyser la construction d'un verbe et sa capacité à être accompagné de fonctions essentielles, on peut avoir recours à la notion de valence (selon L. Tesnière). La valence d’un verbe (mais aussi d’un nom ou d’un adjectif), c’est son aptitude à imposer une certaine configuration syntaxique. Ainsi, un verbe est nécessairement accompagné d’un sujet (valence simple), et souvent d’un ou deux compléments de verbe (valence double ou triple) ; ces éléments sont appelés « actants ».

La notion de valence n’est pas toujours cohérente dans la littérature linguistique, et il importe, pour éviter des confusions (« actant » ne signifie pas « agent »), de l’utiliser comme une notion purement syntaxique (voir définition et précautions d'emploi dans la Grammaire méthodique du français, p. 123-124 et 215). On considérera que tous les compléments de verbe participent à la valence verbale. A titre d’exemple, L. Tesnière, dans la phrase « Alfred change de veste », analyse de veste comme circonstant (Éléments de syntaxe structurale, Klincksieck, 1966, p. 128). Nous ne partageons pas cette analyse.

A - LES COMPLÉMENTS D'OBJET

Comme pour le sujet, il faut abandonner les définitions traditionnelles :

Plus critiquable encore est le questionnement Quoi ? générateur d'erreurs dans l'analyse, puisqu'il peut aussi bien faire trouver un sujet inversé ou un attribut.

Dans le cadre de la phrase canonique, la construction S + V + COD est la plus fréquente en français.

Le complément d'objet est, comme le sujet, une fonction dite nominale, non adverbiale. Cette fonction pourra donc être assumée par un syntagme nominal, un nom propre, un pronom, un infinitif et certaines subordonnées :

Le seul accord qui se présente est celui du participe passé avec le COD placé devant le verbe, quand celui-ci comporte l'auxiliaire avoir  :

Aucun accord n'a lieu avec une construction indirecte :

Quand le complément d'objet est un pronom personnel, relatif, voire interrogatif, il possède une forme régime direct ou indirect (régime ne veut pas dire automatiquement complément  ; l'attribut ou le sujet logique sont régimes, vu leur position).

— me / te / le, la, les, pronoms personnels à la forme régime direct (ou indirect pour me et te ) ; moi / toi / lui, leur, eux, pronoms personnels à la forme régime indirect (forme forte, autrefois tonique, qui sert aussi d'insistance pour d'autres fonctions).
— que, quoi, pronoms relatifs régime direct et indirect ; dont peut être COI.
— ce que, ce à quoi, pronoms interrogatifs indirects de forme régime direct et indirect, outre un aspect sémantique « chose ».

Le complément d'objet, quand c'est un nom, est toujours déterminé : c'est un trait qui le distingue d'ailleurs de l'attribut.

Le complément est donc en fait un syntagme, dont le nom est le noyau. Comme pour le sujet, dans un style archaïsant ou une énumération, on peut trouver un nom seul :

La place canonique du complément d'objet se situe juste derrière le verbe, sans pause.

Un pronom personnel, relatif ou interrogatif se trouvera à une place différente : le pronom personnel entre le sujet et le verbe ; le pronom relatif ou interrogatif en tête de subordonnée ou de phrase.

L'inversion n'est pas possible pour le COD, en dehors de la tournure interrogative bien sûr :

La construction indirecte rend éventuellement le COI (surtout 2nd ) déplaçable, détachable, dans certaines conditions :

Le complément d'objet fait partie des fonctions essentielles. C'est le premier des compléments du verbe, et il appartient au syntagme verbal. Si on le supprime, dans un certain nombre de cas, la phrase devient agrammaticale :

Dans d'autres cas, il est possible de supprimer le complément d'objet, mais le sens de la phrase change : parfois complètement, et parfois en perdant simplement le contexte, la précision d'un récit :

Rappelons qu'un même verbe peut avoir plusieurs constructions différentes, et que son sens se modifie à chaque fois :

Seul le COD prête à transformation significative : une phrase comportant un verbe transitif direct avec son COD peut se mettre à la voix passive ; le COD devient sujet, et le sujet devient complément d'agent :

Rappelons que quelques verbes transitifs indirects connaissent aussi la voix passive : ce sont des verbes qui ont été autrefois transitifs directs, au moins jusqu'au XVIIème siècle :

Il existe d'autres pronominalisations que celle qui utilise la question quoi ? On peut remplacer un complément d'objet par un pronom personnel reconnu comme assumant cette fonction ; on peut aussi l'insérer dans le présentatif c'est... que :

Mais attention à ne pas confondre avec l'attribut :

D'autre part, des syntagmes assumant d'autres fonctions peuvent être introduits par le même présentatif c'est... que :

Un complément d'objet, sans verbe, n'est plus un complément d'objet ; il ne possède aucune autonomie sémantique. Son sémantisme, en tant que CO, dépend du verbe ; le CO est le complément le plus directement sélectionné par le sémantisme du verbe, où la préposition éventuelle joue un rôle non négligeable. Non seulement le verbe, mais l'ensemble [sujet + verbe]. Ainsi, le verbe manger , sauf sens métaphorique, exigera un COD concret, et... comestible. Si le sujet est le loup, le COD se restreindra à un aliment carné.

On pourrait tenter d’opérer un classement sémantique entre les CO, mais cela reviendrait à un classement lexical des verbes transitifs. Les liaisons entre le sémantisme des verbes et leur construction est bien plus riche d’enseignement.

CONSTRUCTIONS :

Les verbes construisent de plusieurs façons différentes leurs compléments d'objet. Rappelons au préalable quelques principes de base :

Un verbe possédant un ou plusieurs compléments d'objet est appelé transitif  ; intransitif s'il n'en possède aucun (valence simple, le sujet étant le seul « actant »). Il sera transitif direct ou indirect selon qu'il exige ou non une préposition (un seul type de CO : valence double) ; doublement transitif quand il se construit avec deux compléments d'objet de type différent (valence triple). Il existe quelques cas de verbes triplement transitifs (valence quadruple).

La coordination de 2 compléments d'objet de même type ne rend pas le verbe doublement transitif !

Un verbe peut adopter plusieurs constructions différentes selon les phrases, et change de sens la plupart du temps en changeant de construction :

Il se construit sans préposition :

Cette construction permet la transformation passive :

Certains verbes transitifs directs sont inaptes à la passivation :

Le verbe avoir est inapte aussi à la passivation, mais peut trouver un équivalent passif dans le verbe être  :

La pronominalisation (3ème pers. masc. sing.) s’effectue à l’aide du pronom le .

Il se construit avec une préposition (à, de, en, sur, avec, etc.) qui est « contrôlée » par le verbe (on se méfie de quelqu’un, jamais à / avec / en … quelqu’un) :

La tournure passive est en principe impossible quand il n'y a pas de COD (rares exceptions) :

La pronominalisation (3ème pers. masc. sing.) s’effectue à l’aide des pronoms lui, en, y.

Remarque : La construction directe n’autorise pas l’inversion sujet / COD, et l’effet d’insistance ne peut s’effectuer que par une dislocation (détachement, reprise par un pronom personnel), ou par la passivation. La construction indirecte autorise éventuellement la mise en relief du COI par déplacement, détachement en tête de phrase (le risque de confusion sujet / COI étant nul), ce qui compense l’impossibilité d’une passivation.

Cette fonction n’est pas étudiée dans le secondaire, et ne peut être placée à égalité avec les précédentes.

On la trouve dans un ensemble, peu ouvert lexicalement, de locutions presque toutes figées, où le complément, de construction le plus souvent directe, ne fait apparemment que reproduire et compléter le procès contenu dans le sémantisme du verbe ; d’un verbe habituellement intransitif ; si l’on se réfère au « schéma actanciel » du verbe, l’objet ne désigne pas un « actant », il ne fait pas partie de la valence verbale :

Le syntagme n’est pas pronominalisable, et la construction passive est impossible :

On relèvera dans ces locutions une fréquence remarquable d’adjectifs possessifs renvoyant au sujet du verbe. Une analyse sémantique montre qu’il ne s’agit nullement d’une simple redondance, d’une tautologie, mais d’une spécification du procès, lequel concerne le sujet du verbe ; spécification qui prend une tournure nominale, alors que d’autres spécifications prendraient une tournure adverbiale. Cette correspondance sémantique rapproche l’objet interne des compléments de verbe adverbiaux (voir la Grammaire Méthodique du français, p. 220-221).

Certains verbes ont systématiquement, d’autres occasionnellement une construction doublement transitive. Cette construction répond à certaines exigences à la fois syntaxiques et sémantiques :

La construction la plus fréquente (plus des trois quarts des cas) est celle de donner et dire , avec un COD 1er et un COI 2nd (souvent humain) introduit par à . C’est celle qui sert de référence dans la création stylistique. Une analyse fine des prépositions fera apparaître que à exprime un acte orienté versl’élément COI 2nd , une sorte de destination mentale ; de signifie surtout « au sujet de », bien plus souvent que « provenant de » ; avec (+ SN humain) s’utilise dans les échanges réciproques, ainsi que pour et contre (+ SN « chose »), etc. On consultera avec profit sur ce thème Les prépositions abstraites en français, de P. Cadiot, Colin, 1997.

La tradition grammaticale faisait état d’un « complément d’attribution » dont la dénomination et la définition restaient fortement inspirées du latin :

« On peut donc définir le complément d'attribution comme le complément du verbe pouvant être remplacé par un pronom conjoint au datif. Beaucoup de verbes appelant un complément d’attribution sont des verbes à double transitivité » (Code du français courant, par H. Bonnard, Magnard, 1981, p. 256-257).

Ce complément était autrefois analysé comme circonstanciel à cause de la proximité du datif et de l’ablatif. C’était le cas également du complément d’agent. La tradition n’avait pas suffisamment intégré les différences de fonctionnement des langues latine et française. Ainsi, le complément d’agent, en latin, n’est pas toujours associé à un verbe passif.

Le complément d’attribution, selon H. Bonnard, peut être en même temps un COI simple, ou encore un COI 2nd , voire un complément de verbe non reconnu comme CO, tel cette sorte de complément de relation exprimé par un pronom datif, appelé datif épistémique par Nicolas Ruwet :

(ne s’agit-il pas de l’ellipse d’une complétive : « Je crois qu’il a… » ? Voire d’une infinitive : « Je crois [lui avoir…] » ?)

L’avantage de cette tradition qui regroupe une éventail sémantique de compléments est de classer certains syntagmes pronominaux difficiles à analyser, tel encore ce datif éthique :

L’inconvénient, c’est de définir une fonction sur des critères sémantiques et un élément formel, et de ne pas tenir compte des autres critères.. On peut se contenter de reconnaître le complément d’attribution comme un « sous-ensemble » du complément d’objet indirect. L’idée qu’un syntagme puisse assumer deux fonctions à la fois est assez gênante. Cette position n’est pas non plus très pédagogique.

DÉVELOPPEMENT : ATTRIBUT ET COD

L'attribut du sujet et le COD possèdent de nombreux points communs. Le corps enseignant est quotidiennement confronté à des erreurs qui témoignent d'une grande confusion en ce domaine (le prétendu « COD du verbe être » !).

Distribution : l'attribut et le COD, dans la phrase canonique, se placent juste derrière le verbe, sans pause.

Syntaxe : les deux fonctions sont essentielles ; leurs éléments appartiennent au syntagme verbal, et permettent de constituer avec l'infinitif du verbe un groupe soudé, qui se passe de sujet :

Transformation : la pronominalisation peut donner des résultats semblables, et utilise un pronom personnel, relatif ou interrogatif de forme régime direct :

Bref, ces deux constructions simples et directes semblent couler de source, et correspondre à la phrase typique du Français courant, puisqu'à elles deux elles occupent statistiquement une place considérable dans les tournures utilisées par les « locuteurs natifs » que nous sommes.

Aspects catégoriels  : les catégories syntaxiques ne se recouvrent pas ; le complément d'objet est une fonction strictement nominale, alors que l'attribut est au départ une fonction adjectivale. En effet, le nom ou ses équivalents ne peuvent être attributs que s'ils possèdent dans la phrase une valeur adjectivale suffisante (de caractérisation, qui est d'ordre sémantique, voir plus loin).

Morphologie : seul l'attribut permet un accord en genre et nombre avec le sujet.

Syntaxe : l'attribut supporte beaucoup moins d'ellipses que le COD, voire aucune. Évidemment, on peut toujours imaginer un dialogue comme celui-ci :

« Alors, quoi de neuf ?
— Je deviens, mon cher, je deviens. Et vous ?
— Moi, je demeure. »

Cette conversation pourrait être imaginée avant la guerre entre Jean-Paul Sartre et François Mauriac… L’effet stylistique est identique à celui du célèbre Cogito, ergo sum de Descartes.

La construction avec attribut autorise une véritable ellipse, mais c’est celle… du verbe, dans des phrases averbales non canoniques mais courantes en langage parlé. Ainsi :

On ne peut faire l'ellipse d'un verbe transitif direct ou indirect :

Transformations : la construction attributive ne permet pas la passivation qu’on obtient avec les verbes transitifs directs, l’attribut du sujet ne devient pas le sujet d’un verbe passif.

Les pronominalisations ne se recoupent pas entièrement. Les exemples que nous avons utilisés plus haut représentent en fait le seul cas de similitude : celui du masculin singulier. Tout change si on utilise le féminin ou le pluriel :

Le pronom personnel substitut d’un attribut est une forme neutre, qui équivaut morphologiquement au masculin singulier (le neutre morphologique n'existe pas en français). De même, le pronom interrogatif, variable sur le plan sémantique, n'adopte pas pour l'attribut la forme qui correspond à une personne, mais celle qui correspond aux « choses ». Le résultat serait exactement le même si l'attribut était un adjectif :

Sémantique  : l'attribut, même nominal, sert à caractériser le sujet, au point que si l'on utilise le même terme, il possède encore cette valeur :

Dans ces phrases, les mots père et frère n'ont pas deux fois la même valeur sémantique.

Enfin, seul un nombre restreint de verbes se construisent avec un nom attribut, ceux dont la valeur sémantique les rapproche des verbes d'état.

Il est des verbes qui possèdent naturellement un aspect sémantique qui pourrait les rendre attributifs, synonymes par exemple de devenir . Où est la limite ?

Son frère n'est pas une caractérisation de l'individu dont nous parlons, alors que un ours en est une, métaphorique : on parle bien d'une personne, pas de deux, et pas d'un animal particulier ; on décrit l'aspect (lourdaud, hirsute) de la personne, à l'aide d'une comparaison.

Aussi délicate est pour le moins l'analyse de phrases comme celles-ci :

Un progrès et l'arrière-garde de l'arméesont consubstantiels aux sujets. Pourtant, si un progrès apporte bien une caractérisation sémantique, c'est beaucoup moins évident pour l'arrière-garde de l'armée. Une transformation simple va nous permettre de décider. Puisque nous nous posons la question « Attribut du sujet ou COD ? », essayons donc la transformation passive, qui est un critère décisif pour le COD :

Cette phrase ne paraît pas correcte, il est difficile de la comprendre ; avec la préposition de , il saute aux yeux qu'elle est incorrecte. Un progrès est donc attribut du sujet.

Cette phrase est parfaitement correcte, et l'arrière-garde de l'arméeest COD du verbe constituer .

B - LES COMPLÉMENTS DE VERBE ADVERBIAUX

Il nous semble nécessaire de dire ici quelques mots de la tradition, tant son imprégnation reste encore forte : dans l’expression venir à Paris (voir l’exemple un peu plus bas), un étudiant fraîchement débarqué à l’Université analysera spontanément à Paris comme « complément circonstanciel de lieu du verbe venir », quand la Grammaire méthodique du français en fait un COI. Des notions imprécises acquises dans l’enseignement primaire, mal corrigées dans le secondaire, ont la vie dure. Quelques rappels donc sur l'héritage grammatical et les compléments circonstanciels, dont nous aurons à exclure les compléments ici étudiés.

Voici comment la Grammaire française simple et complète de P. Crouzet, G. Berthet et M. Galliot, Privat-Didier, 1909, définissait et étendait la notion de complément circonstanciel (p. 172-173) :

« Les compléments circonstanciels expriment toutes les circonstances de temps, lieu, manière,  cause, origine, but, tendance (direction, destination, attribution), distance, mesure, différence, accompagnement, partie, prix ; poids, instrument, agent, etc., dans lesquelles se trouve un objet ou se passe une action. »

« Extension du complément circonstanciel au nom et à l'adjectif : Le tableau de la page précédente ne contient que des compléments circonstanciels de verbe, mais en réalité le nom et l’adjectif ont certains compléments qui peuvent aussi être considérés comme des compléments circonstanciels. »

Plus récemment, des auteurs, de la même façon, plaçaient encore sans hésitation les compléments suivants dans les circonstanciels :

(exemples pris dans Grammaire et exercices de français, de la 6èmeà la 3ème, par J. Dubois et G. Jouannon, Larousse, 1956, p. 60 à 62)

La Grammaire Larousse du français contemporain de J. Cl. Chevalier et al., Larousse, 1964, marque une évolution en étudiant les compléments de mesure, de poids et de prix à la suite des compléments d’objet, précisant (p. 180) :

« Du point de vue du sens, ces compléments sont fréquemment interprétés comme des circonstanciels. »

Ce très structuraliste ouvrage ne pousse pourtant pas la modernité jusqu’à analyser certains compléments de lieu ou de temps comme des COI (p. 76) :

« Cette analyse n’est pas acceptable d’après les critères que nous avons fixés ; mais elle souligne bien que certains compléments circonstanciels disposent d’une grande liberté de mouvement, d’autres non. »

La Grammaire méthodique du français (1994), nous l’avons dit, n'hésite pas à franchir un pas important, et à baptiser ces compléments du nom de «  compléments d'objet ». C'est à notre sens aller un peu loin.

On pourra les appeler compléments essentiels de lieu, temps, mesure… ; ou bien abréger en CVD, CVI (compléments de verbe directs ou indirects, de lieu, etc.). Bien que l'aspect sémantique soit fort, ils ne sont pas circonstanciels, mais ne correspondent pas à tous les critères des compléments d’objet.

.Il s'agit d'une fonction adverbiale. Ces compléments se présentent sous forme de syntagmes nominaux (ou éléments nominalisés), ou d'adverbes, voire de « pronoms adverbiaux » :

En et y, classés comme « pronoms adverbiaux » dans Le bon usage, sont plus souvent aujourd'hui classés comme pronoms personnels. Les deux points de vue se défendent.

On trouvera éventuellement, mais difficilement, d'autres pronoms ; jamais un infinitif ; exceptionnellement une subordonnée (substantivée), pour le temps ou la mesure :

Il est évident que le lieu s'exprimera aussi souvent à l'aide d'un nom propre géographique (voir les exemples précédents).

Aucun accord ne peut se manifester, y compris l'accord du participe passé, même quand la construction du complément est directe :

Ces compléments se situent, comme les compléments d'objet, derrière le verbe, sans pause, sans possibilité de détachement ; ils peuvent s'ajouter à des compléments d'objet, et s'intercaler entre eux ; la construction directe est fréquente, mais le lieu demande souvent une construction indirecte :

Dans une construction indirecte, particulièrement celle d’un complément de sens locatif, il semblerait abusif de prétendre que, comme pour les COI, le verbe puisse « commander » une préposition particulière. Si obéir, succéder, etc., sont systématiquement suivis de la préposition à , on peut constater par exemple que le verbe passer est suivi, selon le sens, des diverses prépositions locatives : le train passera autant à Amiens que par Amiens, dans la campagne, en pleine campagne, à travers la lande déserte, à l’extérieur de la ville, au-delà des limites de la province, etc. Les COI utilisent principalement (mais sans exclusive) les deux prépositions dites « incolores », à et de ; les CVI utilisent la palette des prépositions circonstancielles.

Ces compléments sont aussi essentiels que les compléments d'objet, avec la même réserve : on peut parfois supprimer un CVD ou CVI (ex. : le prix), comme certains COD ou COI, quand ils présentent un intérêt tout relatif. Il est évident que le message ne sera pas le même dans la phrase suivante et dans celle qui se trouve un peu plus haut :

La notion de valence verbale, prise, comme nous l’avons indiqué, dans un sens purement syntaxique, s’applique sans difficulté à ces compléments de verbe adverbiaux. Elle ne permet pourtant pas de les distinguer des compléments d’objet.

Les syntagmes nominaux CVD / CVI sont adverbialisables. Le questionnement qui permet de les reconnaître est également adverbial : où ? / combien ? / combien de temps ?

La transformation passive n’entraîne aucune modification des compléments de verbe adverbiaux ; le CVD, à la différence du COD, ne devient pas sujet d'un verbe passif ; le CVD ou CVI subsiste tel quel dans la passivation :

On reconnaîtra principalement des compléments essentiels de lieu, de temps, et la notion de mesure unira avantageusement tout ce qui est poids, prix, longueur, etc. Cette courte liste n'est pas forcément exhaustive.

A première vue, l'argument sémantique ne permet pas de différencier ces compléments de verbe des circonstanciels, ce qui explique l’analyse traditionnelle : le lieu et le temps en particulier sont intuitivement perçus comme circonstanciels.

Mais pourquoi faudrait-il qu'un nom de lieu soit systématiquement complément circonstanciel de lieu : il peut être aussi bien sujet d'un verbe ! (ex : La France est belle)

La solution doit être cherchée dans la liaison sémantique extrêmement forte que le complément entretient avec le verbe, bien plus forte même que pour un complément d'objet, puisqu'elle est exclusive, et se rapproche d'ailleurs singulièrement de celle de certains compléments d'objet interne (ex : ses mains sentent le poisson). Il sera donc ici aussi question d'une sélection sémantique, tout à fait impérative, du complément par son verbe : un verbe de mouvement comme aller, venir, passer... exige d'être suivi par un nom de lieu (SN ou NP) ; mesurer, peser, coûter..., par une notation chiffrée, de même que durer par ladite durée chiffrée, ou estimée.

Cette liaison sémantique étroite avec le verbe se manifeste syntaxiquement par la construction directe si fréquente ; les verbes de mouvement, eux, ont besoin d'une préposition qui indique le type de mouvement : aller à (latin ad = « vers ») / venir de (latin de : origine) / passer par, à travers, etc.

Dans la construction des verbes transitifs, on peut éventuellement distinguer les « compléments de verbe » que sont par exemple le COD 1er et le COI 2nd, et les « compléments du groupe verbal », tel le complément de « prix » du verbe revendre dans l’exemple cité plus haut.

Développement : des « passerelles » avec les compléments d'objet ?

Des arguments catégoriels, morphologiques, transformationnels, sémantiques s'opposent à une assimilation pure et simple de ces compléments aux compléments d'objet. Comparons :

Quand le CVD est bien perçu comme tel, il n'est pas assimilable à un COD.

Pourtant, en l'absence d'un COD authentique, le CVD peut se transformer en COD, dans certaines conditions. Cela se manifestera par une hésitation dans le questionnement (combien ? / quoi ?), par une pronominalisation par pronom personnel, par un accord du participe passé :

La différence est-elle si grande entre Il habite Paris (où ?) et Il habite un meublé (quoi ?) ?

Doit-on écrire Les cent francs que cet appareil m'a coûté oum'a coûtés ?

Le participe s’accorde si le verbe est employé au sens figuré, comme l’indique la Grammaire Larousse du français contemporain, p. 180 :

Nous remarquerons que le CVD transformé en COD gagne généralement un article défini, ou en tout cas un aspect défini.

Bref, ces exemples, et bien d'autres, montrent que les limites ne sont pas nettes entre ces compléments de verbe et les compléments d'objet. Mais il faut remarquer aussi qu'elles ne le sont pas davantage avec les compléments circonstanciels, et on peut parfois se demander longuement et vainement si tel complément est complément de verbe ou de phrase, s'il est essentiel ou supprimable : les deux exemples suivants sont-ils équivalents ?

II - LES COMPLÉMENTS DE PHRASE

Les compléments circonstanciels sont des compléments de phrase.

Ils n'entrent pas dans le cadre de la phrase canonique, puisque qu'ils s'ajoutent à elle. Toutefois, on aura avantage à conserver une phrase verbale, affirmative, déclarative, sans effet stylistique.

Définir la notion de circonstant a toujours présenté des difficultés, et ce, peut-on dire, depuis le grec ancien... Cette notion repose surtout sur une intuition sémantique, ce qui explique les incohérences dans la tradition. Les auteurs se sont souvent contentés de dresser une liste, d’ailleurs jamais exhaustive, ou bien ils ont défini le circonstant comme ce qu’il n’était pas. Nous ferons état de ces difficultés ou de ces insuffisances.

Suivant la méthode qui consiste à rechercher la catégorie la plus simple pouvant assumer la fonction, nous dirons que le complément circonstanciel est au départ une fonction adverbiale. Le procédé de reconnaissance traditionnel à base de questions utilise précisément un questionnement adverbial : Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? etc.

Le panorama des « natures » possibles est un peu plus large :

Tous ces moyens syntaxiques ne sont pas interchangeables : on ne trouve pas systématiquement d’équivalence entre préposition et conjonction, ni un adverbe de substitution : quels sont les adverbes de conséquence en français ? Comment former une subordonnée circonstancielle de moyen ?

Le complément circonstanciel n'entretient pas de liaison morphologique avec les autres éléments de la phrase.

Le complément circonstanciel est un complément de phrase ; il est en principe mobile et détachable ; il peut même se glisser entre le sujet et le verbe :

Contrairement aux compléments de verbe, le nombre des circonstants n’est pas limité par la construction syntaxique, il ne l’est que par les exigences stylistiques : on peut accumuler un ou plusieurs compléments de temps, de lieu, de but, de cause, etc.

On peut juxtaposer ou coordonner deux circonstants différents, possédant suffisamment de points communs sémantiques (voir à la fin de ce chapitre) :

Quand il s’agit d’un syntagme, il est presque toujours prépositionnel : sur, sous, dans, avec, pour, malgré... + SN. Les rares constructions directes peuvent poser des problèmes d'analyse (complément de verbe ou de phrase ?) :

Remarques :

Dans le premier cas, l’enfant est chez lui, il a jeté des tomates chez moi ; dans le deuxième, il est chez moi, et il a jeté des tomates soit chez lui, soit chez moi ; ou bien, il m’a rendu service en éliminant des tomates pourries…

Comme pour d’autres notions, il faut prendre celle de la mobilité dans un sens aussi syntaxique que possible, et l’allier à la suppressibilité : le message de base reste bien « le fils du voisin a jeté des tomates ».

Un syntagme prépositionnel équivalent pourra pourtant récupérer la mobilité caractéristique des circonstants et se trouver antéposé, détaché :

Le complément circonstanciel est un constituant immédiat de la phrase : il ne se rattache ni au verbe directement, ni à un syntagme quelconque ; il ne participe pas à la valence verbale, il n’est pas prévu dans le « schéma actanciel » du verbe. Tout complément de verbe doit être exclu des circonstant, en dépit de l’intuition première. Dans un schéma en arbre, il se rattache à la racine de la phrase, comme le syntagme sujet et le syntagme verbal.

Le circonstant est un élément facultatif (ce qui ne signifie pas que tout élément facultatif soit un circonstant !). Il est donc supprimable :

Les réserves précédentes concernant la mobilité se retrouveront ici. On rappellera que la réduction d’une phrase à sa forme canonique est un artifice syntaxique. Le dernier exemple ci-dessus ne laisse pas deviner le sens précis du verbe jeter, mais ne contredit pas non plus le « message » de la phrase complète.

Aucun circonstant n’est pronominalisable par pronom personnel. Quand le lexique le permet, un circonstant est adverbialisable. Pourtant, les reprises anaphoriques véritables sont rares ; ce peut être le rôle d’un adverbe comme ou alors. Les pronoms adverbiaux en et y s’utilisent bien davantage pour les compléments de verbes.

Un complément circonstanciel, isolé, reste identifiable comme circonstant.

Le choix de la préposition est relativement libre par rapport au verbe. Ce choix est lié au contenu du syntagme qui suit. Une fusion s’opère entre le sémantisme de la préposition et celui du syntagme. La présence d’un lexique particulier ne relève donc pas du hasard : la préposition dans ne prend un sens de lieu que suivie d’un élément spatial, en deux ou trois dimensions (un champ, une salle…) ; on dira dans un champ, mais non *dans une place publique. La recevabilité d’un syntagme circonstanciel dépend également des autres éléments lexicaux de la phrase, le verbe surtout : on peut travailler, manger, dormir dans un champ, mais ne peut pas planer dans un champ.

L’autonomie sémantique du complément circonstanciel est grande sans être totale. Outre les contraintes lexicales que nous venons d’évoquer, nous rappellerons l’ambiguïté du syntagme dans mon jardin, antéposé ou postposé à la phrase le fils du voisin a jeté des tomates. Ce syntagme reste néanmoins identifiable comme complément de lieu, mais c’est sa place qui modifie le sens de la préposition dans, et le jardin deviendra soit « le lieu où est le sujet », soit « le lieu où il n’est pas ».

Ce qui est vrai d’un syntagme l’est aussi d'une subordonnée conjonctive, dont le sens (causal, etc.) est déterminé par la conjonction (ex : parce que), mais en liaison avec le sémantisme de la principale. La subordonnée participiale, elle, même isolée par sa ponctuation, prend un sens plus flou, bien que toujours circonstanciel :

Son cœur battant à rompre,... (concession ? [il continua] cause ? [il s’arrêta])

On considérera donc que le complément circonstanciel est sémantiquement sélectionné par la phrase. Mais on peut étudier plus finement la manière dont s’opère cette sélection.

Nous empruntons les deux remarques qui suivent à Langue Française n° 86, mai 1990, Sur les compléments circonstanciels, présenté par Danielle Leeman ; en particulier, les articles de Laurent Gosselin et Jean-Pierre Maurel.

Classement

La tradition dresse une liste confuse des circonstants, que l’on peut essayer de clarifier :

A l’intérieur de l’un de ces trois sous-ensembles, on peut souvent coordonner deux compléments différents : temps + lieu / manière + moyen / cause + but, etc.

Remarques :

III - LOCUTIONS ÉNONCIATIVES

Certains éléments échappent à l’analyse syntaxique traditionnelle. Ils étaient autrefois classés maladroitement dans la catégorie des circonstants. Prenons comme exemple l’adverbe dit « de manière » sérieusement, et comparons ces deux phrases :

Un développement complet sur l’énonciation serait ici hors de propos, mais il importe néanmoins d’en préciser les bases pour déterminer ce qui relève de la syntaxe et ce qui y échappe.

L’énonciation prend en compte la situation de communication, où le sujet parlant (ou écrivant) produit un énoncé à l’intention d’un interlocuteur, ou d’un lecteur.

Ledit sujet est appelé locuteur (je), et celui à qui s’adresse l’énoncé est l’allocutaire (tu).

La situation de communication suppose non seulement ces deux protagonistes (au moins), mais aussi un temps et un lieu spécifiques, et un certain environnement. Les éléments dits déictiques se fondent sur cette base, qu’on peut simplifier par un « moi, ici, maintenant ».

Dans l’étude d’un énoncé, on sera donc amené à rechercher les traces de cet acte de production, l’acte d’énonciation, et la présence de l’énonciateur dans son énoncé ; présence qui peut être explicite, ou au contraire fort discrète (un exposé scientifique par exemple est censé être peu subjectif). On pourra même y reconnaître des « actes de parole », comme le questionnement (phrase interrogative), l’ordre (phrase injonctive), etc., où le locuteur agit véritablement par la parole sur son allocutaire.

On peut encore, comme l’a fait Émile Benvéniste (Problèmes de linguistique générale, I 1966 ; II 1974, Gallimard) affiner l’étude des temps verbaux ; ou encore celle du discours rapporté.

Les éléments qui ont été par la Tradition liés à la syntaxe relèvent le plus souvent des modalités d’énonciation ou d’énoncé.

La présence du locuteur dans son énoncé se traduit en effet par celle de termes qui relèvent soit de l’affectif, soit de l’évaluatif : le locuteur peut laisser deviner un sentiment ; il peut aussi laisser entendre un certain jugement qu’il porte à propos de son énoncé, soit en termes de bon ou de mauvais, soit selon le vrai, le faux ou l’incertain (aspect axiologique ou épistémique).

Une recherche de modalisations nous fera ainsi repérer des « commentaires énonciatifs » qui ne peuvent s’analyser syntaxiquement en liaison avec l’énoncé, parce qu’ils expriment une appréciation de celui qui parle, ou demandent une appréciation à celui à qui l’on s’adresse. Ce sera le rôle d’adverbes et locutions comme peut-être, certainement, sans doute, etc., ou (mal)heureusement, franchement, sérieusement, décidément, etc. ; ou des éléments parfois phrastiques qui apportent une réserve du locuteur : à mon avis, si j’ose dire, si vous me permettez l’expression (aucune hypothèse !), etc. L’étude de l’ironie, en particulier, ne peut se dispenser d’une recherche de modalisations.

Relevant également des tournures énonciatives, l’apostrophe, rappelons-le, ne doit pas être classée dans les fonctions syntaxiques. La communication directe utilise un certains nombre d’appellatifs courants, comme Monsieur, mon Colonel, mon cher, etc., ainsi, tout simplement que le nom de la personne à qui l’on s’adresse, ou un terme de relation (Maman…). Ces éléments ne participent pas à la construction syntaxique de la phrase ; ils servent à interpeller l’allocutaire, et il ne faut pas non plus les confondre avec une quelconque apposition, puisqu’ils ne sont pas forcément repris par un pronom de 2ème personne :

Ils n’expriment aucune caractérisation, contrairement à l’apposition :

L’apostrophe permet aussi d'exprimer une modalité :

IV - LES FONCTIONS SECONDAIRES

Les fonctions secondaires ne se situent plus dans le cadre de la phrase, mais dans celui du syntagme.

A - LES COMPLÉMENTS DITS DÉTERMINATIFS

On appelle souvent compléments déterminatifs le complément du nom, du pronom, ou de l'adjectif, voire de l’adverbe :

L'appellation complément déterminatif peut prêter à confusion : le public scolaire peut croire qu'il existe un rapport avec les déterminants ; on peut aussi discuter de son exactitude. D'autre part, le complément du nom est en fait complément d'un syntagme nominal. Toutes ces expressions ne sont pas plus satisfaisantes que celle de complément d'objet ; leur emploi n'est qu'une question d'habitude.

A. 1 - LE COMPLÉMENT DU NOM

Il s'agit à la base d'un constituant de type nominal. Il sera assumé par un nom, un groupe ou un syntagme nominal, un nom propre, certains pronoms, un infinitif, occasionnellement un adverbe à valeur nominale, une subordonnée conjonctive pure, ou d’autres éléments nominalisés :

La subordonnée relative était analysée traditionnellement comme complément de l'antécédent, soit comme un complément du nom ; il y a avantage au contraire à la considérer comme adjectivale.

Aucun lien morphologique ne peut être relevé par rapport à un autre élément de la phrase.

Ce complément se situe dans le contexte droit immédiat de la tête de syntagme, sans pause possible ; seuls certains pronoms (dont, en) seront nécessairement antéposés :

En français moderne, il est presque toujours prépositionnel ; c'est le plus souvent la préposition de qui le relie à son chef de syntagme, mais un grand nombre de prépositions sont utilisables. Ce complément ne dépend pas du verbe, mais uniquement d'un nom ou un équivalent, constituant non verbal :

Il existe des cas de construction directe, héritages de la construction médiévale sans préposition ; le nom propre complément se construit ainsi dans les locutions figées :

Un tel complément ne doit pas être pris pour une apposition, il n’exprime aucune co-référence, aucune caractérisation.

La construction directe d’un nom commun aboutit souvent à lui conférer une valeur d’épithète, ou correspond à la formation d’un nom composé.

Le complément du nom est syntaxiquement facultatif. Sa suppression ne rend en aucune façon la phrase agrammaticale. Toutefois, ce complément peut se révéler sémantiquement essentiel, ou essentiel dans le syntagme, pour le nom recteur :

Un long développement sur les aspects sémantiques du groupe nominal serait ici hors de propos. Nous indiquerons quelques voies importantes.

On peut considérer que le nom recteur (tête de syntagme) possède une valeur verbale qui se manifeste dans cette paraphrase, où le complément se transforme en sujet. Dans certains cas ambigus, il peut se transformer en COD :

Remarque :

Dans certaines tournures, des éléments apparemment nominaux doivent être en fait considérés comme des déterminants, quantitatifs ou évaluatifs, et non comme des noms recteurs suivis d’un complément :

A. 2 - LE COMPLÉMENT DU PRONOM

Il s’analysera globalement de la même manière que le complément du nom, nous ne le décrirons donc pas en détails.

Les contraintes de la langue apportent nombre de restrictions : les pronoms suivis d'un complément sont certains indéfinis, le démonstratif celui (celle, ceux, celles), un pronom interrogatif, tous cataphoriques :

Rappel : un pronom cataphorique trouve son référent derrière lui, dans la suite du discours ; un pronom anaphorique trouve son référent devant lui : l’antécédent.

  Éléments propres au complément du pronom :

Syntaxiquement, ce complément n'est peut-être pas essentiel par rapport à la phrase, mais il est souvent essentiel à l'intérieur du syntagme, par rapport au pronom recteur. Ainsi, le pronom celui ne peut se passer d'un complément ou d'une relative qui le complète. Pour d'autres pronoms, comme l'un et lequel dans les exemples précédents, si le complément n'est pas exprimé, c'est qu'il est sous-entendu, implicite.

Sémantiquement, le pronom trouve son référent dans le syntagme nominal complément, de manière partielle. Ainsi, l'un, celui et lequel représentent un ami faisant partie du groupe mes amis.

A. 3 - LE COMPLÉMENT DE L'ADJECTIF

Les catégories à envisager recouvrent celles du complément du nom. Certains adjectifs sont fréquemment suivis d’un infinitif ; quelques uns autorisent la présence d’une subordonnée conjonctive (pure) complément :

Aucun lien morphologique ne peut être relevé par rapport à un autre élément de la phrase.

Ce complément se situe dans le contexte droit immédiat de l’adjectif tête de syntagme, sans pause possible ; seuls certains pronoms (dont, en) seront nécessairement antéposés :

Il est en général prépositionnel (de nombreuses prépositions sont utilisables) ; quelques constructions directes existent, particulièrement avec les adjectifs de couleur :

Le complément du nom est, en théorie, syntaxiquement facultatif par rapport à la phrase. Toutefois, il existe des cas d’adjectifs nécessairement suivis d’un complément, sans lequel le sémantisme de l’adjectif serait profondément modifié :

Il faut donc considérer que la plupart du temps, le complément est essentiel à l'adjectif recteur, au sein du syntagme.

Le complément de l’adjectif adopte lui aussi un comportement restrictif, il restreint le champ d’action de l’adjectif. Les diverses nuances sémantiques seront mises en valeur par des paraphrases ; on tiendra compte du sémantisme de la préposition, et des exigences lexicales. Par exemple, une tasse à café, c'est une tasse pour boire du café (destination), mais une tasse de café, c'est une tasse pleine de café (contenu), et même le contenu lui-même, le café, du volume d'une tasse (boire une tasse de café, c'est boire le contenu).

Remarque :

Certains auteurs analysent comme « complément de l’adjectif » l’adverbe, généralement antéposé, qui vient modifier ou préciser le sens de cet adjectif. Il s’agit souvent d’adverbes de degré ; un adverbe à sens circonstanciel (ou évaluatif) comme toujours, volontiers, facilement, etc., pose certains problèmes d’analyse (adverbe de mot, ou de phrase ?) :

C’est avec prudence et réserves qu’on analysera l’adverbe de mot comme complément de ce mot.

A. 4 - LE COMPLÉMENT DE L'ADVERBE

Il ne faut retenir comme compléments de l’adverbe que les cas indiscutables :

Dans d’autres tournures, le prétendu adverbe n’est qu’un déterminant quantitatif :

Certains adverbes ont un complément introduit par que :

Ces constructions donnent lieu à diverses interprétations, rarement satisfaisantes. Nous nous contenterons de préciser que ce complément est généralement nominal, sans lien morphologique avec d’autres éléments de la phrase ; il se situe dans le contexte droit immédiat de l’adverbe recteur, sans pause ; il est rarement effaçable ; les paraphrases sont phrastiques, ce qui peut faire douter de l’existence même d’un tel complément. On peut douter aussi de l’unité du corpus qui précède.

B - L'ÉPITHÈTE

L'épithète est, comme le complément du nom, une des fonctions qui concernent l'expansion du groupe nominal. Nous sommes dans le cadre du syntagme.

Il s'agit d'un constituant de type adjectival : l'épithète est une fonction typiquement adjectivale.

Les substituts habituels de l'adjectif peuvent être épithètes : un syntagme nominal à valeur adjectivale comme de bonne humeur, ou bon marché par exemple ; certains adverbes :

Dans certains cas, un nom peut se trouver en situation adjectivale et servir à qualifier ; on peut dès lors le considérer comme épithète :

Toutefois, ce nom ne peut porter les marques du degré, ni être détaché en apposition. A noter que ce type de tournure s’utilise de plus en plus de nos jours, particulièrement sur les ondes.

Une subordonnée relative est à analyser comme épithète quand elle suit directement son antécédent, sans pause.

Un adjectif épithète d'un nom s'accorde avec lui en genre et nombre. Il existe des cas d’adjectifs invariables, comme certains adjectifs de couleur issus de noms ; ou variables seulement en nombre, comme marron. Un groupe nominal à valeur adjectivale (bon marché) ne s'accorde pas avec le nom, pas plus qu'un adverbe adjectivé (comme bien).

Un nom épithète s'accorde en nombre, sauf cas particulier (métaphorique par exemple).

Cette fonction ne dépend pas du verbe, mais uniquement d'un nom ou syntagme nominal.

L'élément épithète se trouve placé obligatoirement à côté du nom, sans en être séparé ou détaché, sauf par un adverbe. L'adjectif peut souvent être antéposé, et s'intercaler entre le déterminant et le nom :

L’adjectif épithète peut porter les marques du degré, comparatif ou superlatif, ou adverbe de degré :

Ce n'est pas une fonction essentielle à la phrase. Sa suppression ne rend en aucune façon la phrase agrammaticale. Ceci ne préjuge pas d'une modification sémantique du syntagme.

L'épithète exprime une caractérisation concernant le nom tête de syntagme : description concrète ou abstraite, précision sur l’être ou l’objet nommé.

Le comportement de l’épithète est restrictif : toute précision apportée permet de restreindre le sémantisme du nom pour lui faire désigner un être ou un objet unique dans un contexte déterminé.

Problèmes à envisager :

Les épithètes dites de relation équivalent à des compléments du nom : le voyage présidentiel, c'est celui du président ; un arrêté préfectoral, c'est un arrêté du préfet ; la lumière solaire, celle du soleil. Ces adjectifs, très restrictifs, rarement supprimables, ne peuvent changer de fonction (apposition ou attribut) ni porter les marques du degré ou se coordonner à d’autres, sont-ils vraiment à considérer comme épithètes ?

Comme l'apposition adjectivale (voir la page qui lui est consacrée), l'épithète peut posséder à l’occasion une certaine valeur circonstancielle, qui se manifestera par transformation :

La place de certains adjectifs épithètes n'est pas toujours indifférente sémantiquement :

L’usage a conféré à ces adjectifs simples et courants un double sens dépendant de leur position dans le groupe.

C - L'APPOSITION

Nous sommes toujours dans le cadre du syntagme. L'apposition est une des fonctions qui concernent l'expansion du groupe nominal.

Deux points de vue s’opposent selon les ouvrages. La tradition scolaire analyse souvent comme apposition l’adjectif en position détachée. Au contraire, nombre d’auteurs (ex. : Grammaire du français, par Delphine Denis et al., Livre de Poche, coll. Les Usuels de Poche, Paris, 1994) préfèrent réserver ce terme aux éléments nominaux, qui sont co-référents au nom recteur, et utiliser pour l’adjectif l’expression « épithète détachée ». Les arguments sont aussi valables dans un sens que dans l’autre. Nous avons choisi de considérer que l’adjectif peut être apposé ; l’apposition, sous cet angle, est une fonction double : adjectivale, ou nominale, comme l’attribut : les deux fonctions partagent en effet nombre de caractéristiques.

Pour tenir compte des divergences, nous scinderons : l’apposition adjectivale, que l’on pourra appeler « épithète détachée », et l’apposition nominale.

C. 1 – L’APPOSITION ADJECTIVALE

Il s'agit d'un constituant de type adjectival : adjectif qualificatif, participe, syntagme à valeur adjectivale ; un adverbe peut plus difficilement se détacher en apposition :

La subordonnée relative en position détachée, sera considérée comme appositive :

Un adjectif apposé s'accorde en genre et nombre avec le nom recteur.

L’adjectif apposé se situe dans le contexte immédiat du nom recteur, détaché par la ponctuation (ou une pause orale) ; il se place indifféremment devant ou derrière le nom (dans ce dernier cas, il est entre deux virgules) :

Ce n'est pas une fonction essentielle. Sa suppression ne rend en aucune façon la phrase agrammaticale, ni le syntagme :

L’adjectif joue son rôle habituel de caractérisation ; pourtant, le fonctionnement de l’apposition n’est pas identique à celui de l’épithète :

L’apposition n’a pas un fonctionnement restrictif ; elle n’apporte qu’une précision supplémentaire, tout à fait facultative. Elle constitue une remarque, un élément de description, d’explication, etc., c'est-à-dire une sorte d’énoncé secondaire dans l’énoncé premier, un prédicat dont le thème est le nom recteur.

L’apposition ne s’utilise réellement qu’en langage soutenu, ce qui explique qu’on la trouve sous la plume des écrivains, très souvent sous celle des poètes, mais très peu dans le discours oral, où elle poserait des problèmes de compréhension ; elle nécessite une attention de l’interlocuteur ou du lecteur, attention que permet beaucoup plus facilement le discours écrit. Il ne faut jamais négliger l’aspect visuel de l’écrit, qui ne se contente pas de retranscrire les propos d’un locuteur : une apposition est détachée entre deux virgules, ou entre deux parenthèses, ou encore à l’aide des deux points ; cette forme graphique contribue fortement à la séparation des énoncés, qui se superposent, sur deux niveaux différents d’abstraction.

L’énoncé secondaire que constitue l’apposition se trouve lié par des rapports logiques à l’énoncé premier, ce qui lui confère bien souvent une valeur circonstancielle. Cette valeur sera mise en évidence par une transformation phrastique :

C. 2 – L’APPOSITION NOMINALE

Bien que ce soit une fonction adjectivale, il s'agit ici d'un constituant de type nominal, nom, groupe ou syntagme :

Les substituts habituels du syntagme nominal peuvent être apposés, sous certaines conditions. En fait, le nom propre, ne possédant a priori aucune valeur qualificative, peut rarement assumer cette fonction, de même que la plupart des pronoms :

L’infinitif pose sans doute moins de problèmes :

On notera la nécessité d’une tournure d’insistance pour que ces éléments puissent être apposés.

Peut-on dans certains cas analyser des conjonctives pures comme apposées ?

La subordonnée présente-t-elle vraiment une co-référence avec le nom crainte, ou ne s’agit-il pas plutôt de la crainte de…, c'est-à-dire d’un complément du nom, mis en relief ?

Un nom ou syntagme apposé ne portera le genre et le nombre du nom recteur que s'il y a consubstantialité, identité complète, comme pour l'attribut ; ceci exclut les accords dans les cas d'apposition métaphorique (fréquente en poésie) :

L’apposition se place dans le cadre du syntagme nominal.

Un élément nominal apposé se situe généralement dans le contexte droit immédiat du nom recteur, détaché par une ponctuation faible : virgules, parenthèses ou deux points. Les risques de confusion interdisent à un syntagme complet d’être antéposé, ce qui entraînerait une inversion des fonctions. Un groupe nominal, non déterminé donc, peut être antéposé à un sujet :

 Un syntagme apposé peut se trouver plus loin dans la phrase :

 On trouve apparemment des cas d'appositions sans pause, sur lesquels il faut s’interroger :

L’apposition a en principe pour rôle d’apporter une caractérisation : on peut se demander si c’est celui de mon ami, ou du syntagme le cordonnier.

D’autre part, l’apposition possède bien des points communs avec l’attribut ; or, il existe des cas de noms propres attributs, avec un pronom personnel nécessairement sujet, le nom propre servant à indiquer l’identité du sujet :

Il est donc difficile de trancher : l’apposition est-elle le roi, ou Henri IV ?

 On trouve de la même façon des appositions indirectes, reliées au nom par de, qui ne joue plus son rôle de préposition ; en particulier en géographie, avec un nom propre :

Si notre beau pays semble bien apporter une caractérisation à France, et peut être analysé comme apposition antéposée, on ne peut en dire autant de la ville, dont le nom propre donne l’identité. Le débat reste donc ouvert.

Ce n'est pas une fonction essentielle. Sa suppression ne rend en aucune façon la phrase agrammaticale, ni le syntagme.

L'apposition se transforme facilement en attribut par l'adjonction du verbe être, sans distorsion sémantique :

  L’apposition nominale se décrit sémantiquement de la même façon que l’apposition adjectivale : rôle de caractérisation (description, explication, etc.), non restrictif ; énoncé secondaire, prédicat concernant le nom recteur ; valeurs circonstancielles possibles.

  Comme pour l’attribut nominal, l’apposition nominale est nécessairement co-référente au nom recteur, il y a identité entre les deux éléments, ce que montre la transformation en attribut par adjonction du verbe être :

Évidemment, plus l’apposition est métaphorique, plus l’identité devient floue.

Un nom propre ou un pronom apposé se contente de préciser une identité, comme pour l’attribut, sans ajouter de caractérisation. C’est donc ainsi que nous analyserons Henri IV, Paris, ainsi que le cordonnier, dans les exemples précédents (au nom propre et au pronom, nous ajoutons un syntagme complet, quand il désigne un être suffisamment déterminé pour devenir unique). C’est d’une certaine façon un rôle de caractérisation minimale, qui revient à préciser de qui il s’agit.

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages utilisés pour cette étude des fonctions :

Bernard Bouillon, Université d'Artois