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I - LES FONCTIONS LIÉES AU VERBE

3 - L'ATTRIBUT

Dans la phrase canonique, la construction avec attribut vient statistiquement en deuxième position, après la construction avec COD. Les points communs ne manquent d’ailleurs pas (distribution, certaines transformations).

Il s'agit d'une fonction adjectivale. Il est pourtant nécessaire de distinguer deux situations différentes :

 L'adjectif qualificatif : l'attribut est bien au départ une fonction adjectivale. On peut assimiler à cette catégorie les participes passés et présents, qui sont en fait des adjectifs verbaux :

 Certains déterminants employés adjectivement :

 Des adverbes employés adjectivement, en nombre très limité :

 Des syntagmes nominaux, prépositionnels ou non, qui sont en fait assimilables à des adjectifs, car ils ne possèdent aucun contenu nominal véritable, mais expriment une qualité, une caractéristique de l'élément décrit (voir la description sémantique plus loin) :

 Une subordonnée relative attribut du COD, amenée surtout par le verbe avoir :

— Tout ce qui n'est pas adjectif est remplaçable par un adjectif :

— Ces mots, ces syntagmes, cette subordonnée peuvent occuper d'autres fonctions adjectivales, comme l’épithète ou l’apposition (épithète détachée) :

— Ces éléments acceptent généralement les indications du degré, comparatif ou superlatif, ou à défaut un adverbe quelconque de degré.

— Ils peuvent se coordonner ou (parfois plus facilement) se juxtaposer à un adjectif, mis à part la relative qui possède une construction particulière :

— Sémantiquement, ils caractérisent le nom.

 Un nom commun, la plupart du temps sans déterminant :

 Un groupe ou un syntagme nominal (une précision, comme un complément du nom, peut entraîner l'apparition d'un déterminant) :

 Un nom propre, exprimant l'identité du sujet ou du complément d’objet :

 Un pronom parfois, quand cet attribut est précisé (similitude avec le nom propre) :

 Un infinitif, souvent quand le sujet est un infinitif lui-même, et assez souvent introduit par de (marqueur de l'infinitif) :

 Une subordonnée relative substantivée, en langage assez familier :

 Une subordonnée conjonctive essentielle ? Quel est le sujet, quel est l'attribut dans la phrase suivante ?

 Une subordonnée circonstancielle substantivée ? Même question :

 Une subordonnée interrogative (substantivée) ? Même question :

L’adjectif s'accorde entièrement, en genre et en nombre, avec le sujet ou le COD dont il est attribut :

Les adverbes ou les groupes nominaux à valeur adjective restent invariables :

L'accord ne se fait que quand il existe une identité suffisante entre le sujet ou le CO et l’attribut :

Dans les autres cas, le sens ou la catégorie décide si l’accord est possible :

L'attribut est relié au sujet ou au COD par un verbe. Il fait partie du syntagme verbal. Sa place canonique se trouve juste derrière le verbe, sans pause, pour l'attribut du sujet ; l'attribut du COD se place derrière le COD, lui-même derrière le verbe, le tout sans pause (évidemment, si le COD est un pronom personnel, celui-ci sera antéposé au verbe). L'attribut du COD, quand c'est un nom (SN) est le plus souvent de construction indirecte ; rares sont les verbes permettant une construction directe :

L'adjectif, lui, se construit facilement avec d'autres verbes, sans préposition :

Une inversion de l'attribut n'est possible que quand tout risque de confusion est écarté, quand l'attribut est un adjectif par exemple :

Mais dans la phrase suivante, l'inversion provoque aussi une inversion sémantique :

Un nom attribut seul est rarement déterminé :

Pour qu'il soit déterminé et se constitue en syntagme, il faut en général qu'il soit précisé, par un adjectif, un complément du nom, une subordonnée relative :

Notons que le syntagme se constituera plus facilement sans adjectif ou autre expansion avec un article indéfini, quand le nom possède une valeur qualificative suffisante :

L'attribut est une fonction essentielle, au plus haut degré. En fait, il ne tolère pas d'ellipse : toute phrase dont on supprime l'attribut devient agrammaticale :

La phrase suivante, quand on supprime l'attribut du COD, change complètement de sens :

On distingue au moins deux constructions fréquentes, et une troisième rare :

— Une pronominalisation, par pronom personnel neutre ou pronom relatif régime, est possible dans une mise en relief :

— Quand l’attribut du sujet est introduit par un verbe passif, la transformation active s’opère sans difficulté, et l'attribut du sujet devient attribut du COD :

L'attribut ne possède pas d'autonomie sémantique. Mais la liaison sémantique avec le sujet ou le COD est extrêmement forte.

Un élément de type adjectival joue simplement son rôle descriptif, mais par l'intermédiaire d'un verbe : c'est-à-dire qu'il caractérise le sujet ou le complément d'objet. C'est aussi le cas des syntagmes à valeur adjectivale : dans bon marché, il n'est absolument pas question de marché ; l'antonyme du syntagme est l'adjectif cher. L’antonyme de l’adverbe bien peut être l’adjectif laid.

Un attribut de type nominal assume aussi ce rôle de caractérisation : un renseignement nous est donné sur le sujet ou le CO par l’intermédiaire du verbe.

Un élément nominal est en outre consubstantiel avec le sujet ou le complément d'objet, co-référent, c'est-à-dire qu'il y a identité entre eux : l'acteur et la vedette ne font qu'un, et représentent la même personne (mais on apprend ce qu'est devenu cet acteur, quel est son nouvel état). Les syntagmes à valeur adjectivale ne sont pas consubstantiels avec le sujet ou le COD : Pierre est de bonne humeur ne signifie pas Pierre est une bonne humeur.

Dans certains cas, la caractérisation est réduite à sa plus simple expression, et l’attribut ne fait qu’exprimer l'identité du sujet ou du COD ; c’est le cas des attributs noms propres ou pronoms :

Le rôle sémantique du verbe est très particulier.

On parle traditionnellement de verbes d'état. Qu'est-ce qu'un état ? C'est ce qu'on est. Autrement dit, le verbe être est le seul véritable verbe d'état, au sens propre. Mais c'est aussi le verbe le plus vide de sens qui soit : il ne sert qu'à établir une description, une identité, ou dans d'autres cas une existence. C'est pourquoi, parmi les différentes expressions qui le définissent, la plus exacte est sans doute celle de verbe copule, servant simplement à établir un lien ; l'expression verbe attributif est en effet circulaire : ce qui introduit un attribut est attributif.

L'étude des verbes attributifs permet de distinguer des nuances : état / état apparent / changement d'état / persistance d'un état (être / sembler, paraître / devenir / rester, demeurer + synonymes) :

Ces différentes nuances nous permettent de reconnaître que les verbes entraînant un attribut du complément d’objet sont des verbes de jugement, de transformation, ou de maintien. Ils ont un sens actif, et, dans la transformation passive, constituent les synonymes des verbes d’état. On peut ainsi considérer que les verbes d’état ont un sens passif ; de même que le verbe être est une sorte d’équivalent passif du verbe avoir, on retrouvera un attribut du sujet derrière être, et un attribut du COD derrière avoir :

Les verbes d’état et leurs synonymes ne sont pas les seuls à introduire des attributs. A l’occasion, un verbe quelconque peut devenir attributif, et on obtiendra ce que Martin Riegel appelle un « attribut occasionnel » (« Verbes essentiellement ou occasionnellement attributifs », L’Information grammaticale, 10, pp. 23 à 27). Certains auteurs estiment que l’adjectif ainsi construit fonctionne un peu comme un circonstanciel ; si l’on peut effectivement remplacer parfois un adjectif par un adverbe (tranquille / tranquillement, dans l’exemple ci-dessous), cela ne peut expliquer la totalité des cas ; on peut plus simplement considérer que la phrase utilise un raccourci :

La signification véritable de ces phrases est :

Le verbe copule être est sémantiquement si faible qu’il disparaît aisément et autorise ces raccourcis. On constatera que ces attributs restent non supprimables : Baptiste serait certes surpris si l’on comprenait qu’il veut mourir