Depuis l'Antiquité,
la philosophie se penche sur la question métaphysique du
puits sans fond, le modèle en étant le fameux Tonneau des
Danaïdes, dont voici une représentation ancienne à
gauche, une moderne au centre, et une purement mythologique à
droite (clic sur les images pour gros plans) :
On remarquera que les soeurs
Danaïdes de gauche sont très peu habillées, voire
pas du tout, ce qui est la preuve que l'action se passe bien dans
l'Antiquité, époque proche du Paradis originel où
les vêtements étaient encore superflus. La représentation
de droite est d'ordre mythologique, reconnaissable au fait qu'elle
fait appel à des éléments purement caractéristiques
dudit Paradis. La représentation centrale est la seule réaliste,
puisqu'elle correspond à la situation internationale actuelle. Visiblement,
les petites soeurs s'amusent bien, alors que la souffrance se lit
sur le visage des financiers centraux, autre indice de l'honnêteté
de l'artiste face à la douloureuse réalité.
Quant au tableau de droite, il est carrément délirant,
rien de ce qui apparaît n'ayant jamais pu exister depuis la
chute de l'homme sur le sol terrestre. L'idée de l'artiste
aurait été de représenter un tonneau éternellement
plein, de vin de Bourgogne plus précisément, boisson
typiquement paradisiaque ; le tableau représente donc
l'antithèse de ce qui fait notre propos dans cette page,
ce serait plutôt du type fontaine d'abondance. Au Paradis,
en effet, avant de devenir des puits sans fond, les puits sans fond
étaient des fontaines d'abondance. Le péché
originel de l'homme a été de vouloir vider les fontaines
d'abondance, qui versaient toutes du vin de Bourgogne, et l'homme
en a été puni, obligé désormais de cultiver
lui-même la vigne afin de remplir son gosier devenu un puits
sans fond. Ce qui prouve que, contrairement à la légende,
le péché originel n'a pas été commis
par la femme, mais par l'homme.
On définit le puits
sans fond comme un récipient qu'on tente éternellement
de remplir sans qu'il puisse jamais être plein. Cette définition
ne nous semble absolument pas correcte. Qu'est-ce qu'un puits,
en effet ? Un puits est un trou, le Robert précise
même « cavité circulaire, profonde et étroite,
à parois maçonnées, pratiquée dans le
sol... ». Passons sur les parois maçonnées,
qui relèvent d'une technologie qui n'existait pas au Paradis.
Un puits suppose d'abord un sol, dans lequel on creuse un trou.
Dans quel but ? Pour y puiser quelque chose, qui est
censé y venir tout seul, le sous-sol en étant imbibé.
Personne n'a donc jamais vu quiconque essayer de remplir
un puits. Ce serait l'exact inverse de la destination dudit puits.
En outre, pour le remplir, il faudrait emprunter la matière
à une source extérieure, qui n'est pas mentionnée
dans la définition du puits. Matière a priori liquide
qui, dès lors, serait amenée à rentrer
dans le puits au lieu d'en sortir. On voit bien que nous nageons
là en pleine contradiction. Un puits peut-il ne pas avoir
de fond ? La plupart des puits que nous connaissons possèdent
un fond, sur lequel on peut trouver beaucoup de choses, mais principalement la
vérité, qui gît, dit-on, au fond d'un puits.
Ainsi, celui qui constate « Je suis au fond du puits »
atteint la vérité, ce qui devrait le plonger dans
un profond bonheur. Un puits qui ne posséderait pas de
fond serait un puits ouvrant vers l'infini. Ce qui nous oblige à
considérer au passage que l'infini se situe en bas,
alors que la plupart des gens s'imaginent qu'il se situe en haut. La
logique amène à observer que si un puits n'avait pas
de fond, cela ne diminuerait en rien sa capacité.
Bien au contraire, on pourrait puiser indéfiniment dans ce
puits, qui se remplirait tout aussi indéfiniment, puisque,
rappelons-le, dans un puits, on puise, on ne verse pas. Un puits
sans fond, s'il existait, serait en réalité une véritable
fontaine d'abondance. A la différence que pour se servir
à une fontaine, il faut placer un récipient dessous,
alors qu'on doit plonger le récipient dans le puits. Les
puits sans fond, fontaines d'abondance inversées, ne peuvent
donc exister qu'au Paradis, ils ne peuvent en aucun cas constituer
une image de l'Enfer, contrairement à une tradition
tenace. Nul ne sait ce que contenaient les puits sans fond au
Paradis. Certains pataphysiciens supposent qu'ils étaient
remplis de Gewurztraminer, solution logique pour exploiter utilement
la fraîcheur du sous-sol. On se demande alors si la femme
n'aurait pas quand même un peu participé au péché
originel.
|