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I - LES FONCTIONS LIÉES AU VERBE

2 - LE COMPLÉMENT D'AGENT

Le complément d'agent porte le poids d'un loud héritage, car en latin, il s'exprimait par un ablatif précédé de la préposition a ou ab, utilisée également pour certains compléments de lieu. C'est donc presque naturellement que la grammaire traditionnelle, fidèle à l'héritage, l'a classé dans les compléments circonstanciels, et on peut lire textuellement dans les grammaires du début du XXème siècle « Le complément circonstanciel d'agent ».

Pourtant, en indo-européen, cette fonction s'exprimait par l'instrumental, cas disparu en latin, absorbé par l'ablatif, au même titre que le locatif.

Pourtant encore, en latin, les cas ne correspondent pas réellement à des fonctions : ce sont des marques indifférenciées susceptibles de correspondre à plusieurs usages. Ainsi, l'accusatif est utilisé à la fois pour le complément d'objet, l'attribut de l'objet, le complément de lieu avec déplacement, le sujet d'une subordonnée infinitive. « Ablatif » ne signifie donc pas « circonstanciel », d'autant que sa forme est souvent identique à celle du datif.

Exemples d'études effectuées par des grammaires anciennes :

Une analyse plus rigoureuse conduit à des conclusions quelque peu différentes.

Le complément est un constituant de type nominal : un syntagme nominal, ou l'un de ses substituts (pronom, nom propre, relative substantivée). C'est une fonction nominale.

Le complément d'agent n'entraîne ni ne subit aucun accord.

Ce complément se situe, dans la phrase canonique, obligatoirement derrière le verbe à la voix passive, sans pause, introduit par une préposition qui est le plus souvent par et quelquefois de, quand le verbe s'y prête :

4) Les relations syntaxiques :

Le complément d'agent est une fonction essentielle ; quand il est présent, on ne peut le retirer sous peine de rendre la phrase agrammaticale ou de rendre l'événement indéfini, voire difficilement compréhensible. Quand il n'est pas exprimé, c'est précisément qu'il est indéfini, ou inutile :

(personne n'a besoin de savoir par qui, seul l'entrepreneur lui-même trouvera bon de le signaler, pour sa publicité)

Quand on remet le verbe à la voix active, le complément d'agent devient sujet, le sujet devient COD, ce qui montre que seuls les verbes transitifs directs peuvent subir une transformation passive :

Certains verbes comme obéir, réfléchir, penser, aujourd'hui transitifs indirects, furent autrefois transitifs directs, ce qui leur permet de connaître encore aujourd'hui la voix passive, et d'être parfois suivis d'un complément d'agent :

L'agent est celui qui effectue l'action. Conformément à la tradition, le complément d'agent se trouve derrière un verbe d'action mis à la voix passive. Le complément d'agent est donc a priori un humain ou un être vivant doué de volonté, susceptible d'accomplir des actions. Pourtant, la réalité ne suit pas toujours ces bons principes :

La description trop sémantique de ce complément, comme celle du sujet, conduit à des impasses. Le complément d'agent s'explique beaucoup mieux en termes stylistiques : quel que soit le type de sujet présent dans la construction active, la passivation permet surtout une mise en relief de ce sujet, en même temps qu'une focalisation de la pensée sur l'élément qui a subi la prétendue action. Ainsi, dans le premier des deux exemples précédents, c'est bien à l'arbre que l'on pense d'abord, mais c'est comme si l'on insistait : c'est la tempête qui l'a déraciné. La tournure passive produit ainsi une sorte de double insistance. Elle est aussi particulièrement appropriée, nous l'avons déjà fait remarquer, pour les situations où le sujet actif serait indéfini ou inutile, auquel cas on se dispense de complément d'agent lors de la passivation.